ALI AÏT DJOUDI, PRÉSIDENT DE RIPOSTE INTERNATIONALE, À L’EXPRESSION
Riposte Internationale
(RI) répond à un défi historique de mener un combat pacifique pour la défense et la promotion des droits de l’homme au coeur de la plate-forme culturelle de l’espace méditerranéen. Cette ONG s’inscrit en droite ligne de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, de la Charte des Nations unies, de la convention de Genève de 1948, de ses pactes facultatifs et de toutes les conventions des droits de l’homme. Dans cette interview qu’a bien voulu nous accorder le président de RI, il décrypte avec une grande lucidité l’actualité qui marque la scène politique algérienne.
L’Expression: Comment s’organise la communauté algérienne en France pour se mettre dans le sillage du peuple qui, en Algérie, exige le départ de tout le système?
Ali Aït Djoudi: La communauté algérienne en France est en symbiose totale avec la révolution du peuple algérien. Elle a même anticipé l’initiative d’organiser le premier rassemblement à la place de la République à Paris le 17 février 2019, juste après la marche de Kherrata. Depuis, plusieurs partis, mouvements, associations, ONG, opposants ou simples citoyens, ne cessent de se regrouper et d’unir leurs efforts dans de vastes rassemblements organisés chaque dimanche et ce, malgré les divergences politiques ou idéologiques qui, tacitement, ont pu être vite dépassées. Cet extraordinaire élan populaire animé par une synergie phénoménale réussissant à regrouper chaque dimanche entre 20 et 30.000 personnes, de manière soutenue et civique, conforte la communauté dans la justesse de sa cause, dans la conscience de son rôle et de la responsabilité historique qu’elle assume. Elle en est d’autant plus consciente qu’elle demeure toujours victime du mépris d’un pouvoir inique à travers:
– les mauvais traitements qu’elle se voit infliger dans les consulats,
– les tarifs exorbitants et rédhibitoires des billets d’avion qui empêchent beaucoup de nos concitoyens de rejoindre le pays afin de rendre visite à leur famille,
-l’inexistence d’un cadre adéquat pour le rapatriement des dépouilles mortelles,
-sa diabolisation par les politiques de tous les gouvernements successifs,
– des insultes, mépris, agressions verbales des responsables politiques à son endroit, qui considèrent qu’elle constitue une entité de sous-citoyens ou des citoyens de seconde zone, pour ne pas dire de second collège, selon la terminologie coloniale…
Pour toutes ces raisons et pour de nombreuses autres, la diaspora, interpellée par l’Histoire, s’engage pleinement dans la révolution en cours.
Qu’en est-il des arrestations présumées des hommes d’affaires et de la confiscation de leurs passeports?
Dans la stratégie de la diversion de l’opinion et même de son amusement, domaine de prédilection de son action subversive, le pouvoir annonce le retrait de leurs passeports à cinq généraux qui leur seraient ensuite restitués par Bouteflika. On focalise le discours sur Haddad et consorts.
On sent dans cette indescriptible cacophonie du fatras d’événements qui s’entrechoquent avec la violence du désordre, l’odeur du pourrissement qui atteint son paroxysme dans tous les secteurs de l’Etat et à tous les niveaux, dans les institutions civiles et militaires. La parodie de justice actuellement mise en oeuvre souligne le désarroi de ses initiateurs dans une espèce de règlement de comptes clanique, dans la précipitation, qu’une véritable action au service de la vérité qui ne peut émaner que de la souveraineté du peuple recouvrée, est seule en mesure d’instaurer des enquêtes en profondeur à même d’exhumer le fonds des dossiers de corruption pour ne plus avoir à se contenter de bouc émissaire circonstanciel comme ce fut le cas dans l’affaire Khalifa.
Ces actions ne paraissent-elles pas en contradiction avec les déclarations de Gaïd Salah qui semble beaucoup plus se plaindre que menacer?
Personnellement j’ai perdu définitivement tout lien de confiance avec tous les responsables en poste, qu’ils soient civils ou militaires. Leur complicité, qui ne s’est jamais démentie depuis vingt ans, ne peut, aussi brusquement, se muer en patriotisme qui nous ferait oublier les injustices commises à l’encontre d’hommes courageux et honnêtes tels que M. Mellouk et de bien d’autres, licenciés de leur travail, martyrisés, humiliés. Seule une justice non embrigadée, libre, indépendante, émanant du peuple souverain est à même de réparer les torts et les dommages commis à l’encontre du peuple algérien et de l’Algérie durant le règne de Bouteflika.
On met en exergue certains noms du passé pour conduire la transition. Le peuple ne s’est-il pas encore débarrassé du paternalisme qui l’a pendant longtemps maintenu dans la servitude?
– Les nostalgiques de la pensée unique, dont la mémoire est courte, ont le droit de continuer à fantasmer.Qu’il me soit permis,cependant, d’exprimer ma désolation lorsque j’entends des voix susurrer la nécessité du retour de Zeroual qui n’avait déjà aucun projet pour l’Algérie quand il était en responsabilité. Quelques rappels pour rafraîchir les mémoires:
-le RND a été créé durant sa gouvernance. Il en a été l’instigateur et l’initiateur.
– n’est-ce pas durant son règne que la fraude du siècle a eu lieu en 1997?
– n’est-ce pas sous son règne que le boycott scolaire (année scolaire 94-95) a fait perdre une année de scolarité à nos enfants en refusant la reconnaissance même du statut de langue algérienne à tamazight à laquelle il n’a même pas daigné accorder un strict minimum eu égard à son CARACTÈRE ANCESTRAL?
-n’est-ce pas lui qui a remis l’Algérie sur un plateau d’argent à Bouteflika?
S’agissant de Taleb El Ibrahimi, Benbitour et consorts, vieux caciques dont la page est définitivement tournée, ils doivent impérativement céder leur place à la jeune génération et assimiler ces vers de Rodrigue déclamés dans la tragédie de Corneille: «Je suis jeune il est vrai, mais aux âmes bien nées la valeur n’attend point le nombre des années.»
Quelle lecture faites-vous de la position du peuple, face à la formation du nouveau gouvernement et aux déclarations de Gaïd Salah?
L’annonce de la formation du nouveau gouvernement est un non-événement. Le pouvoir use de tous les subterfuges pour imposer sa feuille de route et gérer ainsi la transition, c’est-à-dire reconduire le bouteflikisme sans Bouteflika. Une insulte supplémentaire à l’intelligence du peuple algérien, car peut-on considérer un seul instant que les institutions issues de la fraude et de la triche puissent conduire et gérer la transition? Est-il possible qu’un BENSALAH président de la première Assemblée issue de la fraude du siècle en 1997 et complice de toutes les sales besognes de Bouteflika et de OUYAHIA puisse présider aux destinées de l’Algérie de demain?
Est-il possible de penser un seul instant que le Conseil constitutionnel qui a validé toutes les dérives de Bouteflika puisse jouer un rôle dans l’édification de l’Algérie de demain?
Est-il possible de penser que Bouchareb propulsé à la tête de l’APN par un coup d’Etat institutionnel puisse jouer un rôle dans les institutions de l’Algérie de demain?
Je pense que ce gouvernement des secrétaires généraux est mort-né. Le peuple algérien a tourné la page du système de la police politique et des 20 ans de règne du bouteflikisme.
Source L’Expression