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vendredi 24 octobre 2025
DébatsKabylie : Novembre, la Soummam et les vérités qui dérangent

Kabylie : Novembre, la Soummam et les vérités qui dérangent

Tribune : Par Bihmane Bellataf

Il est fascinant – et pathétique à la fois – de voir avec quelle facilité certains s’acharnent à insulter la Kabylie. Nourris d’idéologies arabo-baathistes d’un autre âge, prisonniers d’une vision médiévale et poussiéreuse de la société, ils ne savent exister qu’en cultivant la haine. Amazighophobie, kabylophobie, jalousie maladive : voilà leurs armes. Mais qu’ils ne s’y trompent pas, ils ne font que jouer le jeu du pouvoir qui les engraisse. Car le but est clair : diviser les Algériens pour mieux régner.

Et pour cela, quoi de plus pratique que d’attaquer la Kabylie ?

On nous traite de « zouaves », on nous traite de « harkis ». Quelle ironie ! Quelle absurdité ! Ceux qui aujourd’hui crachent ces insultes devraient peut-être ouvrir un livre d’histoire avant d’ouvrir la bouche. Car la vérité est simple et brutale : jamais la Kabylie n’a trahi. Jamais elle n’a faibli. Bien au contraire, elle a été le cœur battant de la lutte de Libération.

C’est de Kabylie qu’est partie une grande part de l’ossature de la Révolution. Trois wilayates historiques – la 4, la 5 et la 6 – ont vu le jour grâce à elle. C’est elle qui les a structurées. C’est elle qui les a équipées, humainement, militairement et logistiquement. Sans la Kabylie, elles n’auraient jamais existé.

Et c’est encore en Kabylie que s’est tenue l’une des étapes les plus décisives de notre histoire : le Congrès de la Soummam, en août 1956.

Dans une vallée reculée des montagnes de Béjaïa, sous la menace permanente des avions français, des hommes se sont réunis pour donner une colonne vertébrale politique et institutionnelle à la Révolution. Ils savaient que la lutte armée, seule, ne suffisait pas. Ils savaient que pour libérer et bâtir une Nation, il fallait une vision claire, un projet solide.

La plateforme de la Soummam a affirmé deux principes cardinaux :

La primauté du politique sur le militaire. Car une révolution ne devait pas être confisquée par les armes ni par les chefs de guerre, mais guidée par une vision nationale.

La primauté de l’intérieur sur l’extérieur. Car l’Algérie devait se construire par ses enfants, sur son sol, et non être dirigée par des appareils éloignés, coupés du terrain.

À travers ces choix, la Soummam portait l’ambition d’une Algérie républicaine, démocratique et moderne. Une Algérie où l’organisation primerait sur l’improvisation, où la légitimité naîtrait de la population et non de la force brute. La plateforme envisageait une Nation rationnelle, libérée des tribus, des clans et des dogmes, prête à rejoindre le concert des nations avec dignité.

Autour de cette table, des figures majeures ont marqué l’histoire :

Abane Ramdane, le stratège politique, l’homme qui a donné une vision claire à la Révolution et qui a cru, jusqu’à son dernier souffle, à la supériorité des idées sur la force brute.

Krim Belkacem, « le Lion des djebels », issu de Tizi Ouzou, qui fut l’un des artisans les plus déterminés de l’indépendance et qui porta la voix de l’Algérie jusque dans les négociations d’Évian.

Amirouche Aït Hamouda, commandant de la Wilaya III, incarnation de l’austérité et du courage, celui qui a fait trembler l’armée coloniale et qui, par son sacrifice, reste une figure mythique de la lutte.

Et bien d’autres : Ouamrane, Zighout Youcef, Ben M’hidi… tous réunis par un même souffle, une même ambition : libérer l’Algérie et lui donner un avenir digne.

Oui, la Soummam aurait pu porter l’Algérie au sommet.

Mais la Soummam a été trahie. Ses principes ont été reniés. Très vite, les militaires ont imposé leur loi, les clans ont pris le dessus, et l’Algérie a été livrée à des luttes intestines qui continuent encore aujourd’hui. Ceux qui aboient contre la Kabylie sont les héritiers directs de ceux qui ont enterré la Soummam. Ils ont préféré le pouvoir absolu à l’idéal national, la rente à la République, la division à l’unité.

Les sacrifices, eux, restent indélébiles. Des villages entiers rasés, rayés de la carte par la répression coloniale. Des milliers de veuves, condamnées au silence et au deuil(Ouzellaguen compte 87%de veuves (entre 17et 35 ans) suite aux représailles après le congrès. Des martyrs par dizaines de milliers. La moitié du prix de la guerre payé par une seule région. Dans ma proche famille, 47 martyrs sur 49( âgés entre 16 et 38 ans). Du côté maternel, 17 fils(17/45 ans )tombés, aucun n’est revenu. Qui d’autre peut revendiquer un tel tribut versé au sol de cette patrie ?

Alors oui, continuons ce petit jeu ridicule : qui sont les vrais « zouaves » ? Ceux qui ont versé leur sang pour libérer l’Algérie, ou ceux qui aujourd’hui rampent dans les couloirs du pouvoir, répètent ses insultes et s’accrochent à ses miettes ? Qui sont les « harkis » ? Ceux qui ont résisté au prix de tout, ou ceux qui se vendent encore au régime en échange de quelques faveurs, de quelques strapontins ? La réponse saute aux yeux.

La Kabylie ne cultive pas la division. Elle incarne le sacrifice, la dignité et la fidélité à l’idéal premier de Novembre. Mais l’idéal de Novembre, et plus encore celui de la Soummam, a été confisqué, trahi, piétiné. Au lieu de l’Algérie républicaine et démocratique promise, on a livré aux Algériens une caricature d’État, prisonnier de la rente et des clans.

Malgré tout, malgré les aboiements, malgré les insultes, une vérité demeure : la Kabylie reste un modèle. Un symbole. Une référence. Une fierté nationale. On peut tenter de l’insulter, on peut chercher à l’humilier, on peut réécrire l’histoire à coups de mensonges, mais rien n’efface le sang versé, rien n’efface les sacrifices, rien n’efface la mémoire.

Et au fond, vos insultes, vos accusations, vos aboiements ne sont que des aveux. Vous savez que face à la Kabylie, face à Novembre, face à la Soummam, face à cet héritage de courage et de dignité, vous ne valez rien. Voilà pourquoi vous la détestez : parce qu’elle est votre miroir, et qu’il vous renvoie votre propre lâcheté.

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