Pétrole

Chaque 24 février, l’Algérie célèbre la nationalisation des hydrocarbures, un acte de souveraineté censé propulser le pays vers un avenir prospère. Six décennies plus tard, le résultat est un paradoxe monumental : les richesses s’envolent en fumée, pendant que les cerveaux prennent la tangente.

Avec des milliards de dollars engrangés par la manne pétrolière, l’Algérie aurait pu devenir un phare économique en Afrique et dans le monde arabe. Au lieu de cela, elle est restée coincée dans un modèle économique aussi archaïque qu’une station-service des années 70. La rente coule à flot, mais l’industrie stagne, la production locale agonise, et l’importation est reine. Chaque crise pétrolière rappelle la fragilité d’une économie bâtie sur des prix que personne ne contrôle.

Pendant ce temps, les caisses de l’État fument à force de dépenses mal orientées, de projets fantômes et de contrats surfacturés. L’argent de la rente disparaît plus vite qu’un baril dans une raffinerie en panne. Mais rassurez-vous, l’opacité est une tradition bien huilée : personne ne sait vraiment où vont ces milliards, mais tout le monde sait où ils ne vont pas.

Et puis il y a ces talents, ces cerveaux formés à coups de milliards dans des universités surpeuplées, qui ne rêvent que d’un visa pour aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte. Spécialistes en IA, ingénieurs, chercheurs, médecins… ils fuient un système où le mérite s’efface devant le piston, où l’innovation cède la place à la bureaucratie, et où l’avenir est un mot qu’on conjugue au passé.

Ironie du sort : l’Algérie exporte son gaz et son pétrole, mais elle importe des compétences qu’elle aurait pu garder. Elle paie des étrangers pour faire ce que ses propres fils et filles auraient fait avec passion et savoir-faire. Le pays investit dans la formation, mais ne garde pas ses cerveaux. Un gâchis monumental, à la hauteur de ses richesses.

Jusqu’à quand ce cycle infernal va-t-il continuer ? Jusqu’à quand les générations futures regarderont-elles leurs rêves se consumer dans l’incertitude ? La rente pétrolière finira par s’épuiser, mais la fuite des talents, elle, semble inarrêtable. Reste à savoir si l’Algérie choisira enfin d’investir dans son véritable or noir : son peuple.

Car au bout du compte, un pays ne se construit pas sur des barils de pétrole, mais sur des idées, des compétences et une vision. Sans cela, l’Algérie continuera d’exporter ce qu’elle a de plus précieux : son intelligence. Pendant ce temps, les discours triomphalistes vanteront une croissance fictive, les oligarques compteront leurs dividendes, et les jeunes chercheront toujours la sortie.

Comme le disait Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles. » Malheureusement, en Algérie, on ne vise ni la lune, ni les étoiles. On se contente de rêver devant un baril qui, lui aussi, finira par rouler ailleurs.

Dr A. Boumezrag

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