En Suisse, une avocate a demandé le placement sous tutelle de Monsieur Bouteflika.
Ignorant le droit suisse, je ne peux apprécier les chances de succès de cette demande.
Mais qu’en serait-il en France ?
Le juge des tutelles peut placer sous protection juridique une personne majeure (curatelle, tutelle…) dont les facultés personnelles sont altérées.
Puisque cette demande peut être demandée au juge des tutelles non seulement par un proche, mais également par le procureur de la République agissant de sa propre initiative ou à la demande d’un tiers (médecin, directeur d’un hôpital…) l’on peut parfaitement envisager, dans un État de droit faisant fi de la raison d’État, un procureur de la République solliciter une mesure de protection à l’encontre de M. Bouteflika hospitalisé en France, surtout s’il devait avoir la conviction que l’intéressé faisait l’objet d’un processus de manipulation nuisible non seulement à ses biens, mais aussi à sa santé ou même à sa dignité.
Reste à vérifier si les règles de droit international privé permettent au juge français d’intervenir en application de la loi française à l’encontre de M. Bouteflika, ressortissant algérien hospitalisé en France ?
La question ne se poserait pas si le dirigeant algérien devait avoir, à l’instar de nombreux politiciens algériens, la nationalité française, dans ce cas, le droit français lui est naturellement applicable.
La France a ratifié le 18 septembre 2008, la convention de La Haye du 13 janvier 2000, sur la protection internationale des majeurs, visant à résoudre un problème de Droit civil à l’international : l’application au majeur du Droit des tutelles du pays de sa résidence et non de sa nationalité.
En effet, avant la ratification de cette convention, comme l’avait rappelé la Cour de Cassation dans une décision du 18 janvier 2007, le juge français devait appliquer au majeur protégé sa loi nationale, en l’espèce la loi algérienne.
Aujourd’hui, l’article premier de cette convention précise qu’elle s’applique « dans les situations à caractère international, à la protection des adultes qui, en raison d’une altération ou d’une insuffisance de leurs facultés personnelles, ne sont pas en état de pourvoir à leurs intérêts. ».
L’article 5 de cette convention ajoute que chaque adulte, qui a sa résidence en France et ce peu importe sa nationalité, peut se voir appliquer les règles françaises en matière de protection des majeurs.
Mais la simple hospitalisation est-elle assimilée à la résidence en France ?
Il doit s’agir de la résidence habituelle, critère qui n’a pas été défini par la convention et qui reste à l’appréciation du juge.
La simple hospitalisation ne relève naturellement pas d’une résidence habituelle permettant l’intervention du juge français en application du droit français.
Sauf si l’intéressé dispose, comme beaucoup d’oligarques algériens, de biens et d’une résidence en France.
En conclusion, le juge français n’est pas compétent pour se saisir du dossier du président algérien hospitalisé en France.
Mais les nombreux hommes politiques et hommes d’affaires algériens, possédant des biens et une résidence en France, risquent de subir les foudres du juge français en application de la loi française dans de nombreux domaines, alors qu’en Algérie, ils avaient l’habitude de se placer au-dessus de la loi algérienne.
À bon entendeur, salut.
Avocat Ahcène TALEB