Expression libre : Par Bihmane Belattaf
Il m’avait lancé cette phrase avec l’assurance des ignorants :
— Béjaïa ? On dit qu’elle est pleine de femmes de joie.
Je le regardai sans répondre. Le vent marin soufflait entre nous, portant l’odeur du large et du vrai. Puis, calmement, je lui demandai :
— Elles s’exprimaient dans quelle langue, ces femmes dont tu parles ?
Il hésita, puis répondit :
— En arabe, évidemment.
Je souris.
— Alors ce sont vos sœurs, vos filles, pas les nôtres. Ce sont elles qui viennent ici respirer. Béjaïa n’est pas un refuge du vice, mais un abri de vérité d’ambiance de lumière et de respect.
Il voulut répliquer, mais je poursuivis :
— Tu vois, vos villes sont des prisons et vous des bourreaux . Des rues étroites où la morale se vend mieux que le pain. Là-bas, les femmes marchent la tête baissée, leurs rires bâillonnés, leurs rêves condamnés avant même d’avoir pris forme. Alors elles fuient. Certaines quittent leurs foyers, d’autres leurs villages. J’ai vu, de mes yeux, des mineures venues des fins fonds du pays, seules, épuisées, mais décidées à vivre. Elles arrivent à Béjaïa comme on touche le rivage après le naufrage.
Je pris une inspiration.
— Béjaïa, c’est une ville propre. Une ville vivante. Une ville symbole. Elle ne salit personne, elle révèle. Elle ne juge pas, elle accueille. Elle donne à chaque souffle le goût de la liberté, à chaque femme la force d’exister sans permission.
Je marquai une pause, puis ajoutai d’une voix plus grave :
— Ce n’est pas Béjaïa qui est souillée. Ce sont vos regards, vos sermons, vos hypocrisies. Vous avez sali la pureté de vos filles avant qu’elles ne franchissent la route du Nord. Vous les avez chargées de honte pour mieux cacher vos désirs, vos frustrations, vos peurs.
Il baissa les yeux, comme s’il venait d’apercevoir, pour la première fois, sa propre lâcheté.
Je continuai, sans colère, mais avec cette vérité que rien ne peut étouffer :
— Béjaïa ne corrompt personne. Ce sont vos villes, vos traditions figées, vos morales en pierre qui tuent lentement la vie. Vos filles ne fuient pas pour pêcher, elles fuient pour respirer. Elles ne cherchent pas la débauche, mais la délivrance.
Je me tournai vers la mer. Le vent caressait la surface de l’eau, libre, insoumis.
— Béjaïa n’est pas une ville de plaisir, dis-je doucement. C’est une ville de respiration. Et si vos filles y viennent, ce n’est pas pour vendre leur corps, mais pour sauver leur âme.
Le silence tomba. Il n’y avait plus rien à dire.
Devant nous, la mer s’étendait, vaste, pure, indifférente à nos jugements.
Et dans la lumière du couchant, Béjaïa continuait de respirer —
comme un rappel que la liberté, même blessée, ne meurt jamais.
PS/ cet individu est juste un échantillon
Victimes d’une pathologie que nul psy ne saurait soigner.
Des accidents de la nature et des erreurs génétiques

