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jeudi 21 novembre 2024
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Les Rifains et la fausse grâce du roi Mohammed VI

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Une mère d’un détenu politique rifain : « Ni les détenus ni leurs familles n’ont demandé à être graciés ! »

La grâce fut une « surprise » pour les familles et les détenus, malgré le soulagement d’avoir retrouvé leurs proches, il reste que « la majorité des détenus n’avait rien demandé ! »

À l’occasion de la fête religieuse du « sacrifice », le roi du Maroc Mohammed VI a gracié au total 188 personnes liées au mouvement de protestataire rifain.

Une mère d’un jeune détenu de 19 ans témoigne que son fils a été condamné, en 2017, à 18 mois de prison ferme, il devrait sortir en décembre 2018. Le 20 août 2018, (Révolution du Roi et du peuple) des documents de demande de grâce ont été proposés aux détenus, mais la majorité d’entre eux a refusé, estimant qu’ils étaient innocents des accusations pour lesquelles, ils étaient arrêtés et condamnés. De surcroît les peines d’emprisonnement de la plupart d’entre eux étaient quasiment écoulées. A contrario, ceux qui avaient demandé la grâce n’ont pas été relâchés !

La maman du jeune garçon, bien que soulagée d’avoir retrouvé son fils, affirme qu’il n’avait demandé aucune grâce, mais les autorités ont décidé pour lui : « On a ordonné à mon fils de prendre ses affaires et de ficher le camp ! « dit-elle.

Cette femme et son mari n’attendaient guère la libération de leur fils. La veille, elle avait fait quelques achats, qu’elle comptait ramener à son fils détenu à la prison de Taza. Le lendemain, vers midi, le père du jeune garçon a reçu un appel de son rejeton, lui annonçant qu’il venait d’être libéré !

Pour le jeune homme, la détention était une épreuve lourde de conséquences. Sa mère témoigne de la souffrance physique et psychologique de son fils depuis son retour à la maison.  Plusieurs signes montrent qu’il ne va pas bien. La maman décrit les symptômes d’un stress post-traumatique.  « Mon fils se sent étouffé, perdu, traumatisé… Il ne se sent nulle part en sécurité. Son visage a pris un teint jaune et il est constamment malade. Il fait des crises d’hystérie au point de déchirer ses vêtements ! Il n’arrête pas de répéter que la police marocaine et ses sbires sont une honte et qu’ils sont capables de tout ! Il supplie tout le temps sa mère de « Ne plus laisser son petit frère sortir seul ! » témoigne sa mère désemparée.

Ce témoignage accablant nous montre que le nombre de victimes de ce pouvoir tortionnaire ne cesse de s’accroître malgré les prétendues mesures de Clémence.  Tout le tapage médiatique qui a été fait autour de ces grâces n’est que grossières ficelles utilisées par le makhzen pour duper l’opinion et tenter d’inverser l’impression terriblement négative pour l’image du Maroc laissée par les lourdes sentences de juin 2018 contre les prévenus des « grands procès » de Casablanca.

Pour rappel, le noyau dur du « Hirak ».  53 personnes de ce mouvement populaire avaient été condamnés à des peines allant d’une année à et 20 ans de prison ferme. La sévérité du verdict avait suscité des réactions d’incompréhension et d’indignation sur les réseaux sociaux, suivies par quelques manifestations de protestation.


Notes:

 Au Maroc, la grâce fait partie des prérogatives du Souverain.  Elle peut porter sur une remise de peine, une grâce totale ou une annulation de peine. Elle peut concerner les peines de prison ou les amendes, ou encore les deux à la fois. Elle est valable pour les mis en cause déjà emprisonnés ou ceux se trouvant en état de liberté provisoire. Les demandes de grâce sont formulées soit par les mis en cause eux-mêmes, soit par leurs avocats, familles ou des ONG.

Pour statuer sur les demandes, une commission spéciale a été créée. Il s’agit d’un organe permanent relevant de la direction des affaires pénales et des grâces (ministère de la Justice). Il est présidé par son directeur et est composé de représentants :

  1. Du cabinet royal,
  2. De la Cour Suprême,
  3. Du parquet Général à la Cour Suprême
  4. De l’Administration pénitentiaire,
  5. La présence d’un magistrat de la défense.

Dans son travail, la commission des grâces se base sur les dossiers élaborés par les assistants sociaux des divers centres pénitentiaires du pays. Les demandes retenues par la commission sont par la suite transmises au Cabinet royal pour validation.

Rachid Oufkir

 

 

« Tanger la blanche » redessinée par la reconversion de son port

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Perchés sur l’impériale de l’énorme bus rouge qui frôle les façades historiques, les touristes découvrent le vieux Tanger, tandis qu’une foule de vacanciers se presse sur la nouvelle corniche : les grands chantiers de reconversion de la zone portuaire ont redessiné la ville blanche.

« C’est superbe… », s’extasie Michal Linsi Tang, un étudiant chinois de 19 ans, à bord du bus touristique qui sillonne depuis fin juillet la ville aimée de tant de peintres et d’écrivains, à la pointe de l’Afrique.

Le vieux port historique a été entièrement déblayé et réaménagé depuis l’ouverture en 2010 du nouveau pôle maritime de Tanger-Med, à une cinquantaine de kilomètres, où transitent désormais trois millions de conteneurs par an et presque autant de passagers.

Les poids lourds ont disparu du centre-ville, les artères ont été retracées, les fortifications militaires héritées de la colonisation portugaise rénovées, la forteresse nettoyée.

Un nouveau port de plaisance, « Tanja Marina Bay », avec dans un premier temps 600 anneaux et un espace de promenade, a été inauguré en juillet à proximité du port de pêche modernisé, au bout de la grande corniche piétonne qui encercle la baie et ouvre l’horizon sur l’Espagne, de l’autre côté de la Méditerranée.

« Tout a changé, on ne reconnaît plus rien », regrette Rachid, un sexagénaire natif de Tanger qui vit depuis 30 ans en France et revient chaque été.

Le méga-programme « Tanger-Métropole », lancé par le roi Mohammed VI en 2013 pour 7,6 milliards de dirhams d’investissements (environ 630 millions d’euros), dont près du quart alloué aux aménagements maritimes, a bouleversé la cité du Détroit, longtemps délaissée dans un Maroc en développement.

« Ville émotionnelle »

Désormais, le nombre de touristes ne cesse d’augmenter – même s’il reste bien moindre qu’à Marrakech ou Agadir – et les hôtels se multiplient.

Signe du développement touristique, la multinationale de transports Alsa, qui assure la gestion des bus urbains, vient de lancer deux circuits de visites en bus à impériale.

Celui du centre-ville emprunte des ruelles étroites, surpeuplées, souvent encombrées de voitures en stationnement interdit.

« Circuler là avec un bus de 4,4 mètres de haut, c’est une vraie aventure » et « monter ce projet a été sportif », confie Jose Ramon Fernandez, le directeur local d’Alsa.

Le circuit passe près de la « Bab Merican » (la « Porte « américaine ») du cimetière juif, du Grand théâtre Cervantes (un rendez-vous mondain incontournable jusqu’à sa fermeture en 1962), près du vieux marché aux poissons puis monte vers l’ancien consulat italien, où se réfugia en 1850 Garibaldi, le héros du « Risorgimento » (Renaissance) avant de gagner les quartiers modernes.

« Tout est mélangé ici, c’est une ville cosmopolite et hétérogène, une ville émotionnelle », s’emballe l’écrivain Farid Othman, qui a conçu les parcours touristiques.

Ce militant culturel hispano-marocain de 39 ans organise, depuis le lancement de ces grands bus rouges, des tournées gratuites pour les enfants de la ville « afin qu’ils apprennent à connaître la beauté de Tanger et à en prendre soin ».

Ibn Battûta, Paul Bowles, William Burrough, Truman Capote, Alexandre Dumas, Jean Genet, Joseph Kessel, Mohamed Choukri, Antoni Gaudi, Mick Jagger : Farid Othman connaît toutes les ombres célèbres qui hantent Tanger et « n’imagine pas vivre ailleurs ».

« Tanger a toujours attiré et inspiré des artistes et des écrivains du monde entier », relève Younes Cheik Ali, un commerçant féru d’art et considéré comme une mémoire locale.

Une de ses grandes fiertés : tenir un café littéraire dans une maison très ancienne de la vieille ville, immortalisée par le peintre français Eugène Delacroix avec « La noce juive au Maroc » (1841). Cet amateur d’art possède lui-même un petit Delacroix dans sa précieuse collection liée à l’histoire de Tanger.

Statut international Aux confluents de l’Atlantique et de la Méditerranée, la ville a été successivement phénicienne, romaine, arabo-musulmane, portugaise, espagnole, anglaise, puis sous statut international entre 1923 et 1956, avant son intégration au Maroc : Abdelaziz Alamai Taidi, un marchand, aime raconter l’Histoire à ses clients. Dans sa modeste boutique située en face du mausolée islamique qui a inspiré le peintre Henri Matisse, il vend des foulards marocains, des livres en anglais, des tableaux africains, des objets décoratifs de la tradition juive…

Tanger vit tournée vers l’Espagne, à moins d’une heure de bateau, mais un TGV attendu pour la fin de l’année la rapprochera bientôt de Rabat, la capitale.

Reste à aménager ses quartiers périphériques, qui ont proliféré au fil des ans et des mouvements de migrations, transformant la deuxième ville économique du Maroc en un étalement urbain chaotique d’environ un million d’habitants.

Vigilantes face à la convoitise des promoteurs, les associations de protection du patrimoine ont convaincu les autorités de préserver des monuments emblématiques comme le palais hispano-mauresque de l’écrivain-espion britannique Walter Burton Harris, en cours de rénovation, ou les vieilles arènes, en attente d’un projet de réhabilitation.

« Cette ville n’a cessé d’éprouver un dilemme entre son développement économique et démographique et la protection de son trésor environnemental et historique », souligne le dernier rapport de l’Observatoire de protection de l’environnement et des monuments historiques.

Les noctambules, eux, ont retrouvé leurs nuits blanches : en mode veille pendant les grands travaux, la fête a repris ses quartiers dans les boîtes de nuit lovées en contrebas de la nouvelle corniche et au sous-sol de la Marina.