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mardi 11 novembre 2025
DébatsLe “Khawawisme” ou la fraternité de façade

Le “Khawawisme” ou la fraternité de façade

Tribune libre – Par Bihmane Belattaf

Chapeau :

Slogan national, mantra populaire, « Khawa Khawa » — « frères, frères » — s’est imposé comme un symbole d’unité en Algérie.

Mais derrière ces mots censés rassembler, se cache une réalité plus dérangeante : hypocrisie, fractures identitaires et refus d’assumer la pluralité du pays.

Le Khawawisme n’est plus une fraternité, c’est une mise en scène.

Une unité de façade

Depuis 1962, l’Algérie vit avec une fracture profonde, invisible mais réelle.

Un mur sociologique et culturel, érigé sur les mensonges de l’histoire et la manipulation identitaire, continue d’alimenter les divisions internes.

Cette blessure n’a jamais été soignée.

Elle nourrit une haine sourde, un ressentiment entretenu par ceux qui, tout en prêchant la fraternité, refusent de bâtir un véritable État de droit fondé sur la vérité et la justice culturelle.

Le Khawawisme, ce mot devenu slogan, ne traduit plus une solidarité authentique mais une hypocrisie collective.

Il masque le déséquilibre et le déni qui gangrènent la société depuis des décennies.

Tamazight, une langue proclamée mais jamais accueillie

On en revient toujours à la question identitaire.

Tamazight, langue millénaire des racines algériennes, a été proclamée “nationale et officielle”.

Mais dans les faits, elle demeure symbolique, tolérée, jamais intégrée.

La reconnaissance juridique n’a pas entraîné une reconnaissance culturelle.

Et surtout, aucune volonté réelle ne se manifeste dans la majorité arabophone pour l’apprendre, la pratiquer ou la comprendre.

La preuve est aussi simple qu’implacable :

qu’un Kabyle s’installe dans une région arabophone, il parle arabe au bout de quelques mois — par adaptation, respect et sens de la coexistence.

Mais un arabophone, seul ou en famille, vivant en Kabylie pendant vingt ans, ne prononce pas un mot de kabyle.

Pire encore, il entretient un entêtement volontaire, un rejet assumé, parfois même un mépris latent.

Ce refus d’effort n’est pas anodin : il exprime la résistance à reconnaître que l’Algérie est amazighe avant d’être tout autre chose.

Une fraternité sans réciprocité

Quand un “arabe” se joint à un groupe de Kabyles, ces derniers se mettent spontanément à parler arabe.

Non par contrainte, mais par éducation, respect et politesse.

Ce geste, profondément humain, témoigne d’une ouverture sincère.

Mais la réciproque, elle, n’existe pas.

Et une fraternité qui ne va que dans un sens n’en est plus une : c’est une courtoisie unilatérale, un masque social.

Le “Khawa Khawa” est alors réduit à un slogan destiné à calmer les tensions, une formule incantatoire qui cherche à cacher un déséquilibre profond.

La fraternité véritable ne se décrète pas, elle se vit — dans la réciprocité, la curiosité et le respect mutuel.

Dire la vérité pour bâtir l’avenir

L’Algérie ne se construira pas sur le mensonge identitaire.

Elle ne grandira pas tant qu’elle continuera de confondre unité et uniformité.

Un État de droit digne de ce nom ne naîtra que le jour où Tamazight sera pleinement assumée, enseignée, respectée ;

le jour où l’égalité linguistique cessera d’être une revendication pour devenir une évidence.

Ce jour-là, peut-être, le slogan “Khawa Khawa” retrouvera son sens premier.

Mais tant qu’il servira à masquer la hiérarchie culturelle, le refus de l’autre et la peur de la vérité,

il restera ce qu’il est devenu : le symbole d’une fraternité de façade dans un pays qui se cherche encore dans le miroir de son histoire.

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