Il fut un temps où la relation entre la France et le Maroc relevait presque du conte de fées diplomatique. Une complicité historique, des intérêts économiques entremêlés, une coopération sécuritaire sans faille. Mais aujourd’hui, derrière les sourires de façade et les poignées de main appuyées, une autre réalité se dessine : celle d’un duo qui s’aime autant qu’il se méfie, d’une alliance où la fraternité est encore une illusion et où la rivalité s’installe insidieusement.

Officiellement, Paris et Rabat affichent une relation au beau fixe. Depuis la reconnaissance officielle par la France de la marocanité du Sahara occidental, les liens semblent renforcés. Investissements français en terre saharienne, soutien diplomatique actif, coopération militaire renforcée : la France s’aligne sur la stratégie marocaine et semble parier sur le royaume chérifien comme son principal allié en Afrique du Nord.

Mais derrière ce rapprochement, une dynamique plus complexe est à l’œuvre. Car si Paris pense trouver dans Rabat un partenaire fiable et stratégique, le Maroc, lui, joue une partition plus autonome, n’hésitant plus à afficher une indépendance diplomatique qui froisse l’ego français. Après tout, Rabat n’a pas attendu Paris pour obtenir le soutien de Washington sur le dossier du Sahara, ni pour développer ses liens avec d’autres puissances comme Israël, la Russie ou encore la Chine.

La rivalité économique : qui tient qui ?Si la France reste le premier investisseur au Maroc, son hégémonie économique y est de plus en plus contestée. Les entreprises marocaines s’affranchissent progressivement de la tutelle française et lorgnent sur de nouveaux partenaires. Rabat multiplie les accords commerciaux avec Pékin et Ankara, et favorise de plus en plus les investissements américains et britanniques.

Côté énergie, le Maroc mise sur l’essor des énergies renouvelables et cherche à réduire sa dépendance aux entreprises françaises. Autant d’éléments qui annoncent un rééquilibrage des forces où Paris, autrefois en terrain conquis, doit désormais composer avec un partenaire qui ne veut plus être un simple vassal.

La France et le Maroc partagent une longue tradition de coopération militaire, mais là encore, la relation se complexifie. Rabat, fort du soutien américain et israélien, modernise son armée à grande vitesse et réduit progressivement sa dépendance aux équipements français. La récente annonce de manœuvres militaires franco-marocaines près des frontières algériennes a montré une volonté de Paris de consolider son alliance avec Rabat, mais a aussi exposé les limites de cette coopération : qui dirige réellement l’alliance ? La France soutient-elle le Maroc, ou est-ce le Maroc qui instrumentalise la France dans sa propre stratégie régionale ?

Longtemps perçue comme un grand frère protecteur, la France voit son rôle redéfini. Le Maroc, porté par sa montée en puissance en Afrique, commence à jouer dans une autre catégorie. Il se pose en

leader régional, tisse sa propre toile d’alliances et se permet même de remettre Paris à sa place lorsque les intérêts divergent.

Le plus frappant ? Le dossier du Sahel. Alors que la France se fait chasser du Mali et du Burkina Faso, le Maroc, lui, se positionne discrètement comme un médiateur influent, gagnant en crédibilité là où Paris perd du terrain. Une inversion des rôles qui n’a rien d’anodin.

Frères ennemis en devenir ?Si l’amitié entre Paris et Rabat reste solide en apparence, elle repose sur des intérêts de plus en plus divergents. Le Maroc ne veut plus être un simple allié docile ; la France, elle, peine à redéfinir sa place dans cette relation qui lui échappe.

Alors, plus qu’amis ? Oui. Pas encore frères ? Assurément. Mais déjà rivaux ? De plus en plus. Et dans ce jeu de dupes, une question demeure : qui finira par dominer l’autre, ou du moins, qui parviendra à ne pas se faire avaler tout entier ?

ConclusionEntre la France et le Maroc, la relation oscille entre complicité et défiance. Paris pensait avoir un allié fidèle, mais Rabat joue désormais selon ses propres règles. Loin d’être une simple relation fraternelle, cette alliance ressemble davantage à un duel feutré où chacun teste les limites de l’autre, sans jamais rompre complètement. La France, autrefois en position de force, doit maintenant composer avec un Maroc plus audacieux et stratégiquement autonome.

Peut-être est-il temps pour Paris de méditer cette célèbre phrase de Talleyrand : « On peut tout faire avec des baïonnettes, sauf s’asseoir dessus. »

Car à force de vouloir ménager Rabat tout en protégeant ses propres intérêts, la France risque bien de se retrouver dans une posture pour le moins inconfortable…

Paris a longtemps joué un rôle prépondérant au Maroc, usant de son poids économique, diplomatique et militaire pour asseoir son influence. Mais aujourd’hui, Rabat ne se contente plus de suivre la ligne française. Il diversifie ses alliances, notamment avec Washington et Tel-Aviv, et affirme son autonomie. La France, quant à elle, tente de maintenir cette relation privilégiée tout en protégeant ses propres intérêts, au risque de se retrouver dans une position inconfortable et instable.

Ainsi, Paris ne peut plus se contenter d’exercer une influence passive sur Rabat sans en payer le prix. Elle doit choisir : s’adapter aux nouvelles ambitions marocaines ou risquer de voir son rôle s’éroder au profit d’autres puissances. Un exercice d’équilibriste où la moindre erreur pourrait transformer une alliance en rivalité ouverte.

. L’influence française en Afrique, notamment au Sahel, traverse une crise profonde. Autrefois perçue comme une puissance incontournable, la France voit aujourd’hui son modèle d’intervention contesté, voire rejeté. Plusieurs facteurs expliquent cette mise à l’épreuve :

La France a longtemps adopté une posture paternaliste, croyant pouvoir dicter le tempo des relations avec ses anciennes colonies. Or, les dynamiques africaines ont changé : de nouveaux acteurs comme la Russie, la Chine ou la Turquie s’imposent, et les pays africains veulent désormais tracer leur propre chemin.

L’interventionnisme français, en particulier au Sahel, a alimenté un ressentiment populaire. Les coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso et au Niger ont tous été marqués par une rhétorique anti-française, dénonçant un partenariat jugé inégal et inefficace contre le terrorisme.

Le départ précipité des forces françaises du Mali et du Niger a marqué un tournant. Des pays qui étaient jadis des alliés sûrs se détournent désormais de Paris au profit d’autres puissances, notamment la Russie à travers le groupe Wagner.

L’influence française passait également par le contrôle économique, notamment via le Franc CFA et les intérêts des grandes entreprises françaises. Or, de plus en plus de nations africaines réclament une souveraineté monétaire et diversifient leurs partenariats économiques.

Face à ces défis, la diplomatie française semble hésitante. Doit-elle s’adapter à cette nouvelle donne en repensant ses relations avec l’Afrique, ou continuer sur une ligne dure qui pourrait accélérer son éviction ? Pour l’instant, Paris peine à sortir de son schéma classique, adoptant une posture défensive plutôt qu’anticipatrice.

Comme le disait Charles de Gaulle : « Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples. »

Peut-être est-il temps pour la France d’aborder l’Afrique complexe avec une approche plus humble et réaliste.

Dr A Boumezrag

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