Ennemis de l’intérieur», «ingrats» et «ceux qui se nourrissent de rêverie et d’illusions»… Ce sont les quelques qualificatifs utilisés, mercredi dernier, par le chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah, qui s’implique ainsi dans le débat politique qui précède la précampagne pour la prochaine présidentielle.
Intervenant en marge de sa visite à la 5e Région militaire à Constantine, l’homme, qui ne cesse de susciter la colère des acteurs de l’opposition, depuis notamment 2014, en raison de son envahissement de la scène politique, adopte carrément un ton menaçant à l’égard des éventuels opposants au 5e mandat.
En tout cas, son intervention est interprétée ainsi par l’ensemble des observateurs de la scène nationale. Sur les réseaux sociaux et même publiquement, ces derniers affirment que le «discours du patron de l’ANP» est la «preuve» que l’armée «ne respecte pas le principe de la neutralité et qu’elle fait même de la politique». Certains acteurs y voient aussi un soutien franc d’Ahmed Gaïd Salah au 5e mandat du président Bouteflika.
C’est le cas de la secrétaire générale du PT, Louisa Hanoune : «Même le chef d’état-major, lui aussi, est rentré dans la campagne politique pour un nouveau mandat pour le président de la République», dénonce-t-elle, en rappelant l’engagement pris par le patron de l’armée il y a seulement quelques semaines. «Le chef d’état-major avait déclaré récemment que l’armée ne s’ingérera pas dans la politique et ne permettra à personne d’entraîner l’institution dans ce domaine, en rappelant ses missions constitutionnelles. Où est la neutralité de l’ANP après cette nouvelle intervention ?»s’interroge-t-elle, à l’ouverture, hier à Alger, de la réunion de son bureau politique.
Fabriquer des «menaces internes»
Le vocabulaire de Gaïd Salah est vite repris, cette fois-ci, par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Bedoui. Ce dernier met en garde sévèrement contre «toute tentative de sabordage de la présidentielle» et menace d’agir contre les «ennemis de l’Algérie» qui, selon lui, «parient sur le fiasco du rendez-vous électoral».
Ces réactions rappellent celles enregistrées à l’occasion de la présidentielle de 2014. Pour diaboliser et tenter de discréditer les opposants à leurs plans, les tenants du pouvoir n’hésitent pas à fabriquer des «menaces internes et externes». Déniant le statut de «partenaires politiques» à tous les partis de l’opposition, ces derniers les désignent comme «sources de danger».
Et ils mettent, ainsi, en branle la machine de propagande visant à les disqualifier, tout en rappelant «l’acquis de la stabilité». Même les candidats n’avaient pas échappé, rappelons-le, à cette entreprise. Ali Benflis avait fait les frais de cette machine de diabolisation.
Après un acharnement des médias pro-pouvoir contre sa personne, l’actuel président du parti Talaie El Houriyet – à l’époque, il était candidat indépendant – a été accusé même «de terrorisme» par le président sortant qui s’est plaint de lui devant un invité étranger. La séquence est diffusée largement par les médias publics. C’est dire que pour contrecarrer tout changement, les tenants du pouvoir mobilisent tous les moyens de… l’Etat.
Madjid Makedhi
Source : El Watan