28.8 C
Alger
samedi 9 août 2025
Accueil Blog Page 227

Il y a 62 ans, la France détournait l’avion des historiques du FLN

0

“Ne me tuez pas, je n’aurais pas cru les Français capables de ça”. Prêtés à Ben Bella dans de nombreux livres dont “Les espions français parlent”, un ouvrage collectif dirigé par Laurent Sébastien (Editions Nouveau Monde, 2011), ces propos n’ont jamais été confirmés ni infirmés. Mais ils continuent de résonner comme la première réaction à chaud d’un hiérarque du FLN au détournement de l’avion transportant les dirigeants du Front.

Nous sommes le 22 octobre 1956, c’est un lundi, premier jour ouvrable en Afrique du Nord. Contrairement au plan de vol, le DC3 d’Air-Atlas atterrit, contraint, à Alger-Maison Blanche. L’appareil devait assurer la liaison Rabat-Salé-Tunis. “Bienvenue à Tunis”, dit l’hôtesse, une honorable correspondante du SDECE, le service d’espionnage français. À l’approche de Maison-Blanche, la dame avait pris soin d’“agir” sur les hublots et distraire ses célèbres passagers en multipliant les amabilités. Avant même de sortir de la carlingue, Ben Bella, Ait-Ahmed, Boudiaf, Khidder et Lacheraf sont accueillis par un drôle de comité d’honneur : des soldats français.

A en croire le récit consigné dans un des chapitres de l’ouvrage dirigé par Laurent Sébastien, c’est à ce moment là que les “Cinq” réalisent qu’ils ne sont pas à Tunis-Carthage mais à Alger-Maison Blanche. Peu importe si Ben Bella ait prononcé le “Ne me tuez pas, je n’aurais pas cru les français capable de ça” ! Le fait est là, écrit avec l’encre de la barbouzerie dans la chronologie de l’histoire contemporaine.
L’opération “Hors-Jeu” -c’est le nom de code qui lui a été donné par le SDECE- a bien eu lieu. Et c’est un acte de “PIRATERIE AÉRIENNE”. Le qualificatif n’est pas le fait du seul FLN, de ses sympathisants et d’une poignée d’historiens. Le détournement de l’avion transportant les “Cinq” a été décrit comme tel -une “piraterie aérienne”- par un membre du quarteron de barbouzes en chef qui, depuis Alger, ont coordonné l’opération tout au long de cette journée automnale du 22 octobre 1956.

Chef du service de renseignement opérationnel, le colonel Parisot avait parlé de “piraterie aérienne” dans ses mémoires. Le colonel avait géré l’opération “Hors-Jeu” avec le commandant Germain, représentant en chef du SDECE pour l’Afrique du Nord, le colonel Wirth, chef du 2e bureau de la Xe région militaire (Algérie), et le lieutenant-colonel Simoneau, chef du centre de coordination inter-armées. Ce sont eux qui, quelque part à Alger, ont “travaillé” le “Hors-Jeu” et mettre les “Cinq” hors d’état de remporter le “match” de la guerre d’indépendance.

Curieusement ou hasard du calendrier, le rapt des “Cinq” s’est déroulé dans une journée marquée par une double absence : le gouverneur général en Algérie Robert Lacoste était absent d’Alger en ce 22 octobre et le président du Conseil, Guy Mollet, était absent de Matignon pour cause de déplacement au Nord. Cette double absence ne signifie pas pour autant que l’opération “Hors-Jeu” n’a été validée par le pouvoir politique, bien au contraire. Le secrétaire d’Etat à La Défense, Max Lejeune, était au rang des principaux “acteurs” du coup. Mais l’artisan principale reste le SDECE.

En historien spécialiste du monde du renseignement, le français Rémi Kauffer le souligne à grands traits dans un énième livre sorti au début de ce mois : Histoire mondiale des services secrets (Editions du Perrin). Morceau choisi : “Sur le front algérien, le SDECE est déjà à pied d’œuvre, et sur le mode action violente”. C’est le colonel Jean Allemand, alias “Germain”, ancien chef du contre-espionnage anti-allemand en Algérie, qui “organise avec l’aval du directeur général du SDECE, Pierre Boursicot, le détournement sur Alger du DC 3 civil affrété par le roi du Maroc”.

Le rapt “vaut un plébiscite en France mais beaucoup de critiques à l’étranger, où l’on parle de piraterie et de violation de la légalité internationale”. Certitude, “Hors-Jeu” reste dans l’histoire comme la première opération de piraterie aérienne visant des dirigeants/décideurs. Destinée à mettre “hors-jeu” cinq personnalités du FLN dont quatre avaient le statut de fondateurs/artisans du processus de novembre, l’opération n’a pas atteint son objectif. Lancée deux années plus tôt, la guerre d’indépendance n’a pas avorté au soir du rapt à la vue, aux quatre coins du monde, d’un cliché en Nour et blanc. Un cliché voulu par Max Lejeune et la IVe République comme la preuve de la mort définitive de la rébellion !

Youssef Zerarka

Source : huffpostmaghreb.com

L’APN se retrouvera-t-elle mercredi avec deux présidents ?

0

En dépit des dénonciations des juristes sur l’inégalité de la destitution du président de l’APN, Said Bouhadja, la machine infernale du FLN, RND et les fantômes de l’ombre, broie tous sur son chemin sous le regard passif et spectateur des députés des partis dits d’opposition.

Maître Mustapha Bouchachi a qualifié la déclaration de «vacance» du poste de président de l’Assemblée nationale par la commission juridique de l’APN de «coup d’État» et de «grave violation des lois de la république», mais depuis quand nos « faiseurs » de lois respectent-ils leurs propres lois ?

C’est dans ces conditions que l’assemblée populaire nationale élira mercredi prochain un nouveau président en remplacement de Said Bouhadja.

Comme l’avait dit maître Bouchachi, mercredi l’APN se retrouvera avec deux présidents l’un légitime et l’autre illégitime.

La question qui reste suspendue : est-ce que les élus de ladite opposition vont-ils travailler avec le président légitime ou avec l’illégitime ?

La rédaction

Lycée Iferhounène : « vous refusez Tamazight, nous refusons l’Arabe »

0

Hier et aujourd’hui le 22 octobre 2018, ce sont les élèves du lycée Iferhounène dans la wilaya de Tizi Ouzou qui sont sur les traces de leurs camarades d’autres établissements scolaires de la Kabylie en boycottant leurs cours. Ils ont appliqué la loi du talion « œil pour œil et dent pour dent », « Ils ne veulent pas de Tamazight, nous aussi, nous rejetons la langue arabe » nous a déclaré Youba un élève de ce lycée.

Cette protestation est une suite logique à l’hostilité exprimée par les parents d’élèves de certaines régions arabophones à la langue Amazigh. Ces derniers ont refusé l’obligation de l’enseignement de cette langue ancestrale à leur progéniture.

Les élèves de cet établissement au pied du Djurdjura refusent toujours de rejoindre leurs classes pour exprimer leur colère et leur révolte contre ce comportement de haine et de racisme que l’état ne condamne pas et ne fait aucun effort pour y mettre fin.

L’hostilité aux racines, à la culture ancestrale et à la langue Tamazight que le pouvoir en place encourage et laisse faire et que certains médias motivent et certains politiques ne ratent aucune occasion pour vomir sur les plateaux des télés leur haine envers notre identité à l’instar de Naïma Salhi ne font que fissurer la cohésion sociale et l’unité de la nation. Et la haine et le rejet de l’autre ne peuvent qu’engendre la réciprocité dans les actes.

c’est  cette graine de la haine semée par les irresponsables qui a pris racine et qui a poussé les parents d’élèves de certaines régions arabophones à manifester leur hostilité à l’enseignement de la langue Amazih et que certains chefs d’établissements que l’on peut qualifier de tous sauf d’éducateurs et de gens de savoir qui ont mis à la disposition de ces parents une sorte d’autorisation qu’ils doivent signer s’ils autorisent ou non leurs enfants à apprendre cette langue.

La Kabylie, cette région d’Algérie ouverte à toutes les cultures et à toutes les langues, n’a jamais rejeté l’autre, car elle croit que la différence est une richesse. Mais après avoir vu l’hostilité et le rejet de certaines régions arabophones à leur langue. Les enfants kabyles ne peuvent pas rester de marbre. Le mouvement spontané des Lyciens commence à prendre de l’ampleur après Athezmanzer, Larbaa Nath Irathen …, hier  et aujourd’hui  c’est le lycée d’Iferhounène qui est paralysé par cette protestation que nous espérons arrivera aux oreilles des concernés.

La rédaction

.

 

Maître Bouchachi : «C’est un coup d’État et une violation des lois de la République»

0

Un des rares députés à avoir démissionné de son poste par «respect aux Algériens», Me Mustapha Bouchachi qualifie la déclaration de «vacance» du poste de président de l’Assemblée nationale par la commission juridique de l’APN de «coup d’Etat» et de «grave violation» des lois de la République. Dans cet entretien, il parle de «l’inconscience» de ceux qui en sont responsables.

 

La commission juridique de l’Assemblée nationale a confirmé la vacance du poste de président de l’APN, en se basant sur «le retrait de confiance, l’incapacité à mener sa mission et le refus de démission». Qu’en pensez-vous ?

D’abord, je tiens à préciser que le retrait de confiance n’existe nulle part ni dans les lois ni dans le règlement intérieur de l’Assemblée. Le président est élu pour un mandat qui ne peut être interrompu que dans quatre cas prévus par l’article 10 du règlement intérieur. Il s’agit du décès, de la démission, de l’incompatibilité et de l’incapacité. Nous ne sommes pas dans ces cas de figure. Il en est de même pour les deux autres. L’incapacité est liée à la santé mentale et physique, alors que l’incompatibilité concerne la fonction et le mandat lui-même. Donc, légalement, les conditions de la vacance ne sont pas réunies.

Dans sa déclaration finale, la commission juridique a cité l’article 10 du règlement intérieur de l’Assemblée pour argumenter sa décision de déclaration de vacance. A-t-elle fait une mauvaise interprétation de l’article 10 ?

L’article 10 n’est pas du tout applicable. Les conditions ne sont nullement réunies pour déclarer la vacance. Le président n’est ni malade, ni fou, ni mort, et n’a pas de fonction incompatible avec son mandat. Ils ne peuvent pas procéder à un retrait de confiance. Ils ont violé la loi. Nous ne sommes plus dans une affaire juridique. C’est un coup de force. Aucun juriste ne peut donner raison aux responsables. Nous sommes devant un coup d’Etat, une violation caractérisée des lois de la République.

Sommes-nous plus dans une décision politique que juridique ?

Ce qui est certain, c’est que cette décision n’a rien de juridique ni de politique. Je peux comprendre que des députés puissent violer la loi, en demandant au président de démissionner pour corruption ou autre raison. Mais il n’y a rien de cela. Je sais que l’Assemblée est une institution qui n’a aucun poids et qui n’est, et ce, depuis longtemps, qu’un bureau d’ordre. Mais ce qui s’est passé est très grave.

Ceux qui ont pris cette décision sont inconscients. Ne mesurent-ils pas le mal qu’ils font au pays et à ses institutions ?

Je pense qu’ils ont été instruits pour le faire, et ils l’ont fait. Ils n’ont aucune idée du mal qu’ils font. Aujourd’hui, on ne peut plus demander aux citoyens de respecter les lois de la République, à partir du moment que ceux qui les font les violent ouvertement et sans aucune retenue.

Selon vous, les députés avaient-ils le droit de «cadenasser» les accès de l’Assemblée et d’évacuer le personnel administratif ?
Le personnel de l’administration est sous la responsabilité du président. Ce que les députés ont fait constitue une grave violation de la loi. Mais comme je vous l’ai expliqué plus haut, nous ne sommes plus dans une situation de droit…

Cette décision peut-elle être remise en cause par le Conseil constitutionnel en cas de saisine par le président ou par une cinquantaine de députés ?

Impossible. Personne ne peut saisir le Conseil constitutionnel, parce qu’il n’est pas habilité à agir.

Et si demain nous nous réveillions avec deux présidents, l’un élu illégitimement et l’autre déchu illégalement, que se passera-t-il ?

Nous serons dans cette situation. C’est-à-dire avec deux présidents, l’un légitime et l’autre illégitime et qui devra terminer le reste du mandat, soit trois ans, sans aucune assise légale. Même l’opposition devrait réagir pour ne pas cautionner une telle dérive. Elle ne peut pas travailler avec le nouveau président.

Allons-nous nous retrouver dans la même situation qu’avec Saïd Bouhadja ?

Mais bien sûr. Comment accepter de travailler avec un président illégitime ? Quelle image vont-ils donner de l’Algérie ? Nous sommes loin du droit et de l’Etat de droit. Ceux qui ont donné des instructions aux députés pour en arriver là ne semblent pas mesurer la gravité de la situation. L’idéal est de faire en sorte d’aller vers la dissolution de l’Assemblée, dont la crédibilité a été gravement entachée.

Cette décision, qui relève des prérogatives du président de la République, est la seule solution qui s’offre pour éviter de se retrouver avec une APN avec deux présidents, ou une APN avec un président illégitime.

Peut-on espérer un rôle plus offensif des députés de l’opposition dans cette crise ?

Ils peuvent jouer un rôle très important. Eux aussi ont leur part de responsabilité. Ils doivent se prononcer sur ce putsch qui les concerne aussi. Ils ne peuvent pas travailler avec un président imposé en violation des lois.

Dans tous les cas de figure, ils ne peuvent cautionner cette dérive qui donne une très mauvaise image de notre pays. Le député a un mandat national. Il doit être au service de ses électeurs et non pas de son parti. Or, à l’Assemblée, les députés restent les esclaves de leur chef de parti au détriment de leur mandat populaire.

Je peux comprendre qu’ils soient disciplinés dans leurs activités partisanes, mais pas plus. Leur travail parlementaire passe avant toute activité partisane. Les gens qui ont fomenté ce coup de force contre la souveraineté parlementaire portent l’entière responsabilité de ce coup de force.

Salima Tlemçani

Source : El Watan

Habib Souaïdia : Les dessous de l’arrestation des 5 généraux majors

0

Le 14 octobre 2018, cinq des généraux algériens au cœur du pouvoir réel, récemment limogés, ont été incarcérés pour « enrichissement illicite ». Un séisme politique difficile à comprendre du fait de l’opacité du régime. Habib Souaïdia, ancien lieutenant de l’armée algérienne et auteur du livre La Sale Guerre (2001), donne à Algeria-Watch des informations essentielles pour le déchiffrer1.

Tout commence le 29 mai 2018, avec la plus importante saisie de cocaïne jamais réalisée en Algérie par les garde-côtes à Oran à bord d’un cargo en provenance du Brésil, via l’Espagne. Les 701 kg de la drogue interceptée – d’une valeur marchande d’au moins 50 millions de dollars sur le « marché de gros » – étaient cachés dans des boîtes rouges marquées « viande halal », chargées dans des conteneurs frigorifiques. Selon la version officielle, les autorités algériennes auraient agi suite à des informations communiquées par la marine espagnole qui pistait la cargaison depuis des jours.

Le 7 juin, l’importateur de la « viande à la cocaïne », l’homme d’affaires Kamel Chikhi (dit « Le boucher »), est arrêté et écroué, avec deux de ses frères et trois cadres de son entreprise. Mais le scandale du « Cocaïnegate », comme certains ont qualifié cette affaire, prend rapidement une tournure inattendue. Commence une série d’arrestations, d’interpellations et de limogeages de personnes jusque-là insoupçonnables : des procureurs de la République, des juges, des walis, des généraux, ainsi que le fils de l’ancien Premier ministre Abdelmadjid Tebboune et celui du général-major Habib Chentouf, commandant de la 1re région militaire. Puis, au cours de l’été et jusqu’en octobre, la machine répressive s’emballe, touchant les plus hauts sommets de l’État : des dizaines de cadres haut placés, dont des officiers supérieurs de premier plan de l’Armée nationale populaire (ANP) et des magistrats, vont être convoqués, interpellés ou même incarcérés. Cette épuration au sein du pouvoir, sans précédent dans l’Algérie indépendante, est encore loin d’avoir livré tous ses secrets. Mais certaines informations fiables que j’ai pu obtenir permettent d’avancer quelques hypothèses vraisemblables, bien loin des spéculations médiatiques et des délires qui ont envahi depuis plus de quatre mois les réseaux sociaux algériens.

« Celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre »

La première personnalité influente à être mise en cause dès la mi-juin est le chef de la police : le général-major Abdelghani Hamel (63 ans), directeur général de la Sécurité nationale, dont le chauffeur personnel est incarcéré, car il est accusé d’avoir des liens directs avec le principal mis en cause, Kamel Chikhi. La DGSN réplique le lendemain par un communiqué peu convaincant, précisant que « la personne mise en cause est un chauffeur du parc automobile de la direction et non pas le chauffeur personnel du directeur général de la Sûreté nationale ». Mais l’épuration va bientôt prendre de toutes autres dimensions avec la destitution spectaculaire, le 26 juin, du général Hamel, qui inaugure une purge de grande envergure.

Ce jour-là, le général Hamel était officiellement en déplacement à Oran pour une « visite de travail », officieusement pour rencontrer le chef d’état-major de l’armée, le puissant général-major Gaïd Salah (78 ans, sans doute aujourd’hui le plus vieux chef d’une armée nationale au monde), présent sur place suite à la saisie de la drogue. D’après les informations que j’ai pu obtenir, le chef d’état-major a refusé la demande d’audience du directeur de la DGSN. C’est le commandant de la 2e région militaire, le général Saïd Bey (76 ans), qui a signifié verbalement au général Hamel que le président Bouteflika avait signé deux décrets, le premier mettant fin à ses fonctions et le second nommant à sa place le colonel Mustapha Lahbiri (79 ans, un vieux routier de l’ANP qui avait dirigé des régions militaires dans les années 1960 et qui était directeur général de la protection civile depuis 2001).

Quelques heures avant l’annonce de son limogeage, sentant qu’il était en train de perdre la bataille, le général Hamel l’a jouée « Monsieur propre », déclarant face caméra à l’intention du chef d’état-major que « celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre » – allusion visant donc à la fois le général-major Gaïd Salah et le général Saïd Bey. Et ajoutant d’un air menaçant : « Même si l’affaire ne concerne pas directement la Sûreté nationale, tous les dossiers relatifs à cette même affaire seront remis à la justice en qui nous avons totalement confiance. » C’était clairement une réaction à l’arrestation de son chauffeur personnel, mais aussi à certaines mises en cause de son fils, qui serait le propriétaire du port sec « où Kamel Chikhi acheminait sa marchandise dès son arrivée au port d’Oran2 ». La préoccupation du général Hamel était sans doute de ne pas se faire tirer une balle dans la tête par un proche collaborateur dans un moment de folie, comme son prédécesseur le général Ali Tounsi. Cette déclaration, qui a éclaboussé le régime, a mis au jour la perpétuation du monde ancien construit sur le fait du prince et les privilèges du clan.

L’affaire est évidemment affligeante, parce que la nécessaire recherche de vérité et de justice quant aux accusations portées contre tel ou tel est plus que jamais mêlée dangereusement aux règlements de comptes au sein du sérail. La vraie question est pourtant bien de savoir si la marchandise destinée à l’Algérie appartenait ou non à Kamel Chikhi. Et si c’est l’état-major qui a demandé aux autorités espagnoles de laisser passer la cargaison. Et si oui, à quelles fins ? Certains journaux algériens traditionnellement proches des services ont discuté de la « supposition de l’innocence de Kamel Chikhi » et des « soupçons d’une manipulation et d’un règlement de comptes au plus haut sommet de l’État ». Selon d’autres sources, la saisie de la cocaïne serait l’aboutissement d’un travail de fourmi effectué depuis des mois par les hommes de la DCSA (Direction centrale de la sécurité de l’armée, dépendant en principe du chef d’état-major) ; en attesterait le fait que l’interception du bateau concerné, après une attente de quatre jours au large d’Oran, a été effectuée par la Marine et la DCSA (et non la Gendarmerie comme cela a été dit). Autre question : pourquoi le bateau affrété par Kamel Chikhi pour importer de la viande brésilienne a-t-il accosté à Oran et non à Alger, comme le faisaient d’habitude les bateaux transportant ses importations ? Aurait-il été « piégé » ?

Suite à la saisie de la cargaison de drogue, le général-major Gaïd Salah s’est en tout cas donné le meilleur rôle. Émouvantes ont été les scènes, diffusées en continu sur les chaînes de télévision publiques et privées, des soldats et des gendarmes posant devant les conteneurs saisis. Un acte de bravoure qui répondrait à « tous ceux qui veulent nuire à la sécurité des Algériens », comme l’a écrit en juillet 2018 le mensuel El Djeich (organe de propagande de l’ANP). Cependant, cette mise en scène flatteuse a vite trouvé ses limites, puisqu’on comprendra rapidement que ce sont ceux-là mêmes qui en sont chargés « qui veulent nuire à la sécurité des Algériens ».

L’armée est évidemment dans son rôle quand elle protège les frontières contre le banditisme et le terrorisme. Mais les gangsters en Algérie ne sont pas seulement de l’autre côté des frontières, ils sont aussi bel et bien au cœur du système sécuritaire et politique. Or, ni le président de la République – réduit depuis des années à l’état de vieillard grabataire à peine survivant –, ni son vieux chef d’état-major le général-major Gaïd Salah, ni la presse aux ordres ne peuvent plus prendre la mesure de la crise politique que traverse le pays. Et depuis l’adoption des lois d’amnistie qui ont assuré au début des années 2000 l’impunité aux responsables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité lors de la « sale guerre » des années 1990, leurs multiples déclarations, aussi vides qu’improbables, ne s’attardent pas non plus sur l’absence de justice et la généralisation de l’impunité. Le fait qu’il n’y ait eu ni coupable ni innocent, ni vérité ni justice en Algérie au cours des dernières années ne devrait pas dissimuler les méthodes en œuvre sous la surface : notre régime produit deux types de personnes en quantité toujours plus grandes, le général et le gangster. Ils se rencontrent discrètement, mais chacun est nécessaire à l’autre.

Qui est Kamel Chikhi ?

D’après la presse algérienne, les activités de Kamel Chikhi, entrepreneur de boucherie en gros mais aussi promoteur immobilier, étaient connues de longue date des services de sécurité. De fait, on a appris qu’il était protégé par le général-major Toufik Médiène, chef de la police politique (le DRS) de 1990 à 2015. Mais il serait absurde de prétendre que la presse algérienne ignorait tout de Kamel Chikhi et de l’histoire de sa famille.

Depuis l’éclatement du « Cocaïnegate », les journalistes habitués à rédiger des articles dictés par la police politique n’ont par exemple jamais évoqué l’existence d’un cousin de Kamel Chikhi qui fut l’un des membres fondateurs des Groupes islamiques armés (GIA), un certain émir Omar Chikhi. Ils n’ont pas dit non plus que son frère était lui aussi un membre des GIA et que la boucherie des Chikhi à Lakhdaria avait été fermée en 1994 parce que ses propriétaires étaient soupçonnés d’approvisionner les maquis des GIA en viande, ni que la famille a quitté Lakhdaria pour qu’elle soit protégée des représailles des milices anti-GIA. Aujourd’hui, certains journalistes algériens semblent avoir oublié que début 2001, en pleine polémique sur la « sale guerre » des généraux que j’avais dénoncée dans mon livre, ils avaient largement donné la parole à cet Omar Chikhi, présenté comme un émir « repenti », pour faire des révélations sur mesure et défendre l’« honneur des généraux » : il avait déclaré que les GIA « voulaient faire exploser l’Airbus d’Air France [en 1994] avec tous ses passagers au-dessus de la tour Eiffel », ou qu’ils avaient « assassiné les sept moines français de Tibhirine, en 1996 » ; ou encore : « À chaque fois qu’un journaliste est tombé entre mes mains, je l’ai tué. Je ne regrette rien. » Tous les observateurs sérieux avaient alors compris qu’Omar Chikhi avait été, comme tant d’autres, un émir du DRS revenu au bercail après son « repentir » pour poursuivre sa tâche de désinformation.

Quant à son cousin Kamel, qui travaillait dans la boucherie de Lakhdaria, il a réussi à passer en l’espace de quelques années des pires privations à un statut d’homme d’affaires pesant au moins 100 millions de dollars. La raison de ce « succès » tient en un seul mot : l’impunité. Depuis le terrible climat de tension instauré dans les années 1990, des innocents ont été désignés pour mourir, tandis que d’autres responsables d’actes terroristes sont devenus grâce à l’impunité organisée par les chefs du DRS des hommes d’affaires, fréquentant le cercle militaire des officiers de Béni-Messous, faisant des affaires avec des généraux-majors et avec l’institution militaire. En Algérie, la protection d’un général-major puissant permet à un simple boucher d’être exfiltré d’un massacre, d’échapper à une disparition, au fisc ou à la justice, pour ensuite écraser tout sur son passage et devenir l’un des plus grands promoteurs immobiliers de la capitale. Déjà en 2014, l’avocat Khaled Bourayou, défenseur d’un collectif d’habitants algérois s’estimant spoliés par Chikhi, assurait à la presse, sans citer de nom : « Il y a une très forte personnalité derrière ce promoteur immobilier3. » Certains habitants dépossédés d’un espace vert affecté à leur cité racontaient que « la police a investi les lieux, non pas pour calmer les esprits, mais pour les arrêter ». De fait, les habitants avaient rétroactivement été mis hors la loi : Kamel Chikhi étant devenu un milliardaire intouchable, tous ceux qui avaient protesté étaient considérés comme ayant enfreint la loi. Malgré la décision d’arrêter les travaux, le promoteur avait même décidé de les relancer, faisant fi de la décision des autorités.

On peut donc comprendre que la fin de cette impunité, sanctionnée par l’incarcération en juin 2018 du « boucher » et de ses collaborateurs, constitue un séisme au sein du régime algérien. Mais personne ne soupçonnait alors que ce « petit » séisme allait bientôt connaître des « répliques » d’une magnitude bien plus importante, sans précédent dans l’Algérie indépendante.

Une purge inédite de généraux-majors

En effet, la destitution le 26 juin du général-major Abdelghani Hamel, présentée par les médias comme la sanction du « Cocaïnegate », a été suivie par une purge d’une ampleur inédite aux sommets des appareils de sécurité au cours des semaines suivantes, touchant des dizaines d’officiers supérieurs, y compris dans les rangs les plus élevés. Les limogeages les plus importants (voir pour plus de détails la chronologie de l’encadré ci-après, qui reste sûrement à préciser et compléter) ont été les suivants : général-major Menad Nouba (74 ans), commandant de la Gendarmerie nationale ; général-major Mokdad Benziane, directeur du personnel au MDN ; général-major Boudjemaâ Boudouar, directeur central des finances au MDN ; général-major Habib Chentouf, commandant de la 1re région militaire (Blida) depuis 2004 ; général-major Saïd Bey, commandant de la 2erégion militaire (Oran) depuis 2004 ; général-major Mohamed Tirèche, dit « Lakhdar », chef depuis 2013 de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA) ; général-major Ahcène Tafer, commandant des forces terrestres de l’ANP depuis 2004 ; général-major Abderrazak Chérif, commandant de la 4région militaire (Ouargla) ; général-major Mohammed Hammadi, chef d’état-major des forces aériennes ; général-major Ali Baccouche, chef d’état-major de la défense aérienne du territoire.

La « réplique » la plus spectaculaire du séisme politique survient le 14 octobre 2018, quand on apprend que cinq des anciens généraux-majors (et un colonel dont l’identité n’a pas été révélée) récemment limogés – Habib Chentouf, Saïd Bey, Abderrazak Chérif, Menad Nouba et Boudjemaâ Boudouar –, ayant déjà fait l’objet d’une interdiction de sortie du territoire décidée par le tribunal militaire de Blida un mois plus tôt, ont été placés sous mandat de dépôt par le juge d’instruction de ce tribunal, au motif d’« enrichissement illicite et d’abus de fonction ».

Juin-octobre 2018 : chronologie de la purge au sein de l’armée et des services de sécurité algériens4

26 juin. – Abdelghani Hamel, directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), est démis de ses fonctions, qu’il occupait depuis 2010 ; il est remplacé par Mustapha Lahbiri, directeur général de la protection civile depuis 2001.

28 juin. – Le colonel de gendarmerie Smaïl Serhoud, chef de groupement territorial d’Alger, est relevé de ses fonctions en même temps que sont arrêtés à l’aéroport Houari-Boumediene le chef de la PAF Lahcen Hassaïne et trois magistrats qui tentaient de quitter le pays. Le chef de la sûreté de la wilaya d’Alger, Noureddine Berrachedi, est également arrêté par des hommes du DSS (la branche de la police politique dirigée par le général Tartag), « mis à la retraite » et remplacé par son adjoint.

4 juillet. – Le général-major Menad Nouba, commandant de la Gendarmerie nationale depuis 2015, est limogé ; il est remplacé par le général Ghali Belekcir. Sont également débarqués le général-major Mokdad Benziane, directeur du personnel au ministère de la Défense nationale (mis en cause pour ses liens présumés avec Kamel Chikhi), et le général-major Boudjemaâ Boudouar, directeur central des finances au ministère de la Défense nationale.

17 août. – Le général-major Habib Chentouf, commandant de la 1re région militaire (Blida) depuis 2004, est démis de ses fonctions (il est remplacé par le général-major Ali Sidane, qui occupait jusque-là le poste de directeur de l’Académie militaire interarmes de Cherchell) – des rumeurs médiatiques, vivement démenties par l’intéressé, impliquent son fils dans l’affaire de la cocaïne. Le général-major Saïd Bey, commandant de la 2e région militaire (Oran) depuis 2004 est également limogé (il est remplacé par le général-major Meftah Souab, commandant de la 6e région militaire, Tamanrasset, depuis 2015 ; lequel sera remplacé, le 27 août, par le général-major Mohamed Adjroud).

22 août. – Le général-major Mohamed Tirèche, dit « Lakhdar », chef depuis 2013 de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), seconde branche de la police politique (ex-DRS), est limogé ; il est remplacé par Othmane Belmiloud, dit « Kamel Kanich », chef du Centre principal militaire d’investigation (CPMI) de Ben Aknoun (Centre Antar). Le général Benattou Boumediene, contrôleur général de l’armée, est limogé et remplacé par le général-major Hadji Zerhouni, directeur central de l’intendance du MDN.

27 août. – Le général-major Ahcène Tafer, commandant des forces terrestres de l’ANP depuis 2004, est limogé ; il est remplacé par le général-major Saïd Chengriha, commandant de la 3e région militaire (Béchar) depuis 2004 (lequel sera remplacé le 17 septembre par le général-major Mustapha Smaïli, 72 ans). Le général-major Abderrazak Chérif, commandant de la 4région militaire (Ouargla), est démis de ses fonctions (il est remplacé par le général Hassan Alaïmia).

6 septembre. – Le général-major Mohammed Hammadi, chef d’état-major des forces aériennes (qui serait remplacé par le général Zouine, commandant de la base aérienne d’Ouargla), et le général-major Ali Baccouche, chef d’état-major de la défense aérienne du territoire, sont limogés.

14 septembre. – On apprend par la presse que cinq anciens généraux-majors (et un colonel) récemment limogés font l’objet d’une interdiction de sortie du territoire décidée par le Tribunal militaire de Blida. Il s’agit des généraux-majors Habib Chentouf, Saïd Bey et Abderrazak Chérif (respectivement anciens chefs des 1re, 2e et 4e régions), du général-major Nouba Menad, ancien commandant de la Gendarmerie nationale et du général-major Boudjemaâ Boudouar, ancien directeur central des Finances au ministère de la Défense nationale. Motif avancé : ils seraient « poursuivis dans le cadre d’une vaste enquête relative au trafic d’influence et à divers abus de pouvoir5 ».

17 septembre. – Abdelkader Lounes, commandant des Forces aériennes, démis de ses fonctions, est remplacé par le général-major Mohamed Boumaza. Le général-major Mohamed Zinakhri, secrétaire général du ministère de la Défense nationale, également limogé, est remplacé par le général-major Hamid Ghris.

14 octobre. – Les cinq généraux-majors (et un colonel) interdits de sortir du territoire un mois plus tôt ont été placés sous mandat de dépôt par le juge d’instruction près le tribunal militaire de Blida, au motif d’« enrichissement illicite » et d’« abus de fonction ».

Les officiers criminels de la « sale guerre » promus aux postes les plus sensibles

Tous ces bouleversements survenus depuis juin 2018 à la tête des différents corps de sécurité (gendarmerie, police et armée) s’inscrivent dans la continuité des mœurs du régime de nature totalitaire instauré par le coup d’État de janvier 1992, dont le seul objectif est sa propre survie. Les changements qui ont eu lieu – même s’ils sont toujours maculés de scandale – ont tous comme dessein implicite de transmettre le commandement non pas aux plus méritants, mais aux plus sanguinaires ou aux plus fidèles. Les postes les plus sensibles, j’y reviendrai, ont été attribués presque sans exception aux officiers qui ont conduit sur le terrain les opérations de la « sale guerre » des années 1990, ce que les Algériens ignorent généralement car ces opérations ont fourni une moisson de mensonges plus abondante que tout autre événement depuis l’indépendance, les services d’action psychologique du DRS communiquant essentiellement sur les hécatombes d’enfants crucifiés et de femmes violées par les « hordes islamistes » via les médias arabophones populaires. Quant aux journaux francophones « éradicateurs » – comme El WatanLe Soir d’Algérie ou Liberté –, avec leurs méthodes plus subtiles de déformation des faits, ils ont empêché le public algérien et international de comprendre la véritable nature du régime et de la conduite de la guerre ainsi que la responsabilité de chacun dans cette guerre.

Reste à comprendre les logiques qui sont à l’origine de la purge de 2018. Pour cela, il est important de rappeler en préalable qu’au cours des trois dernières décennies, à la veille ou au lendemain de chaque élection présidentielle, on a coupé des têtes dans l’armée pour renouveler le « cheptel » des décideurs, notamment afin de calmer les esprits dans la population. En avril 2004, le puissant général-major Mohammed Lamari, chef d’état-major de l’ANP, avait soutenu la candidature d’Ali Benflis face à Abdelaziz Bouteflika (en piste pour son deuxième mandat), ce qui lui avait valu d’être débarqué en août (et remplacé par le général-major Gaïd Salah), en même temps que vingt généraux-majors occupant des postes importants à la tête de l’état-major de l’armée et des régions militaires. S’en est suivie une série de nominations, dont celles des généraux limogés en août 2018 : le général-major Habib Chentouf commandant de la 1re région militaire, le général-major Saïd Bey commandant de la 2e région militaire, le général-major Saïd Chengriha commandant de la 3e région militaire, le général Kamel Abderrahmane commandant de la 5e région militaire (remplacé quelques mois après par le général-major Ben Ali Ben Ali, suite à un autre scandale de trafic de drogue dans la 2e région militaire, alors qu’il était en poste comme commandant en chef de la région), le général-major Amar Athamnia commandant de la 6e région militaire (actuellement commandant de la 5e région militaire), le général-major Abderrazak Chérif commandant de la 4e région militaire, le général-major Ahcène Tafer commandant des forces terrestres, le général-major Ahmed Senhadji secrétaire général du ministère de la Défense, le directeur du personnel au ministère de la Défense le général-major Mokdad Benziane et le directeur central des finances au ministre de la Défense nationale le général-major Boudjemaâ Boudouar. (Ce dernier, à la tête de la commission sectorielle des transactions du ministère depuis plus de quinze ans, était très proche de Kamel le boucher et l’a privilégié en favorisant ses entreprises ; des transactions basées essentiellement sur l’importation de viande destinée à l’institution militaire à travers l’entreprise « Dounia Meat Algérie », alors que pour l’immobilier Kamel Chikhi opérait à travers la société KMNN Immobilier – sigle formé des initiales de son prénom et de ceux de deux de ses frères et d’un associé.)

La plupart de ces généraux-majors ont passé quinze longues années à leurs postes, jusqu’au 27 août 2018. D’autres chefs de région n’ont pas été touchés par les derniers changements, tel le général-major Amar Athamnia, ex-commandant du 12e RPC (le « régiment des assassins » des années 1990) et toujours commandant de la 5e région militaire. Son chef d’état-major est le général-major Noureddine Hambli, qui en tant que commandant du 25e régiment de reconnaissance, avait participé à la répression sanglante des émeutes d’octobre 1988 coordonnée par le général-major Khaled Nezzar, répression qui se solda par plus de cinq cents jeunes assassinés dans la capitale et sa région.

Nombre des remplaçants des limogés de l’été 2018 ont également gardé sur les mains le sang qu’ils ont fait couler dans les années 1990. C’est le cas du général-major Saïd Chengriha, nommé commandant des forces terrestres, poste qui lui ouvre grand les portes pour devenir le chef d’état-major de l’ANP. Je l’ai connu quand il était lieutenant-colonel et chef d’état-major de la 1re division blindée installée à Bouira en 1993. Il dirigeait alors le poste avancé à Lakhdaria du Secteur opérationnel de Bouira (SOB), quand les enlèvements, la torture et les exécutions extrajudiciaires y étaient monnaie courante. Il fut nommé rapidement colonel puis général (en 1995) et muté vers la 2e région militaire, où il a occupé les postes de commandant de la 8e brigade blindée et de commandant du Secteur opérationnel de Sidi-Bel-Abbès (SOBA), avant de devenir commandant de la 3erégion militaire à Béchar.

Un autre criminel, le général-major Mohamed Tlemçani, vient d’être nommé au poste de chef d’état-major des forces terrestres. Commandant du 4e RPC durant les années 1990, unité des forces spéciales qui a également commis alors des crimes de guerre et des enlèvements dans l’Algérois et dans d’autres régions, Tlemçani a aussi occupé les postes de commandant de division des forces spéciales et de chef d’état-major de la 2erégion militaire. La direction de la 4e région militaire a quant à elle été transmise à un autre parachutiste acteur de la « sale guerre », le général-major Hassan Alaïmia, ex-commandant du 18e RPC installé dans les années 1990 à Boufarik (Blida) et d’autres régions de l’Algérois, là où ont eu lieu les pires exactions des forces spéciales de l’armée et des « groupes islamistes de l’armée » contrôlés par le DRS. Il a aussi occupé le poste de directeur de l’école d’application des forces spéciales de Biskra, et a été nommé en juillet 2010 au poste de chef d’état-major de la 4e région militaire, puis adjoint du commandant de la même région en juillet 2012.

État-major, présidence, DCSA : les trois pôles des décideurs au cœur de la crise

Il n’est pas facile de savoir qui « tire les ficelles » de ces bouleversements au sommet du pouvoir réel en Algérie, marqués par la plus grande opacité. Ce n’est évidemment pas le président Bouteflika, comme l’écrivent pourtant quotidiennement nombre de journalistes algériens, faisant semblant d’ignorer qu’il est depuis des années dans un état végétatif et depuis ces derniers mois à l’article de la mort. Une seule certitude : c’est parce que sa disparition physique est désormais perçue comme imminente que les membres de la « coupole » mafieuse qui dirige le régime algérien se sont lancés en juin 2018 dans de nouvelles grandes manœuvres. Leur objet est de consolider un noyau de ces décideurs bénéficiant du pillage des richesses du pays et, pour cela, capable de fabriquer une nouvelle façade politique civile, avec un président marionnette rajeuni, « présentable » devant la communauté internationale6.

Près de cinq mois après l’éclatement du séisme politique du « Cocaïnegate » et des répliques majuscules qu’il a provoquées au sein du régime, les modalités précises de leur déroulement restent difficiles à déchiffrer. Mais les informations que j’ai pu recueillir me permettent, loin des théories du complot et des diverses désinformations, d’indiquer au moins qui en sont les principaux acteurs. Ceux-ci participent moins d’une « lutte de clans », vieille antienne prétendant décrypter les mystères du régime, que d’alliances de circonstance à géométrie variable entre les « décideurs ». Lesquels se répartissent aujourd’hui en trois pôles principaux (unis sur l’essentiel, l’accaparement de l’argent noir, divisés secondairement par la diversité de leurs réseaux clientélistes).

Le pôle le plus visible est celui constitué autour du général-major Gaïd Salah, patron de l’ANP. Depuis la chute du général Toufik et la supposée « dissolution » du DRS en 2015, la propagande du régime s’emploie à montrer que le chef d’état-major contrôle la situation par ses multiples sorties sur le terrain et nomme et dégomme des généraux-majors. Alors même qu’il est très âgé, affaibli par la maladie et relativement peu influent.

Le deuxième pôle, sans doute le plus puissant actuellement, est logé à la présidence de la République, au cœur du nouveau service héritier du DRS, le « Département de surveillance et de sécurité7 » (DSS), dirigé depuis janvier 2016 par le général Athmane Tartag (68 ans), dit « Bachir », de son vrai nom El-Bachir Sahraoui. Ce dernier a été qualifié par certains témoins de « Mengele à l’algérienne » ou de « monstre de Ben-Aknoun » pour les tortures et exécutions extrajudiciaires qu’il a massivement ordonnées quand il commandait, de 1990 à mars 2001, le Centre principal militaire d’investigation (CPMI, dit « Centre Antar », situé à Ben-Aknoun dans la banlieue d’Alger), dépendant de la DCSA, alors l’une des principales directions du DRS8. Tartag s’appuie aujourd’hui sur une unité d’intervention qui est montée en puissance, la Garde républicaine. Celle-ci est dirigée depuis juillet 2015 par le général de corps d’armée Ben Ali Ben Ali, qui a pour l’instant échappé, comme son mentor, aux purges de l’été 2018.

Le troisième pôle est constitué par l’actuelle DCSA, rattachée depuis 2016 au ministère de la Défense nationale. C’est le plus discret, mais ce n’est sans doute pas le moins influent. On a vu que son commandant, le général-major Mohamed Tirèche, a fait partie des débarqués d’août 2018 (remplacé par Othmane Belmiloud, dont on ne sait rien, sinon qu’il avait auparavant dirigé le CPMI de Ben-Aknoun). Est-ce parce qu’il se serait opposé à la déposition de certains généraux-majors proches de Gaïd Salah (comme le général Abderrazak Chérif, ex-commandant de la 4eRM9) ? Mais alors, est-ce que d’autres officiers de la DCSA, restant anonymes, ne seraient pas également à la manœuvre ? Les informations dont je dispose ne me permettent pas de répondre à ces questions.

D’autant que de nouveaux acteurs civils liés à la sphère militaire et des services, ceux qu’on appelle les « oligarques » (comme Issad Rebrab, Ali Haddad, Mohammed Behri, Abdelmadjid Kerrar, Abdelkader Koudjeti, Ahmed Mazouz, les frères Kouninef, Djilali Mehri, Bahaeddine Tliba, Abderrahmane Benhamadi, Mahieddine Tahkout, etc.), sont également devenus des acteurs importants de ces conflits obscurs, où le contrôle des circuits de l’argent noir joue un rôle essentiel. Depuis les années 2000, ces riches civils sont en effet souvent impliqués dans la gestion des fortunes des militaires de la « coupole » du pouvoir, et ils interviennent fréquemment dans les jeux d’appareils, notamment à travers les médias (écrits et audiovisuels) qu’ils contrôlent désormais largement.

Tout ce constat peut sembler assez désespérant. La crise actuelle semble en effet confirmer que le sort du pays reste aux mains de « clans » mafieux à géométrie variable (dont aucun n’est évidemment meilleur que l’autre), composés aujourd’hui de vieux « décideurs », septuagénaires et sexagénaires. Responsables de crimes contre l’humanité jamais reconnus par la communauté internationale, ils sont avant tout soucieux de préserver leurs privilèges et ceux de leurs enfants. Et pour cela acharnés à organiser la gestion de la confusion, moyen usuel d’induire en erreur l’opinion et de masquer les enjeux réels des arbitrages préalables à la fabrication de la nouvelle devanture du régime post-Bouteflika.

Mais je reste convaincu que le pire n’est pas sûr. Car le peuple algérien possède toujours des ressources, héritées de la longue histoire de ses luttes d’émancipation, que ne peuvent détruire les décideurs criminels et corrompus d’aujourd’hui.

Notes

1 Pour connaître l’antériorité et la chronologie des événements, on peut se référer aux articles très documentés publiés par Algeria-Watch : « Algérie : explications sur la crise au sommet du pouvoir », 10 février 2014 ; et, sur la prétendue « normalisation du DRS » : « De Tewfik à Tartag : un criminel contre l’humanité en remplace un autre à la tête des services secrets algériens », 4 octobre 2015.

2 El Watan, 7 octobre 2018.

4 Sources diverses, dont : Yacine Babouche, « Chronologie des changements au sein de l’armée et des services de sécurité », TSA, 17 septembre 2018.

6 D’où la comédie médiatique grotesque autour des tentatives d’éviction, à partir du début octobre 2018, du président de l’Assemblée nationale Saïd Bouhadja, membre du FLN, dont le seul objectif était à l’évidence d’imposer un autre président, plus malléable, pour assurer l’intérim de la présidence de la République après le décès de Bouteflika. On ignore qui tirait les ficelles de cette manipulation.

7 Ce service regroupe trois des anciennes directions du DRS : Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure (DGDSE) et la Direction générale du renseignement technique (DGRT, nouvelle direction créée pour compenser la perte des moyens d’intervention dont disposait la DCSA, transférée depuis 2015 au MDN). Il est intéressant de noter que, dans sa communication « officieuse », ce nouveau service apparaît souvent sous d’autres appellations imprécises (Direction des affaires de sécurité, Direction des services de renseignements, Direction des services de sécurité), dans la grande tradition des « rideaux de fumée » fabriqués par la Sécurité militaire puis le DRS pour masquer son pouvoir et ses activités.

8 Sur la carrière de Bachir Tartag et les événements qui l’ont conduit au poste qu’il occupe actuellement, voir l’article de référence : Algeria-Watch, « De Tewfik à Tartag : un criminel contre l’humanité en remplace un autre à la tête des services secrets algériens », 4 octobre 2015 ; ainsi que certains éléments de sa sinistre biographie dans ma postface à la nouvelle édition de 2012 de mon livre La Sale Guerre (La Découverte).

9 Il est important de rappeler que le général Abderrazak Chérif était devenu un ennemi juré de Bachir Tartag depuis leur affrontement homérique sur la gestion de la prise d’otages par des terroristes islamistes sur le site gazier de Tiguentourine en janvier 2013, comme je l’ai alors raconté en détail : Habib Souaïdia, « Révélations sur le drame d’In-Amenas : trente otages étrangers tués par l’armée algérienne, au moins neuf militaires tués », Algeria-Watch, 11 février 2013.

Source : Algeria-Watch

Chronique

0
– Dalila .
Elle existe bel et bien, elle respire, prend les transports, se rend à la poste et chez le médecin. Il y a très longtemps elle soignait, père, mère, sœur, frères et neveux et pas qu’en option, elle venait en aide aux amis dans le difficulté. J’ai voulu savoir, pas fouiner mais comprendre ses raisons; pas celle de la générosité, de la fraternité mais celle de l’abandon. Je lui ai dit oui, je m’en vais, je rentre. Elle m’a dit la même chose.
Je rentrai de là d’où elle avait décidé de rentrer ailleurs, de là d’où je partais. cela parait très compliqué, c’est en effet le cas. Elle est parti, je suis revenu. J’ai enquêté. Je sais pourquoi elle est partie. Son frère, le mien et ce lui des autres l’ont trompé. Pas de cette tromperie dont on se remet mais de celles qui étripent votre foi multiple. Fraternité, amitié, solidarité, que dalle! Elle a soigné pour rien. Elle, partie, plus aucun pansement ne se posera sur ma plaie béante.
Je la crois heureuse, je l’espère en tout cas. Entre Seine et Marne chavire mon esprit de t’avoir perdu là…Si loin ce monde est brutal.

 

Akli Deouaz .

La Place de la Formation Professionnelle dans les orientations de la société Algérienne

0
La problématique de la formation professionnelle algérienne doit être située dans un triple contexte.
• En premier lieu, la situation économique et sociale du pays qui lui impose la double tâche d’accompagner le développement économique tout en lui assignant l’obligation de participer à la lutte contre le chômage, notamment celui des jeunes. La formation professionnelle (FP) est confrontée à cet égard à la difficulté de préparer les jeunes scolarisés aux qualifications requises par le monde économique en pleine mutation (privatisation, mondialisation) et à celle de faire évoluer les salariés en activité vers les nouvelles compétences requises.
Elle est également confrontée au problème des sans-qualifications et du chômage des jeunes (qui touche 70 % des jeunes, âgés de 16 à 19 ans, 50 % des jeunes de 20 à 24 ans). Il en ressort que la mission sociale imposée à la FP est une tâche immense et souvent en contradiction avec l’image de sélection par la réussite qu’elle veut donner.
• En deuxième lieu, l’effort global réalisé par le pays dans le domaine de l’éducation afin d’aider une population majoritairement  jeune à acquérir un niveau d’éducation et de formation qui devra être de plus en plus adapté à l’ouverture  du pays, à l’espace européen et international.
Actuellement, un algérien sur quatre est pris en charge par le système d’éducation et de formation qui absorbe le quart du budget de l’Etat et 7 % du PIB, situant ainsi
L’Algérie, comparativement aux autres pays, au-dessus de la moyenne d’investissement dans le système éducatif des pays de l’OCDE. Mais cet effort ne suffit que partiellement à contrevenir aux effets d’une croissance démographique qui est actuellement de 2 %.
• En troisième lieu, sa situation de sous-secteur d’un système global d’éducation principalement orienté vers la réussite académique et universitaire. La FP est associée à une image de préparation immédiate à des emplois de faible
niveau, de type ouvrier ou technicien, sans possibilité de mener vers des qualifications élevées et socialement reconnues, malgré la tentative de l’introduction par le ministre de l’époque Karim Younes  en 2002, du baccalauréat professionnel qui était le premier signe d’une volonté du système de formation professionnelle à valoriser cette démarche. Malheureusement cette option est renvoyée au calendre grec, par son remplaçant qui n’est autre que  El-Hadi Khaldi qui ne voyait pas l’utilité de cette initiative combien importante au yeux de toute la famille de la formation professionnelle .  Aujourd’hui il est question  sa  reprise  par l’actuel ministre de la formation et de l’enseignement professionnels.
Il reste à mettre la FP au diapason de la demande réelle de compétences exprimée par l’évolution économique et organisationnelle des entreprises et à éviter que les diplômes de sortie de la formation ne débouchent sur une impasse. Cette mise en perspective de la FP algérienne par rapport à la situation actuelle du pays montre que le problème du financement de cette formation , devra traiter la problématique de l’insertion des jeunes dans le monde du travail tout en garantissant aux entreprises des salariés susceptibles d’évoluer au rythme des mutations .
Slimane ALEM

Les chercheurs d’os

0

Quelle leçon pourrions nous tirer de ces gens qui profanent les tombes.

Rappelez vous il y a un mois les tombes des soldats enterrés à oued ghir ( ex la Reunion) ont été profanées par des mains de diables. Hier c’est la tombe du père de kamel daoud de subir le même sort dans l’oranie. Que l’on vient pas nous chanter la vieille chanson »acte isolé ». La mayonnaise ne prend pas à tous les coup.
Il n y a pas d’acte isolé dans ce genre de chose; tout est prémédité.
Les mosquées les forment. Souvenez vous de ces charlatans qui profanaient des tombes pour demembrer des bébés et utiliser leurs  morceaux dans la sorcellerie. La sorcellerie est une pratique tolérée dans la religion islamo-fanatico-fataliste.
A bon entendeur…….
– Ahmed Djenadi .

Interview réalisée par Youcef Zirem

0

 » Il y a en Kabylie beaucoup de misère sociale « 

Brahim Saci, poète et chanteur d’expression kabyle.Universitaire, chanteur, poète, Brahim Saci vit à Paris depuis de longues années mais il regarde toujours de près son pays natal. Ses mots sont souvent empreints de lucidité et de sagesse. On peut l’écouter.

Le Matindz : Poète et chanteur, vous êtes l’un des artistes à plaider, depuis des années, pour la démocratisation de l’Afrique du nord, comment voyez-vous l’évolution de cette région ?

Brahim Saci : Il est difficile de répondre sommairement à cette question tellement les choses se compliquent de plus en plus dans cette région habitée principalement par les Amazighs depuis la nuit des temps. Les régimes issus des indépendances n’ont pas toujours été à la hauteur. C’est par la force qu’ils se sont imposés et qu’ils se maintiennent. Pourtant l’Histoire semble s’accélérer ces dernières années d’où la nécessité d’avoir de l’imagination, d’où la nécessité d’apporter de vraies réponses aux questions de la démocratie, de la justice sociale, de la liberté d’expression. Pendant de longues années, ces régimes ont réprimé l’identité amazighe mais il n’y a aucun pouvoir au monde qui peut venir à bout de la volonté des peuples. Le printemps berbère de 1980 avait été la première halte qui a généré une conscience populaire de contestation à large échelle. Et c’est un livre sur les poésies kabyles anciennes qui a été à l’origine de cet éveil, c’est tout un symbole. Parti de Kabylie, le printemps berbère a fini par secouer toute l’Afrique du nord. Aujourd’hui cette question n’est plus taboue mais elle n’est pas encore résolue comme elle devrait être. Donc il y a encore du chemin à faire.

Vous êtes venu en France très jeune, vous y avez fait vos études, pourtant vous chantez en langue kabyle et vous êtes toujours à l’écoute du pays de vos ancêtres. De nombreuses personnes qui ont eu votre parcours ne parlent plus la langue kabyle et semblent oublier leurs origines. Pouvez-vous nous dire un mot à ce propos ?

Oui, effectivement je suis arrivé enfant à Paris ; j’ai eu des difficultés à l’école au début mais tout est rentré dans l’ordre par la suite, j’avais un énorme désir d’apprendre. J’ai poussé mon cursus scolaire jusqu’à l’université où j’ai rencontré beaucoup d’étudiants kabyles avec lesquels j’ai sympathisé, nous avions ainsi recréé des espaces kabyles dans ces lieux du savoir et de la science. Après avoir aimé les grands poètes français, Baudelaire, Rimbaud, Lamartine et tant d’autres, j’ai découvert la poésie de Si Mohand Ou Mhand et la sagesse de cheikh Mohand Ou Lhocine. Au même temps, j’écoutais nos grands chanteurs : Slimane Azem, Youcef Abjaoui, cheik Lhasnaoui et tant d’autres. C’est ainsi que je n’ai jamais perdu la langue kabyle en cours de route. Plus tard, je me suis moi-même mis à écrire de la poésie en langue kabyle et à chanter. Ceux qui ont vite repéré mon œuvre musicale m’ont encouragé à continuer en me disant que j’étais sur les traces de Slimane Azem, ce qui est un immense honneur pour moi. Entre-temps j’avais rencontré Lounès Matoub, Youcef Abjaoui, Ait Meslayen et tant de nos valeureux artistes. Je n’oublierai jamais les échanges fructueux que j’ai eus avec Lounès Matoub et Ait Meslayen : tous les deux m’ont appris beaucoup. Lorsque Lounès Matoub avait été assassiné, j’ai été profondément touché, j’ai même cassé ma guitare…Mais le monde continue à tourner, il faut donc toujours se battre et essayer de produire une belle œuvre qui va, peut-être, résister au déferlement du temps.

Après la poésie en langue kabyle, vous avez publié un recueil de poésie en langue française, «Fleurs aux épines», qui n’est pas passé inaperçu. Est-ce une nouvelle expérience ou bien est-ce la continuité de vos différentes quêtes ?

A vrai dire, j’avais déjà écrit quelques poèmes en langue française dans ma jeunesse mais la chanson kabyle m’avait, en quelque sorte, accaparé… Puis avec mes lectures, avec le temps passant, avec les épreuves de la vie, j’ai repris l’écriture en langue française. Des amis m’avaient encouragé à continuer et m’avaient incité à les publier. C’est ainsi que mon recueil, «Fleurs aux épines», a vu le jour. Travaillant pour le service culturel de la mairie de Paris, mes collègues ont participé à donner une certaine visibilité à ce livre qui continue son chemin. Je dois dire que l’avènement de ce livre et sa découverte par beaucoup de lecteurs m’ont surpris. C’est dire que le livre est souvent source de bonheur pour l’auteur, pour son entourage également.

Vous avez de nombreux projets artistiques, dans la chanson et dans l’écriture, peut-on avoir une idée sur ces œuvres en gestation ?

Cela fait des années que je travaille sur un nouvel album de chansons mais je ne suis pas pressé de le faire sortir. J’ai chanté plusieurs fois des chansons inédites au Conservatoire de musique du huitième arrondissement de Paris. Devant une assistance nombreuse, mes chansons en langue kabyle et en langue française, sont bien passées. C’est cela la magie de l’art qui supprime les frontières, qui rapproche les uns et les autres. Après la sortie de mon premier livre, j’ai continué à écrire et là, j’ai de la matière pour deux autres nouveaux livres. Je peux dire que mon prochain livre de poésies en langue française sortira cette année. Paris m’inspire beaucoup, les relations humaines tendues et parfois complexes, m’incitent à dire, à relativiser et à faire face au temps qui passe, qui nous fait comprendre que nous ne sommes que des passagers.

Vous avez aussi écrit des poèmes poignants sur la situation de la Kabylie. Qu’est ce qui manque en Kabylie ?

La Kabylie souffre beaucoup. Il y a en Kabylie beaucoup de misère sociale qu’on ne veut pas voir. Il y a tant de chômage et il n’y a pas d’allocation chômage. Les plus démunis trouvent du mal à se soigner : pourquoi est-ce qu’il n’y a pas de couverture médicale pour les plus pauvres ? L’environnement n’est pas protégé en Kabylie, il est temps de penser à l’écologie de cette belle région. Les plus riches ne regardent plus en direction des pauvres ; la solidarité et la générosité se font de plus en plus réduites. Les valeurs humaines se perdent également. Il faudra se ressaisir et revenir à nos valeurs, à nos traditions qui nous ont préservés à travers les différentes époques. Chacun de nous doit être responsable de ses actes, chacun doit se demander ce qu’il apporte à l’édifice collectif. Face à un système politique qui plonge le pays dans la régression, il faut une conscience collective qui donne de la place et du respect à tout le monde. Et jusqu’à présent, l’homme n’a pas encore inventé un meilleur système que la démocratie. C’est ainsi que l’espoir d’un avenir meilleur est possible.

Propos recueillis par Youcef Zirem