Il est des vérités que l’Histoire s’efforce de dissimuler, mais aussi des mythes qui, malgré leur apparente transparence, ne cessent de se reproduire à travers les âges. Prenez l’Algérie, par exemple, un pays qui a cru qu’en se débarrassant des colons français, il se débarrasserait de toutes les chaînes. C’était sans compter sur l’ingéniosité humaine, capable de créer des dépendances invisibles, souvent bien plus puissantes que celles qu’on peut voir.
La colonisation, telle que nous l’avons vécue, était un système où l’oppression venait directement d’un ennemi étranger, une main de fer venant de loin, un joug que l’on pouvait décrire, analyser et combattre. Mais après 1962, avec l’indépendance tant espérée, les Algériens se sont retrouvés face à une douce déception : leur indépendance n’était qu’un transfert de pouvoir déguisé en libération, une réplique du modèle colonial. Ah, la magie de la politique ! La France, qui avait imposé un empire coloniale, a eu la géniale idée de répéter ce même processus, mais avec de nouveaux costumes et un décor soigneusement remodelé.
Qui aurait cru qu’après l’indépendance, les nouveaux maîtres du pays seraient en réalité des héritiers directs de la même logique coloniale ? Si les colons français sont partis avec leurs pieds, c’est au tour des « commis » locaux, ceux formés dans l’école de la dépendance coloniale, d’installer leurs propres chaînes. On parle d’indépendance, mais entre les liens de la dette extérieure et la rente pétrolière, l’économie algérienne semble plus dépendante que jamais de puissances étrangères. Loin des vieux colons français, c’est la main invisible de la France, et d’autres puissances économiques, qui continue de tirer les ficelles.
Et comment ne pas sourire, ou plutôt pleurer, à l’idée que l’Algérie soit encore en train de vénérer des idéologies de libération qui sont en réalité des clones de celles des anciennes puissances coloniales ? L’Algérie post-coloniale n’a pas réinventé la roue ; elle l’a simplement repeinte en vert et noir, sous des slogans nationalistes et socialistes. Le résultat ? Un État centralisé qui ne laisse aucune place à la diversité, une économie prisonnière de la rente pétrolière, et des citoyens enfermés dans l’illusion d’une souveraineté, tout en étant encore et toujours enchaînés à un système financier mondial.
Si la colonisation française a laissé des traces indélébiles, l’indépendance n’en a pas été l’antidote. Elle a ouvert la voie à une nouvelle forme de domination, plus insidieuse, mais tout aussi présente : la recolonisation. Cette fois, ce n’est plus la France qui impose directement sa domination, mais elle continue à jouer un rôle clé à travers des institutions financières internationales, des prêts exorbitants et des contrats juteux. C’est la diplomatie de la dépendance, celle où l’on prétend à la souveraineté tout en se soumettant aux exigences des puissances économiques mondiales. Le « nouveau pouvoir » s’est rapidement dissipé pour céder la place à une gouvernance autoritaire, où l’influence de la France, et d’autres puissances étrangères, se fait sentir dans l’ombre.
La colonisation française était un contrôle des ressources, une réécriture de l’histoire, une classe dirigeante imposée. Après l’indépendance, ces mêmes pratiques ont ressurgi sous des formes diverses et, comme un clin d’œil du destin, la France, qui avait joué le rôle de colonisateur, a continué de tordre les bras des nations qu’elle avait laissées « libérées ». Les promesses de libération n’étaient qu’une façade. L’Algérie n’a pas été libérée d’un joug étranger, elle est simplement tombée sous un nouveau joug, celui des élites locales incapables de se défaire de l’emprise coloniale, et de la France qui, en coulisses, continuait de jouer son rôle d’influence.
« Le cycle infini », vous dites ? En effet, la France a brillamment orchestré ce tour de passe-passe, remplaçant le colonisateur direct par des apparences de dirigeants nationaux. Et au final, les intérêts français, loin de s’effacer, ont été subtilement intégrés au tissu économique et politique des nouveaux gouvernements. L’illusion d’autosuffisance se heurte aux diktats de la globalisation et aux exigences des puissances économiques mondiales. Après tout, pourquoi changer un système qui fonctionne si bien pour ceux qui en tirent profit ?
Ce n’est pas l’histoire de l’Algérie, c’est l’histoire du monde. Un monde où, sous le masque de « l’indépendance » et de « la décolonisation », on fait passer le même poison dans une nouvelle bouteille. La France, à travers ses anciennes colonies et sa politique néocoloniale, est un acteur central dans ce cycle sans fin. Une fois que les peuples réalisent qu’ils ont échangé une forme de domination contre une autre, il est déjà trop tard pour remettre la pendule à l’heure. L’indépendance ? Un mythe aussi vieux que l’Histoire elle-même, un cycle sans fin où la libération se transforme en une nouvelle oppression, subtilement imposée par des acteurs économiques et politiques à la fois visibles et invisibles.
Dans ce grand théâtre de l’histoire, l’Algérie, comme d’autres pays du Tiers-Monde, joue un rôle de répétition perpétuelle. Le masque change, les acteurs aussi, mais le décor, lui, reste étonnamment similaire. La décolonisation devait être un passage vers un avenir radieux, une promesse de redressement. Mais une fois le rideau levé, ce n’était pas le grand soir de la liberté que l’on attendait. Non, c’était un film en noir et blanc, où l’espoir se heurtait sans cesse aux murs d’une réalité bien moins cinématographique, une réalité marquée par la présence discrète mais constante des anciennes puissances coloniales, dont la France.
Si les années 1960 avaient semblé porter l’espoir d’une rédemption nationale, les décennies suivantes ont révélé un film bien plus ennuyeux, où les héros de l’indépendance devenaient des tyrans, où les slogans révolutionnaires se transformaient en mantras de la corruption. L’indépendance politique, acquise chèrement, se révélait n’être qu’un leurre – une liberté formelle qui cachait un manque cruel d’autonomie économique et sociale. La vraie question n’a jamais été « Qui nous gouverne ? », mais « Comment sommes-nous gouvernés ? » Si le pouvoir changeait de mains, l’essentiel restait inchangé : un État qui, sous prétexte d’indépendance, servait encore des intérêts étrangers, notamment ceux de la France et de ses alliés.
Les promesses de l’indépendance, ce vent de fraîcheur censé balayer les poussières coloniales, se sont vite transformées en une brise étouffante, incapable de dissiper la chaleur suffocante du vieux système. Le nationalisme a servi de couverture idéologique à une économie qui n’a jamais quitté les chaînes de la rente pétrolière. Bien au contraire, il a facilité son ancrage. L’illusion de l’autosuffisance a plongé le pays dans une dépendance de plus en plus marquée aux marchés internationaux et à l’argent facile, cette fausse richesse des matières premières qui corrompt autant qu’elle endort.
Et pourtant, les dirigeants, tous héritiers du colonialisme sous une forme ou une autre, continuaient de brandir l’étendard de la souveraineté nationale. On nous a dit que la colonisation nous avait appauvris, que l’indépendance serait le chemin vers la prospérité. Mais à qui profite cette indépendance ?
Pas à ceux qui triment sous le poids de la pauvreté, pas à ceux qui voient leurs rêves d’une vie meilleure écrasés par une économie parallèle dominée par des intérêts privés et des connexions internationales douteuses.
Au fond, cette nouvelle forme de domination n’est-elle pas plus perfide que la précédente ? Parce que contrairement à la colonisation, qui imposait sa violence avec une brutalité évidente, cette recolonisation se camoufle sous des apparences d’égalité, d’autonomie et de prospérité.
Mais la réalité est bien plus simple et bien plus cruelle : tant que les élites continuent à gérer le pouvoir à leur profit, l’Algérie, comme beaucoup d’autres nations du Tiers-Monde, n’échappera pas à ce cycle. Celui où la promesse de l’indépendance n’est qu’un leurre pour les masses, un prétexte pour légitimer le maintien d’un système inégalitaire.
Cela dit, la question de la recolonisation est aussi celle de la résistance. Parce que si l’Histoire nous a appris quelque chose, c’est que, dans ce cycle infini, il y a toujours une étincelle de rébellion, une petite lueur d’espoir qui surgit dans l’obscurité. Et même si cette lumière peut paraître fragile, elle n’en demeure pas moins tenace. La véritable révolution ne réside pas dans l’acquisition d’un pouvoir politique mais dans la reconquête de son autonomie économique et culturelle
La décolonisation n’a jamais été un acte d’émancipation, mais une illusion de libération orchestrée pour que l’exploitation continue sous de nouvelles formes. »
L’Histoire est un éternel recommencement, et la géographie, une source intarissable de convoitise et de conflits. »
Cette citation met en lumière l’idée que, malgré les changements apparents, les nations continuent de revivre les mêmes dynamiques de pouvoir, et que les ressources naturelles, les territoires et les positions géographiques restent des moteurs essentiels de lutte et de domination à travers les âges.
Dr A. Boumezrag