Depuis l’avènement du terrorisme en Algérie à partir des années 90, qui a fait des dizaines de milliers de morts et qui a mis à genoux une population meurtrie et appauvrie, la Kabylie, à l’instar de quelques autres régions, a payé un lourd tribut, pour sa résistance et sa sociologie très particulière dans le bouillon Algérien.
A parti de 1991 et avec les diverses incursions terroristes et militaires dans certains maquis kabyles, beaucoup de villages ont été désertés et abandonnés par leurs habitants, de peur d’être inquiétés par les nouveaux seigneurs armés qui ne reculaient devant rien pour assouvir leurs besoins.
Cette situation dramatique a poussé les citoyens de certaines régions à prendre les armes et à se défendre face aux dépassements qu’ils subissaient. Nous pensons à ce tout premier village d’Azzefoun, Igujdal, situé sur les hauteurs des Ait chaffa qui, un jour de l’année 1992, ses habitants se sont organisés autour de quelques anciens combattants
de l’ex ALN, pour se défendre et braver ainsi la peur au nom de l’honneur et de la survie.
Malheureusement, le destin d’Igujdal n’est pas comme beaucoup d’autres régions ou les populations, par dépit et non-assistance, ont baissé les bras et ont tout bonnement désertés leurs hameaux et leurs villages. Des contingents entiers de populations se sont vues ainsi déracinées, déchirés et éparpillées partout sur les plaines « sécurisées » par l’armée et les autres services de sécurités.
Les régions les plus touchées par cet exode forcé, nous citerons certaines parties montagneuses des Ait Ouabane, les maquis escarpés de Sidi Ali Bounab dans la région des Iflissens N melli de Tadmait et surtout la partie sud du versant sud du Djurdjura.
Comme chaque malheur, ne vient jamais seul, ces lieux abandonnés ont été semés de mines anti-personnelles, posées soit par l’armée soit par les terroristes islamistes.
A l’occasion de la réalisation d’un documentaire sur ces villages, nous avons été surpris dans un hameau abandonné du côté de Hizer, dans la willaya de Bouira, par un habitant qui est venu vers nous pour en savoir plus. A la vue de notre caméra, il a tenu à témoigner sa rage en ces termes « Nous avons été chassés par des militaires sous le fallacieux prétexte que nous aidions les terroristes qui passaient à proximité de notre village. Un jour, des camions militaires sont arrivés à la place du village et des officiers, nous ont intimés l’ordre de quitter nos maisons et d’aller vivre dans les plaines, en vue de combattre aisément les hordes islamistes qui écumaient les environs ».
Ce jeune homme, au regard vif, a tenu à être avec nous, pour ne pas nous laisser prendre le risque de s’aventurer sur les sentiers dangereux. Il nous montre une petite maison située à l’entrée du village, dans laquelle, nous avons découvert des sourates entières, écrites sur les murs comme pour marquer un territoire mal acquis.
Un travail de déminage et de sécurisation des lieux doit être effectué par les autorités pour que ces populations reprennent les chemins oubliés qui mènent vers leurs villages, deux fois miliaires. Aux territoires abandonnés et désertés, on retrouve aussi, les maquis et les forêts minés que les citoyens voudraient bien reconquérir puisqu’il s’agit de la terre nourricière de leurs ancêtres. Il est par ailleurs important de signaler que l’Algérie a ratifié la convention d’Ottawa, portant sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines anti-personnelles et leur destruction.
Néanmoins et dans l’opacité la plus totale, aucun travail de déminage n’est effectivement fait sur le terrain, d’où ces explosions qui emportent à chaque fois, les vies de dizaines d’innocents et blessent beaucoup d’autres.
Par Hocine REDJALA