Dans Kateb Yacine, les ancêtres redoublent de férocité pour libérer le pays historique :
« Le Sang reprend racines
Oui, nous avons tout oublié
Mais, notre terre en enfance tombée
Sa vieille ardeur se rallume »
Oui, le sang des Martyrs, de Jughurtha à la Kahina, de Kouceïla à Fatma n’Soumeur, de Ben Boulaïd à Amirouche, reprend racine et s’épanouit à travers notre jeunesse qui ranime la vieille ardeur révolutionnaire de la terre algérienne, pleine d’espoir, car tombée en enfance une nouvelle fois, retrouvant son éternité, pour se libérer de l’oubli.
« Naïves et redoutables sont nos armes
Comme le peuple qui accourt gagné par la prophétie
Oui, elle sera lavé la défaite séculaire
Le sang reprend racines
Partout dans le pays, on s’arrache la terre
Et même les cadavres
Tirent la terre à eux comme une couverture
Bientôt ceux qui se croient vivants, ceux qui vivent sur notre dos,
N’auront plus où dormir »
Voilà ce que disait le grand dramaturge toujours d’actualité. Le peuple fera déchoir ceux qui vivent sur son dos, ayant spolié la victoire des braves, déformé l’histoire, volé la légitimité et la mémoire des pères fondateurs. Ceux qui ont transformé la victoire en défaite auront bientôt à rendre des comptes, car le peuple se souvient, car la terre se souvient et tous ceux qui ont donné leur vie pour qu’elle fleurisse.
Leur sang des martyrs a fleuri afin que la terre algérienne soit une couverture pour tous ses enfants au cœur de l’hiver. Mais il y’a eu les spoliateurs, « Les prétendants sans titres et sans amour », dit encore le dramaturge. Les spoliateurs qui pendant plus d’un demi-siècle, pareils aux colonisateurs et poursuivant leurs œuvres funèbres, se sont accaparés le sol, le sous-sol, son peuple et son histoire pour se les soumettre, les opprimer et les dépouiller au nom d’une révolution volée, d’un fleuve détourné, d’une religion et d’une langue imposées et d’une pseudo justice qui a compromis l’avenir.
Aujourd’hui, le peuple se réveille : « Bonjour, la vie », disait encore le poète… La mémoire s’insurge à travers la jeunesse. Le peuple reprend du poil de la bête, beaucoup l’avait laissé pour mort et il est vivant ! « Phrase incroyable ! » Pour reprendre Kateb. Tombé en léthargie sous le mensonge soporifique, le voilà qu’il explose ainsi qu’un volcan et qu’il éructe sa rage, le doigt pointé contre les spoliateurs et les traîtres, leur signifiant l’ultime congé : « Dégage ! »
Mais, les spoliateurs, à l’article de la mort, architectes d’un ordre en perte de vitesse, ont encore recours aux vieilles rengaines éculées. Ils mettent en cause, pour continuer dans leur trajectoire de catastrophe, les poux du peuple, la main de l’étranger, le ver intérieur, l’ennemi d’Adam et Eve, toute une armada de mensonges… Ils jurent par Allah et son prophète et demandent au peuple de croire et de se taire. Ils brandissent la menace et l’invective, la matraque et la prison, le bric et le broc de la répression et le somme de rentrer chez-lui. Une seule solution s’impose selon les prédateurs en uniforme : les urnes funéraires qui vont recevoir les votes truqués du citoyen en dissidence.
Aujourd’hui, le peuple se réveille ! Les handicapés de la mémoire, les nageurs en eau trouble, les 40 voleurs et les fossoyeurs de la nation sont pris à la gorge. Ils étouffent sous l’emprise de millions de mains qui les pressent de rendre le souffle et de disparaître. Mais c’est sans compter sur leur ténacité, leur avarice et leur amour pour le trône. Ils battent le rappel de la cavalerie, pas celle des Numides qui va se joindre au peuple pour brûler leurs divinités, mais la cavalerie de l’ombre à l’origine de nos supplices, les descendants des Béni-Hilal, des coupeurs de routes et de têtes, des brigands à leur solde depuis l’été 62 qui a vu le jour de nos déboires après avoir pervertit le FLN.
Le pouvoir assassin ne veut pas lâcher prise, mais il lâche ses chiens. Pour mieux convaincre après le fouet et l’invective, la pendaison et l’exécution sommaire, il invoque en dernier rempart, comme pour redoubler de férocité, les faux ancêtres, les faux pères fondateurs qui se sont substitués aux héros à l’origine de la Nation. Un Ben Salah, un Gaïd Salah, un Taleb Ibrahimi seraient comme les grands faux Moudjahidin Bouteflika et Boumediène ou les Oulémas, partisans de l’assimilation, les seules vraies figures de l’Indépendance algérienne. Comme on leur doit toutes les trahisons, il convient de considérer leur lumière aveuglante et de succomber de nouveau à leurs chimères.
Le peuple debout et éveillé ne tombera plus dans la fosse de leurs illusions à jamais perdues. Il ne tombera plus dans leur panier de crabes. Vigilant et intraitable, il marche sous le soleil qui balise sa route le menant de l’ombre à la lumière. Ainsi il saura déjouer tous les plans des stratèges de la mystification, du fourvoiement et du mépris. Il saura les congédier qu’ils le veuillent ou non : « Dégage ! »
Et pour reprendre encore notre grand dramaturge et poète :
« Naïves et redoutables sont nos armes
Comme le peuple qui accourt gagné par la prophétie
Oui, elle sera lavée la défaite séculaire
Notre terre en enfance tombée
Sa vieille ardeur se rallume ».
Par Mohand Amokrane Tighilt