Tribune libre – Par Bihmane Belataff
Tamazight, dans sa triple dimension — langue, culture et civilisation — demeure bien plus qu’un symbole identitaire. Elle est la mémoire première de notre terre, la racine de notre être collectif, le témoin d’une histoire qui précède toutes les conquêtes et transcende tous les clivages.
Pourtant, depuis l’indépendance, cette richesse, au lieu d’être célébrée comme une composante naturelle de la nation, a souvent été reléguée à la marge, ignorée, voire redoutée. Ce refus de reconnaissance, étalé sur des décennies, a creusé une fracture intérieure, une tension silencieuse dans le cœur même du pays. Car on ne bâtit pas une unité durable sur l’oubli ou l’exclusion. Tamazight, à force d’être ignorée, est devenue une bombe à retardement.
Mais une bombe peut être désamorcée — non pas par la force ni par la peur, mais par la sagesse, le courage et la sincérité politique.
Désamorcer Tamazight, c’est reconnaître son statut, lui rendre sa dignité et lui permettre de vivre pleinement au sein du projet national. Ce n’est pas une faveur à accorder : c’est une dette morale, historique et civilisationnelle.
L’avenir du pays repose sur cette réconciliation. L’Algérie ne pourra réellement avancer que lorsqu’elle acceptera toutes ses identités comme un tout harmonieux. La langue arabe et la langue amazighe ne sont pas des rivales : elles sont les deux ailes d’un même oiseau. L’une puise dans la profondeur spirituelle et historique du monde arabo-musulman, l’autre dans la sève millénaire de l’Afrique du Nord. Ensemble, elles peuvent porter une Algérie fière, lucide et ouverte sur le monde.
Dans cette perspective, il appartient au pouvoir d’assumer pleinement son rôle de bâtisseur d’unité nationale. Le respect de Tamazight dans l’enseignement, les médias et les institutions n’est pas un détail administratif : c’est une condition de paix durable. Car la justice culturelle est la première marche vers la justice sociale et politique.
L’Algérie de demain doit être celle du respect mutuel, du dialogue et de la complémentarité. Une nation forte est une nation qui ne craint pas sa diversité, mais qui en fait sa richesse. La modernité ne se limite pas aux infrastructures : elle commence dans la reconnaissance de toutes les expressions de soi.
Tamazight doit être un lien, pas un fossé. Une lumière, pas une menace.
Elle doit être enseignée, valorisée, intégrée avec la même dignité que les autres langues du pays. C’est à cette condition que nous pourrons refermer les blessures du passé et ouvrir les portes d’un avenir serein, uni et prospère.
L’Algérie a tout pour réussir : un peuple jeune, des ressources immenses, une histoire dense et un patrimoine culturel incomparable. Mais pour que cette réussite soit complète, elle doit d’abord faire la paix avec elle-même.
Et cette paix commence par la reconnaissance pleine et entière de Tamazight — non pas comme une revendication régionale, mais comme un pilier fondateur de la nation algérienne moderne.
Car un pays qui reconnaît toutes ses voix devient une symphonie.
Et c’est cette symphonie-là que nous voulons entendre : celle d’une Algérie réconciliée, fraternelle et digne de son histoire.

