Nicolas Sarkozy avait posé la première pierre du TGV marocain en 2011. C’est Emmanuel Macron qui monte dans la rame inaugurale du projet de coopération franco-marocaine de ligne à grande vitesse ce jeudi 15/11/2018. En sept ans, 200 kilomètres de ligne nouvelle ont été construits entre Tanger et Kenitra, le premier tronçon d’un projet de LGV plus vaste reliant ensuite Rabat, Casablanca, puis Marrakech et Agadir dans un avenir plus lointain.
D’ici là, le TGV empruntera la ligne classique de Kenitra à Rabat et Casablanca. Le temps de trajet passera à 2 h 10 contre 4 h 45 entre Tanger et la capitale économique du pays. Les entreprises françaises – SNCF, Systra, Colas Rail, Cegelec, Egis Rail et Alstom – ont apporté leur savoir-faire et garanti un transfert de technologie.
Les autorités marocaines avaient rêvé une mise en service en 2015. L’échéance s’est rapidement révélée intenable. D’abord parce que le tracé de la ligne a posé de gros problèmes fonciers. Il a fallu négocier les expropriations à l’amiable et la sécurisation du tracé a pris environ deux ans. Deuxième cause de retard : de nombreuses entreprises étrangères de génie civil, qui avaient remporté les contrats à des prix très bas, ont préféré se retirer plutôt que d’attendre que les terrains se libèrent.
Finalement, les entreprises marocaines ont réalisé les travaux et permis de tenir les coûts fixés à l’origine à près de 2 milliards d’euros. Le financement est assuré pour moitié par la France avec 75 millions d’euros de dons et des prêts de l’Agence française de développement (AFD), un quart par le Maroc et un quart grâce aux prêts de pays amis (Arabie saoudite, Koweït, Émirats arabes unis).
Critiqué au Maroc pour son coût jugé faramineux (2,1 milliards d’euros au lieu des 1,8 milliard annoncés au départ) et pour son retard, le projet aux « meilleurs standards internationaux » est salué par les spécialistes du ferroviaire. Le coût de la LGV est parmi les plus bas au monde, soit environ 8,5 millions d’euros au kilomètre, c’est-à-dire la moitié des coûts moyens européens allant de 15 à 20 millions d’euros par kilomètre.
Amortisseurs parasismiques
Quant au calendrier, ils soulignent qu’aucune ligne à grande vitesse en France n’a vu le jour en sept ans. Au Maroc, il a fallu résoudre un certain nombre de difficultés comme l’approvisionnement en ballast, ces gros cailloux qui tapissent les voies. Plutôt que de l’importer de Norvège, il a fallu créer trois carrières au Maroc. Autre souci, la ligne traverse une zone sismique. Il a donc fallu l’équiper d’amortisseurs parasismiques, de poutres métalliques et de béton, de pieux enfoncés à 70 mètres dans le sol. Des matériels et des techniques méconnus.
Pendant près de dix ans, la SNCF et l’Office national des chemins de fer marocains (ONCF) ont mis en œuvre une organisation « en miroir » pour favoriser le transfert de savoir-faire. Ce dispositif de coopération comprend aussi un institut de formation – coentreprise de la SNCF et de l’ONCF – ouvert à Rabat en 2015. Il forme à la conduite, à la maintenance, aux essais, au marketing, à la réparation des équipements, à la gestion de projets complexes. Chaque année, 5 000 à 6 000 stagiaires (dont environ un tiers de salariés de la SNCF) y sont formés. L’institut permettra au Maroc de poursuivre les projets ferroviaires avec ses propres ouvriers, techniciens et cadres : 1 500 kilomètres de lignes à grande vitesse sont inscrits dans un schéma directeur à horizon 2 030. Par ailleurs, le royaume s’est engagé à améliorer la qualité de son réseau classique : en doublant la ligne Rabat-Marrakech, en triplant les voies entre Kenitra et Casablanca, en réorganisant le noeud ferroviaire de Casablanca.
Les dirigeants de la SNCF espèrent que la gestion de ce projet de LGV de A à Z pourrait convaincre d’autres pays qui ont lancé des appels d’offres, comme la Thaïlande ou la Grande-Bretagne. Jusqu’à présent, seule la Corée a adopté un « système LGV » à la française.
VALÉRIE COLLET
Source : Le Figaro