La situation à l’APN devient-elle ingérable ? Les députés et leur président n’arrivent-ils plus à partager le pognon entre eux, équitablement ?
356 voix sur 480, face à trois candidats, Saïd Bouhadja l’emporte au vote de mai 2017. Défendu par Ould Abbès, soutenu par le RND, le TAJ, le MPA et les députés indépendants, Saïd Bouhadja était passé, haut la tête, président de l’assemblée populaire nationale au titre de la 8ème législature.
Combattant de la guerre de libération, ancien collaborateur d’Ali Kafi, il avait été, après l’indépendance, l’un des dirigeants de l’organisation de la jeunesse FLN. De même qu’il avait contribué, en 1975, à la création de l’UNJA – union nationale de la jeunesse algérienne.
Il avait occupé, entre 1970 et 1980, un poste de Mouhafedh au FLN à Skikda.
En haut du palmarès, son soutien, en 1999, au « candidat du consensus », Abdellaziz Bouteflika, dont il avait dirigé la campagne pour les présidentielles.
Pour le système, il avait tout d’un « boy-scout », Saïd Bouhadja.
Et qu’est-ce qui, aujourd’hui, fait tourner la tête aux députés pour décider de lui retirer leur confiance ? Bien que la loi soit là : la vacance ne survient qu’en cas de décès, de démission, d’incapacité ou d’incompatibilité- ou ne soit pas là, comme le souligne Bouhadja lui-même : » il n’y a pas une loi qui peut m’obliger à démissionner ».
A quatre vingt ans, Bouhadja se dit un homme jeune et moderne… Il veut nous faire croire qu’il agit différemment, qu’il a donné un coup de pied dans la fourmilière (dont il fait partie ), qu’il avait cassé le moule ( dont il a pris la forme ), bousculé les vieilles habitudes, coupé avec la corruption, les détournements, les privilèges, l’interventionnisme…
– j’ai trouvé des députés qui avaient cinq voitures, d’autres trois et j’ai mis un terme à cette anarchie. J’ai aussi interdit les recrutements, les interventions, les passe-droits… Au mandat précédent, un vice président a recruté à lui seul 87 employés ».
Bouhadja clame haut à qui veut l’entendre qu’il a refusé de céder à Mahjoub Bedda qui voulait « intercéder au profit d’un administrateur. »
Contrairement à son discours, les députés lui reprochent la mauvaise gestion, les recrutements douteux, des dépenses exagérées, les missions à l’étranger…
Mais Bouhadja refuse que le début ait une fin et regarde le pouvoir comme une éternité.
En dépit des fortes pressions exercées sur lui, Bouhadja ne veut pas rendre le tablier. Du haut de son perchoir, il nous parle avec dédain:
– » …Moi, je suis propre. » qu’il a dit.
Mais ça veut dire quoi « être propre » pour un député? Tous les politiciens savent que cela n’a aucun sens. Parce qu’ils sont tous drapés dans le même intérêt, parce qu’ils ont tous été formés à la même école, parce qu’ils ont tous fait la classe unique, parce qu’ils connaissent tous cet instrument formidable qu’est le pouvoir où se côtoient, mensonges, fanfaronnades et filouteries, parce que, très jeunes, ils avaient appris les coups bas et les coups de pouce, le piston et les renvois d’ascenseur… Et surtout parce qu’ils savent tous faire un grand bras d’honneur au peuple.
Bouhadja et les députés, c’est du vent ! Ils ont ridiculisé la fonction. Mais Bouhadja est le meilleur en ce moment : Dans le mépris envers le titre, il dépasse tous les autres en hauteur.
Il ne veut pas partir car le pouvoir, c’est comme une drogue. C’est fort ! C’est enivrant ! C’est euphorique ! Cela modifie la perception des choses et du temps. ça donne des hallucinations et des bouffées délirantes. Pour les usagers chroniques, le risque est la « baisse du seuil de contentement ».
Alors qui peut tirer l’échelle pour tous ces députés et y placer des gens, des jeunes qui sont honnêtes, qui ont fait des études, ont des diplômes et de l’énergie ? Qui peut sauver l’Algérie, lui réciter la prière de purification pour annuler son mauvais sort et supprimer la malédiction qui la frappe?
Katia Bouaziz