Ces images qui nous hantent et qui nous font honte, je les retrouve chaque jour que Dieu fait à la clôture du marché hebdomadaire dans la frustration faite de scènes insoutenables. Au moment où le marché commence à se vider une nouvelle clientèle arrive… Cette autre catégorie que la société a reniée fait son entrée discrètement.
Il s’agit de ces femmes de tout âge, seules, parfois accompagnées de leur progéniture, qui s’affairent à dénicher, dans ces tas d’invendus et rebus des vendeurs, un légume dont une partie moins endommagée est toujours consommable ou ce fruit-dessert venu d’Outre-mer.
Oh combien il est dur et pesant de regarder ces femmes voilées se pencher dans un silence de mort, avec leurs yeux baissés, au regard portant leur culpabilité alors que dans leur innocence, je lis cette douleur née de la bêtise humaine ! Dans ce qui est cette course à la survie, les gamins dans « une ambiance bonne enfant » sautillent et courent dans tous les sens, pour mettre la main sur un « filon gastrique » et du coup arracher un sourire à leurs mamans et leur faire oublier pendant quelques secondes ce mauvais rôle que le destin les astreint à jouer.
Ces femmes voilées me renvoient 40 ans en arrière, et, à travers quelques-unes, au « nngav » blanc qui a été la fierté, le protecteur, le témoin de l’honorabilité dans le charisme de nos mères et de nos femmes. Revoilà ce même «nngav» porté par ces femmes par peur de se faire reconnaitre et par l’indignation des hommes, lâcheté des uns et indifférence des autres. Ce voile devenu le cache-misère, le symbole de la honte, de la pudeur et de l’humiliation de la femme.
Hier, ce voile était porté par la femme avec honneur et fierté comme instrument révolutionnaire (celui de nos sœurs martyres notamment). Aujourd’hui il est imposé à celle que la société ne cesse de broyer avant de la laisser mourir en silence dans l’anonymat.
Que n’a-t-on fait « un geste » pour aider ces femmes, souvent mères seules avec des enfants en bas âge, à vivre plus dignement ! Que n’a-t-on pensé au moins à ces enfants, futurs citoyens de ce pays, avant qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains et ne suivent les chemins de la perdition ! Ah ingrats que sont ces hommes, ces mâles qui, sans scrupule aucun, jettent à la rue celles qui leur sont pourtant vitales et irremplaçables !
PS/ Ce texte écrit à partir de ma ville natale, BEJAIA avec mes tripes sur la table, comme j’aurai pu le faire à partir de n’importe quelle parcelle du pays, tout en ayant conscience qu’il y a bien pire et tout en étant persuadé qu’aucune région n’est épargnée.
Bihmane Belattaf