En diplomatie comme en amour, il y a ceux qui séduisent et ceux qui s’illusionnent. Entre Paris et Alger, l’histoire d’un couple maudit continue : incompréhensions, reproches, crises de jalousie et promesses non tenues.
La France, toujours enfermée dans son roman national, croit encore que quelques déclarations grandiloquentes et des bouderies institutionnelles suffisent à maintenir une relation privilégiée. Pendant ce temps, l’Italie, elle, a compris que l’essentiel ne réside ni dans les serments ni dans les postures morales, mais dans les actes concrets. Et en l’occurrence, ces actes s’écrivent en barils de gaz.
Là où Paris ressasse les blessures du passé, Rome signe des contrats. Là où la diplomatie française tente encore de convaincre Alger que les regrets valent bien une alliance, l’Italie installe des pipelines. Pendant que Macron s’évertue à jongler entre mémoire sélective et discours culpabilisants, Giorgia Meloni, elle, fait ce que la realpolitik exige : elle négocie, elle flatte, elle engrange. Résultat ? Paris s’embourbe, Rome prospère.
Historiquement, la relation franco-algérienne est un champ de mines émotionnel. La mémoire coloniale y est omniprésente, les rancunes bien ancrées, et chaque faux pas se paie en tensions diplomatiques. La France persiste à parler d’histoire, là où l’Italie préfère parler d’avenir. Depuis la crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine, Alger est devenu un partenaire stratégique de premier ordre. Mais plutôt que de sécuriser sa place, Paris a multiplié les maladresses : déclarations mal reçues, relations crispées et une diplomatie parfois aussi maladroite qu’arrogante. À l’inverse, Rome, sans fardeau colonial et sans posture moralisatrice, avance ses pions avec une redoutable habileté.
Giorgia Meloni a fait d’Alger un allié clé, en transformant l’Italie en hub énergétique pour toute l’Europe du Sud. De quoi marginaliser un peu plus la France, reléguée au rôle de spectateur indigné. L’Algérie, elle, ne s’embarrasse pas de nostalgie : elle veut des partenaires fiables et des perspectives solides. Meloni l’a compris, et elle sait qu’en affaires comme en séduction, il faut savoir donner avant de demander.
Alors que Paris tente désespérément de colmater les brèches d’une relation fragilisée, Rome accumule les dividendes d’une stratégie pragmatique. Pendant que la diplomatie française s’enlise dans ses contradictions et ses accès de dignité offensée, l’Italie se fraye un chemin avec un sourire et une signature au bas d’un contrat.
Moralité ? Pendant que Paris s’embrouille, Rome se débrouille. Et en plein hiver énergétique, il vaut mieux avoir du gaz que des leçons de morale.
D’autant que l’Italie ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Forte de son succès algérien, elle tisse patiemment son réseau d’influence en Afrique du Nord, là où la France accumule les faux pas. Pendant que Paris tente encore d’imposer son statut d’ex-puissance tutélaire, Rome se positionne en partenaire discret mais efficace. Une discrétion qui paie : les investissements italiens en Algérie explosent, les coopérations s’élargissent et les hydrocarbures continuent d’affluer vers Rome.
Paris, lui, continue de regarder le train passer, coincé entre sa mémoire douloureuse et son incapacité à réinventer sa diplomatie. Peut-être est-il temps d’apprendre la leçon italienne : moins de leçons, plus d’actions. Moins de remords, plus de business.
Car au bout du compte, la géopolitique ne pardonne pas l’aveuglement. L’Italie avance, la France piétine. Et comme toujours, l’Histoire ne se raconte pas, elle s’écrit – à l’encre du pragmatisme et du gaz naturel.
Finalement, la France, grande donneuse de leçons, se retrouve à l’école de la realpolitik. Mais dans cette classe-là, le maître-mot n’est pas l’éloquence, c’est l’efficacité. L’Italie l’a bien compris, et pendant que Paris disserte, Rome empoche. Comme disait Napoléon : « Ne jamais interrompre un ennemi qui est en train de faire une erreur. »
Dr A. Boumezrag