Les uns vivent de l’or noir, les autres de l’argent invisible. D’un côté, une caste qui pompe les richesses naturelles d’un pays sans jamais se soucier du lendemain. De l’autre, une élite financière qui jongle avec des milliards en facturant l’air qu’elle fait circuler. Deux systèmes en apparence différents, mais qui fonctionnent sur le même principe : faire tourner une machine qui profite à une poignée de privilégiés, pendant que les peuples rament.
L’Algérie, riche de son sous-sol, aurait pu devenir un géant économique. Mais à quoi bon se fatiguer à diversifier quand on peut simplement ouvrir les robinets et encaisser la rente ? Un pays transformé en distributeur automatique, où les élites ponctionnent à la source et redistribuent juste assez pour éviter l’émeute. Pas trop, pas trop vite : un peuple affamé est dangereux, mais un peuple repu commence à poser des questions.
Pendant ce temps, la France, ex-puissance coloniale devenue ex-métropole nostalgique, n’a pas perdu la main sur le business. Elle ne tient plus l’Algérie par la force, mais par la finance. Car une grande partie de la fortune algérienne, celle des oligarques et des décideurs, n’est pas investie à Tizi Ouzou ou à Oran. Elle dort paisiblement dans les coffres des banques françaises, dans des comptes bien discrets, dans des immeubles haussmanniens où le mètre carré vaut le prix d’une vie de labeur d’un employé algérien.
Le pillage en costard-cravate
Le rentier algérien ne produit rien. Il n’a jamais creusé un puits de pétrole, il ne sait pas comment fonctionne un gazoduc. Mais il sait comment toucher sa part sans bouger le petit doigt. Il est ministre, fils de ministre, cousin d’un général, ancien haut fonctionnaire recyclé en businessman. Son travail consiste à gérer les pots-de-vin, signer des contrats en Suisse et s’assurer que les fonds publics prennent discrètement l’avion.
Le banquier français, lui, ne connaît pas l’odeur du pétrole. Il ne fore pas, ne transporte rien. Son métier ? Rendre tout cela fluide. Blanchir, optimiser, faire disparaître l’argent sous des couches de sociétés écrans et de paradis fiscaux. Quand un milliard quitte Alger, il ne disparaît pas : il réapparaît sous forme de comptes anonymes au Luxembourg, de propriétés à Neuilly, de jetons dans un casino à Monaco.
Et pourtant, les deux camps jouent les indignés.
L’Algérie dénonce le néocolonialisme, tout en envoyant discrètement ses milliards en France. La France prêche la morale financière, tout en accueillant avec le sourire les valises de billets douteux. Une hypocrisie bien huilée, où les peuples sont priés de croire à la souveraineté des uns et à la rigueur des autres.
Un système bien rôdé
Mais que se passe-t-il quand le pétrole chute ? Quand la crise frappe ? Quand la machine se grippe et que la manne se fait rare ? C’est là que le masque tombe : les élites n’ont jamais eu l’intention de partager.
En Algérie, on parle de complot international, de main invisible étrangère qui cherche à déstabiliser le pays. En France, on dit qu’il faut faire des réformes, serrer la ceinture, sauver les banques « pour éviter l’effondrement ». Mais dans les deux cas, c’est toujours le peuple qui paie l’addition.
Quand l’Algérien lambda se retrouve sans travail, sans avenir, sans perspectives, il regarde vers la mer et rêve de fuir vers cette France où son propre pays a déposé ses richesses.
Quand le Français moyen voit les prix grimper et les services publics s’effondrer, il se demande comment des banques sauvées avec son argent continuent de verser des bonus records.
Et à chaque crise, les élites trouvent une parade.
En Algérie, on distrait le peuple avec des discours patriotiques. On agite les vieilles blessures coloniales, on accuse l’ennemi extérieur, on joue la carte du nationalisme. « Nous sommes indépendants ! » crient-ils, tout en envoyant leurs familles se faire soigner dans les hôpitaux parisiens et leurs enfants dans les grandes écoles françaises.
En France, on amuse la galerie avec des débats sur l’immigration, la dette, la « France qui se lève tôt ». On fait croire au peuple que le problème, ce sont les pauvres trop pauvres et pas les riches trop riches.
Comprendre, ce n’est pas résoudre
Alors oui, rentiers algériens et banquiers français sont bien les deux bouts d’une même banane. Les uns pillent le pays en distribuant des miettes, les autres volent en facturant des frais. Et entre les deux, des peuples qui n’ont droit ni au fruit, ni même à la peau.
Mais soyons honnêtes : comprendre ce mécanisme ne suffit pas à le renverser. On peut dénoncer, analyser, expliquer… mais que se passe-t-il ensuite ? Tant que ceux qui ont le pouvoir de changer les choses n’ont aucun intérêt à le faire, rien ne bougera.
Les peuples ont fini par comprendre comment ils se font avoir. Mais ils se font toujours avoir.
Alors, on fait quoi ? On continue à regarder la banane se faire peler, ou on arrête d’être le dindon de la farce ?
Et comme disait Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »
Dr A. Boumezrag