La France a déclassé certains dossiers secrets sur le président algérien Abdelaziz Bouteflika, notamment des rapports des services secrets qui qualifient l’ancien ministre algérien des Affaires étrangères de « personnage dénué de scrupules » et de « Machiavel imbu de lui-même et corrompu », selon un article de l’Obs paru mardi 26 février.
Les rapports du SDECE, ancêtre de la DGSE, le dépeignent aussi comme « un grand manipulateur, épris de pouvoir », le présentant comme « l’homme de tous les complots », allant jusqu’à le présenter comme l’instigateur du coup d’État de Houari Boumediene contre le président Ahmed Ben Bella en juin 1965.
Instigateur du coup d’État contre le président Ben Bella
Selon les différents rapports du SDECE et de l’Ambassade de France à Alger, Abdelaziz Bouteflika aurait senti sa fin à la tête de la diplomatie algérienne après des tentatives de son écartement de la part du président Ben Bella qui avait, auparavant, évincé son chef de cabinet Abdelatif Rahal.
C’est ce qui l’a amené à entraîner le chef d’État-major Houari Boumédiène dans un mouvement qui aboutira au putsch contre le président de l’époque, toujours selon le l’Obs, qui fait savoir que « dans les tortueux arcanes du pouvoir algérien, Abdelaziz Bouteflika [a réussi] à éliminer tous ses rivaux ».
Selon le ministère français des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika et l’ancien ministre de l’Intérieur Ahmed Medeghri ont réussi à écarter l’épouse même du président Boumédiène.
Comment Bouteflika a-t-il pu écarter Anissa Boumédiène ? En instrumentalisant ses réseaux diplomatiques, notamment ceux de Paris, impliqués dans des achats douteux de la première dame. « Des factures pour l’achat de bijoux à Paris auraient été transmises par le canal de l’ambassade algérienne à Paris », est-il écrit dans les rapports français de l’époque.
Assassinats politiques ?
Les archives déclassées vont jusqu’à soupçonner Abdelaziz Bouteflika d’être derrière certains assassinats politiques de l’époque, comme celui du chef historique Krim Belkacem, tué en 1970 en Allemagne.
À un certain moment de l’histoire de la jeune nation algérienne, Abdelaziz Bouteflika était vu comme un potentiel allié, lui qui continuait « comme tous les Algériens à considérer l’Algérie comme la fille spirituelle de la France » et qui a fini par traiter le président cubain Fidel Castro de « fou furieux », selon les dires de l’ancien ministre Louis de Guiringaud.
« Le jeune farfelu d’autrefois a fait place à un homme politique qui croit vraiment à la coopération entre son pays et la France. […] Bouteflika a grandement évolué », affirmait une note du SDECE de septembre 1965.
Mais c’est aussi à cette époque que son mentor Houari Boumédiène l’avait mis sous surveillance pour une question de mœurs. La réputation de séducteur de l’ancien chef de la diplomatie était notoire, selon les mêmes sources.
Le seul grand vaincu de la transition de 1979
Les services diplomatiques de la France et ses services secrets évoqueront également l’écartement de Bouteflika à la mort de Houari Boumédiène en décembre 1978, le qualifiant de « seul grand vaincu de la transition ».
Celui qui se voyait comme le successeur légitime de son mentor sera non seulement écarté de la présidence, mais, en quelques mois, de toute fonction politique, optant pour l’exil en Suisse.
Et ce ne sera pas sa seule déconvenue, puisque quelques petites années plus tard, en 1983, la Cour des comptes algérienne l’accuse d’avoir détourné de fortes sommes d’argent provenant des reliquats budgétaires des ambassades.
Les services français ne mettaient pas en doute ces accusations, même s’il niait les faits. Bien au contraire, ils semblaient les confirmer, le présentant comme « un grand prévaricateur ». « La corruption de Bouteflika était de notoriété publique », est-il indiqué dans un télégramme du 17 mai 1983 qui annonçait sa première condamnation.
Mais à l’époque, les auteurs de toutes ces notes et les responsables politiques et diplomatiques français ne se doutaient pas que Bouteflika allait revenir au pouvoir pour occuper le poste suprême vingt ans durant.
Est-ce fortuit que ce déclassement des archives secrètes intervienne à un moment où le Président postule pour un cinquième mandat ? Il est évident que non, surtout que ces « révélations » sont venues au lendemain des manifestations populaires du 22 février qui réclamaient de Bouteflika qu’il renonce à une nouvelle mandature à la tête de pays.
Source Journal Observalgerie