De la cohésion à la fusion, et de l’éclosion à l’évasion
Il y a un style et il y a du son, comme il y a des connotations poétiques suivies d’envolées lyriques, et cela s’appelle un don. Tilyuna SU (pseudonyme de Souad Chibout), auteure et chanteuse-compositrice-interprète, est cette jeune artiste qui sait fleurir, par son talent, des bourgeons sur des épines. Là où elle passe, sous ses pas feutrés et sur ses pages vierges, pousse une herbe verte ; là où elle chante, les oiseaux l’imitent en demeurant inertes. La poésie d’une part et la violence qu’elle combat de l’autre. Les rimes d’une harmonie dans son monde et la cacophonie qu’elle refoule dans l’autre. L’équilibre vient de cet esprit ouvert de sa jeune tête faisant allusion à beaucoup de choses dans cette vieille vie tordant les plus vulnérables et dans laquelle grandit et apprend l’innocente âme, la sienne. Sensible, elle a su peindre à la couleur de ses émotions la volonté qui la nourrit et les exigences qu’elle provoque et auxquelles répond graduellement et consciemment sa ténacité. Le sens d’une existence est dans ce qui la motive à progresser en allant droit vers ses objectifs clairs et définis.
L’art, pour elle, est sa façon de chercher le beau. Elle a vu et compris sans avoir l’âge comme elle agît en fonction d’un âge qui a vu et vécu. Elle parle de la vie, de son côté positif qui apaise l’esprit, du bonheur qu’il procure et de l’optimisme qui l’accompagne, comme elle s’interroge sur l’autre vie qui la concurrence, les émotions négatives, la conscience froissée, l’échec qui ramollit et ce dont il nous prive, avec toujours ce relent amer de regret en filigrane, quant à l’automne de sa vie, on se dit que nous sommes partis sans être satisfaits. Elle parle de la liberté en l’écrivant et en la chantant, et elle est Liberté. Elle évoque les voyages sans fin dans son texte comme elle associe sa voix aux sonorités de ses mélodies, et elle est le parfum conciliant s’emportant au gré du vent. Elle parle de Tamazgha qu’elle parcourt avec le bout de sa plume couleur de la langue de ses ancêtres comme elle la chante pour mieux la peaufiner du timbre de sa voix résistant à tout, et elle est une Tamazight par l’esprit, par le sang et par la langue. Elle parle du désarroi et de l’injustice sociale qui rongent la société comme elle chante l’espoir qui habite les jeunes têtes, et elle est l’exemple de toutes ces âmes damnées s’estimant lésées dans leurs honneurs. Elle parle des douleurs de ses personnages en déphasage avec eux-mêmes comme elle les extirpe avec douceur tout en continuant à se battre pour un lendemain meilleur dans un pays, le sien, en pleurs. Elle sème sur ses pages vierges et passages des graines d’éducation que d’autres récoltent avec attention et satisfaction.
La voix pétillante et le verbe frais. Tout se dessine avec minutie sous ses yeux à l’image d’une ouvrière appliquée devant sa toile. La séduction de son verbe rime avec introspection, et celle de sa mélodie avec édification. C’est ce qui forge son esprit et nourrit ses façons. Et pour ressentir et vivre plus intensément l’ampleur des vagues sur lesquelles on se laisse bercer, « Asikel », sa nouvelle (tullist) publiée aux éditions Achab est conseillée, et « Lfusi lfusi » et « Igugem nnaqus », ses albums sortis aux éditions Ifri Music sont recommandés. Dire que la patience lui a permis de se forger un esprit en la propulsant, que le temps a permis de la qualifier par l’ « auteure-compositrice et arrangeuse », et la persévérance à bonifier encore et davantage sa passion pour son art pour ainsi répandre les couleurs de ses aspirations.
S’inscrivant dans la tradition des chansons à textes et musiques appropriées en restant fidèle à son rythme et dans un style inclassable, Tilyuna Su associe ses beaux textes poétiquement ciselés à ses mélodies sensiblement harmonisées, la douceur dans la voix et les notes de musique aux bouts de ses doigts. Un genre et du talent invitant l’esprit à s’y impliquer et l’oreille à s’y intéresser.
Tilyuna Su a un style d’écriture pur, fidèle à elle et un timbre de voix honnête, propre à elle. S’inspirant des maisons kabyles de son village Aït-Soula, des montagnes de la Kabylie, d’Akfadou à Djurdjura, des brises matinales, des bruines évocatrices et des arbres solitaires l’ayant toujours aidée à aller de l’avant, elle vient par son travail transmettre aux générations futures ce qui serait récolté demain à la bonne saison et pour des raisons s’inscrivant dans la pérennité de l’histoire des Amazighs, de leur identité et de leurs cultures si riches et si variées.
De la cohésion à la fusion, et de l’éclosion à l’évasion en passant par les belles choses qui lui ressemblent, ainsi elle se livre sans préparation dans ce monde qu’elle peint et l’accueille. C’est dans ce contexte que Souad Chibout élabore sa vision des choses en parlant des siens et de ce qui les caractérise. Dans le choix de ses mots face aux maux, une certaine osmose s’invite comme s’applique sa propre conception des choses.
Mohand-Lyazid Chibout (Iris)