Le gouvernement se propose d’ouvrir le capital des entrepris publiques dont celui des banques à travers la Bourse d’Alger d’où l’importance à la fois de solutionner le problème des créances et d’aller vers sept actions pour sa dynamisation.
Il y a lieu de ne pas confondre trois opérations pour l’instauration d’une économie de marché à finalité sociale complémentaires : la privatisation, partielle ou totale qui est une cession d’actifs au secteur privé, la démonopolisation qui consiste à encourager de nouveaux opérateurs privés et le partenariat public privé PPP qui se traduit par des dispositions entre les secteurs public et privé grâce auxquelles certains services qui relèvent de la responsabilité du secteur public sont administrés par le secteur privé, scellées par un accord sur des objectifs communs relatifs à la livraison d’infrastructures et/ou de services publics qui sont considérés comme des projets de marchés publics, dans laquelle le secteur public joue un rôle permanent
1.-Solutionner le problème des créances
Plus de 85% du montant des crédits octroyés entre 2021/2023 relevant des banques publiques, la plus importante étant la BEA qui et la banque de Sonatrach, la décision de l’ouverture du capital du CPA et de la BDL à hauteur de 30% a été annoncée la mi-novembre en cours par le Président de la République, lors de son discours prononcé à l’occasion de la clôture des travaux des Journées de l’entrepreneuriat organisées par le Conseil du renouveau économique algérien (CREA).
L’ouverture du capital du CPA devrait intervenir avant la fin de l’année en cours, alors que celle de la BDL devrait se faire vers la mi-2024. Mais se pose comme d’ailleurs pour l’ouverture du capital d’autres entreprises publiques l’épineux problème des créances impayées qui se répercutent sur la solvabilité de toute entreprise des créances tant en dinars qu’en devises.
Le rapport annuel de la Cour des comptes concernant la BDL démontre que le recouvrement des créances impayées est régi par une procédure de gestion dépassée non actualisée qui remonte à l’année 2009. Au niveau central, les tâches et les responsabilités de la direction du recouvrement des créances (DRC) ne sont pas suffisamment définies et formalisées et le système d’information peu ou mal maîtrisé. Cela constitue un facteur de risque majeur pour son équilibre financier et sa rentabilité, voire sa solvabilité. Du fait de son activité de banque à réseau, à fort ancrage régional, ayant un portefeuille de crédits commerciaux essentiellement constitué de clientèle privée, la banque est exposée à des risques dont le principal est le risque de crédit.
Cette situation est favorisée par certaines lacunes liées aux conditions de fonctionnement des services de recouvrement dont l’activité n’est pas perçue comme un métier à part entière exigeant un ensemble de techniques et d’outils spécifiques et la mise en service du nouveau progiciel intégré n’a pas eu, également, d’incidence notable sur le suivi des comptes débiteurs et le recouvrement des sommes impayées.
En 2021, le volume des créances non performantes ou créances classées de la BDL a atteint 364, 29 Mrds de DA, représentant 33,5% de l’encours total brut des crédits à la clientèle. Ce rapport note que le recouvrement d’une partie des créances impayées, pour un montant de 18,16 Mrds de DA, reste très modeste au regard notamment des impayés accumulés s’élevant à 248,42 Mrds de DA, mais aussi du montant des provisions pour pertes sur créances de 112,91 Mrds de DA, ce qui constitue une incidence négative pour la situation financière et les résultats d’exploitation de la banque.
Ainsi pour la Cour des comptes , afin de diminuer les risques de crédit, la banque est amenée à constituer annuellement des provisions pour couvrir les risques de crédit inhérents à ces créances qui ont atteint 113 Mrds de DA fin décembre 2021 (contre 88 Mrds de DA fin 2019), soit une hausse de 24,4 % ».Selon certaines informations, en 2021 le niveau des créances de la banque CPA est plus important et plus compliqué que celui de la BDL.
Aussi l’ouverture du capital de ces deux banques afin qu’elle ne soit pas compromise , implique de solutionner les créances irrécouvrables trop élevées menaçant la rentabilité et sa solvabilité à moins d’une nouvelle recapitalisation via le Trésor public ou la décote de la valeur des actions en soustrayant le montant des créances impayés que ne supporteront pas acquéreurs. D’où l’importance de dynamiser la bourse d’Alger afin qu’elle puisse canaliser les flux financiers à des fins de développement autour de sept axes directeurs
2.–Dynamiser la Bourse d’Alger : sept axes directeurs
Premièrement, il ne peut y avoir de bourse sans entreprises concurrentielles ayant des bilans positifs et une visibilité dans la politique socio-économique, évitant les instabilités monétaires et juridiques.
Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové. Or, le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures et donc un enjeu énorme du pouvoir. La dynamisation de la bourse passe forcément par la refonte du système financier algérien qui porte en lui la substance de l’enjeu du fait qu’il cadre parfaitement la politique économique développée jusqu’à présent et son corollaire les sources et les modalités de son financement. En effet, malgré le nombre d’opérateurs privés, nous avons une économie de nature publique avec une gestion administrée. La totalité des activités quelle que soit leur nature se nourrissent de flux budgétaires c’est-à dire que l’essence même du financement lié à la capacité réelle ou supposée du trésor. On peut considérer que les conduits d’irrigation, les banques commerciales et d’investissement en Algérie opèrent non plus à partir d’une épargne puisée du marché, éventuellement un reliquat du travail mais par les avances récurrentes (tirage : réescompte) auprès de la banque d’Algérie pour les entreprises publiques qui sont ensuite refinancées par le trésor public sous la forme d’assainissement. Or, la richesse ne peut apparaître que dans le cadre de la transformation du stock de monnaie en stock de capital, et là est toute la problématique du développement. Puisque cette transformation n’est plus dans le champ de l’entreprise mais se déplace dans le champ institutionnel (répartition de la rente des hydrocarbures), dans cette relation, le système financier algérien est passif.
Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété. Les surliquidités au niveau de la société notamment au niveau de la sphère informelle, montrent la difficulté de transformer le capital argent en capital productif. L’opérationnalité de l’ouverture des bureaux de change suppose gue l’on résolve le problème de la dualité des cours du dinar entre le marché officiel et celui du marché parallèle (écart d’environ 50%) en fonction de profondes réformes dans la gouvernance.
Quatrièmement, il ne peut y avoir de bourse sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de coûts pour les actionnaires.
Cinquièmement, posant la problématique de l’adaptation du système socio-éducatif à l’environnement en perpétuel changement ( l’intelligence artificielle pénètre progressivement le système financier mondial) ,en Algérie force est de constater la faiblesse d’ un Engineering financier national pour les évaluations supposant des bureaux d’études complexes avec des interactions entre technologues, juristes, économistes, sociologues, financiers. Or l’exode des compétences devient inquiétant sachant que le poste services au niveau de la balance des paiements étant passé de 2 milliards de dollars en 2002, de 10/12 milliards de dollars entre 2010/2019 et selon le FMI 6/7 milliards de dollars entre 2020/2022.
Sixièmement, transitoirement devant éviter un stade de 100.000 places sans joueurs rentables, je propose une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de partenariat Public/Privé pour sélectionner quelques entreprises en vue de leur introduction ultérieure en bourse, une entreprise déficitaire ou ayant le soutien de l’Etat pour leur assainissement – comme cela se passe à travers le monde, ne pouvant être cotées en bourse, en rappelant que selon les données du premier ministère reprises par l’APS durant les trente dernières années à fin 2020 l’assainissement des entreprises publiques a couté au trésor public 250 milliards de dollars et durant les dix dernières années toujours à fin 2020 les réévaluations ont été de plus de 65 milliards de dollars, dont 80% sont revenues à la case de départ . Les annonces officielles de l’ouverture du capital du CPA et de la BD vont dans la bonne direction sous réserve que l’on solutionne le problème épineux des créances tant en dinars qu’en devises. A l’avenir on pourrait mettre en bourse : d’autres sociétés 10% par exemple de Sonatrach , (des importantes sociétés d’hydrocarbures russe et le géant Aramco (Arabian American Oil Company étant cotés en bourse) ce qui permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité amorçant le cercle vertueux et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse.
Septièmement, en cette ère de profonde mutations mondiales dominée par les grands espaces économiques, l’ère des micros Etats étant révolu, une bourse pour 40 millions d’habitants étant une phase intermédiaire, il serait souhaitable la création d’une bourse euro-méditerranéenne supposant au préalable la résolution de la distorsion des taux de change. Cette intégration devrait dynamiser le tissu productif qui permettra d’accroître le nombre d’acteurs au niveau de la bourse.
En conclusion
Le président de la République a, lors du conseil de ministres en date 26 novembre 2023 a rappelé que le processus d’ouverture du capital du Crédit populaire algérien (CPA) et de la Banque de développement local (BDL) doit tenir compte des méthodes de gestion moderne dans un cadre concurrentiel afin de capter le capital circulant dans la sphère informelle et dynamiser l’investissement productif.. Il appartient ainsi à l’État régulateur, dont le rôle stratégique en économie de marché s’apparentant à celui d’un chef d’orchestre, de concilier les coûts privés et les coûts sociaux d’améliorer le climat des affaires par la lutte contre le terrorisme bureaucratique.
C’est l’entreprise qu’elle soit publique ou privée de créer une économie productive permettant d’améliorer le pouvoir d’achat du citoyen. Il est donc nécessaire de cerner les causes du blocage car si les investisseurs algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers les segments créateurs de valeur ajoutée dont la rentabilité n’est pas immédiate mais à moyen et long terme, il ne pas s’étonner, ou encore moins, les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 49/51% ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement.
On ne doit jamais oublier que dans la pratique tant des relations internationales que dans la pratique des affaires, n’existent pas de sentiments , de patriotisme, et que tout entrepreneur qu’il soit algérien, chinois, russe, européen ou américain est guidé par la seule logique du profit.
La situation des deux banques a-t-elle évoluée, le rapport de la Cour des comptes datant de 2021, étant en novembre 2023 dans la mesure où le directeur général de la bourse d’Alger dans une déclaration reprise par l’APS en date du 30 novembre 2023, mais sans donner de chiffres précis je le cite « ces deux banques sont très profitables ayant d’excellents bilans, offrant, ainsi, un retour sur investissement qui sera certainement très intéressant pour les investisseurs ».
Professeur Abderrahmane Mebtoul