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jeudi 19 juin 2025
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Chassés par le vieux lion, rejetés par les  bergers : le destin des agneaux égarés

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Lion
Image par Winkelmann de Pixabay

Il fut un temps où le vieux lion régnait sans partage. Son rugissement s’entendait des rives de la Méditerranée aux dunes du désert. Il traçait des frontières, qui lui faisaient croire était chez lui. Mais les temps ont changé. L’empire s’est effondré, le lion a vieilli, et dans un dernier sursaut d’autorité, il expulse ceux dont il ne veut plus – comme s’il pouvait réécrire l’histoire en griffonnant trois lettres : OQTF.

Mais voilà, ces agneaux qu’il chasse à coup de décrets et de chartes ne sont pas tous prêts à redevenir bergers. Car de l’autre côté de la mer, les jeunes gardiens du troupeau, censés être les frères d’hier, les attendant non pas avec des bras ouverts, mais avec des portes fermées. Ils les refoulent, les abandonnent sur le rivage, leur refusent même le droit de rentrer chez eux. Comme si l’exil devait être une boucle infinie, une errance sans fin entre deux patries qui se renvoient la responsabilité comme un colis envisagé.

L’absurdité est totale. La France expulse au nom du droit, du contrôle migratoire, de la sécurité – à défaut d’admettre qu’elle expulse aussi l’héritage de son propre passé colonial. 

Alors, que reste-t-il à ces agneaux égarés ? Ni chez eux ici, ni chez eux là-bas, ils errent entre les aéroports, les zones d’attente, les humiliations bureaucratiques. Ils sont de trop dans une histoire qui ne veut plus les assumer. Ni lions, ni bergers, ils ne sont que l’écho d’un passé que chacun veut oublier sans jamais vraiment y parvenir.

Mais l’Histoire à la mémoire. Et si les lions vieillissent et si les bergers détournent le regard, les agneaux, eux, n’ont pas dit leur dernier mot.

Car ces exilés que l’on refuse d’un côté et que l’on rejette de l’autre ne sont pas des fantômes, mais des êtres de chair et de sang, des âmes en quête d’un foyer, d’une dignité que ni l’ancienne métropole ni les patries d’origine ne veulent leur accorder. Ils n’ont pas choisi d’être nés sous les vestiges d’un empire, pas plus qu’ils n’ont choisi d’être réduits à des chiffres dans les statistiques d’un ministère.

Pourtant, sur leur intime de disparition, de se fondre dans l’oubli, de cesser d’exister administrativement. La France leur assène son « Quittez le territoire », les pays d’origine leur rétorquent un « Nous ne vous reconnaissons pas ». Et les voilà coincés dans une absurdité kafkaïenne où ils ne sont ni assez français pour rester, ni assez algériens pour revenir.

Les OQTF ne sont que la dernière déclinaison d’une vieille rengaine : une relation franco-maghrébine où l’amour vicié du passé se transforme en rejet mutuel. Une danse toxique où l’on feint d’ignorer les liens indélébiles tout en prétendant qu’un tampon sur un passeport peut effacer un siècle d’histoire commune.

Mais l’exil n’a jamais fait disparaître ceux qu’il frappe. Il les transforme, il les forge, il les pousse à réinventer leur place dans un monde qui les refuse. Loin d’être de simples victimes, ces « agneaux égarés » tracent leur propre itinéraire, entre résilience et révolte, entre mémoire et avenir.

Car si les lions rugissent encore et si les bergers détournent la tête, la savane, elle, appartient à ceux qui avancent.

Ainsi, entre expulsions administratives et refoulements hypocrites, les exilés se retrouvent piégés dans une partie d’échecs où ils ne sont ni pions ni rois, mais des pièces que l’on préfère écarter du plateau. Pourtant, à force de vouloir les effacer, c’est un autre récit qui s’écrit, en dehors des frontières et des décrets, dans l’errance mais aussi dans la résistance. Car si les États les rejettent, eux, persistants. Ils présagent en eux des histoires que l’on tente d’entrer, des héritages que l’on refuse d’assumer, et un avenir qui finira, quoi qu’on en dise, par s’imposer.

On peut retarder l’inévitable, mais on ne l’empêche jamais vraiment. À force d’expulsions et de refoulements, les États croient pouvoir contrôler les trajectoires, dicter qui a le droit d’exister ici ou ailleurs. Mais l’histoire l’a prouvée : les frontières administratives ne résistent jamais aux mouvements profonds des peuples.

Ces exilés que l’on rejette aujourd’hui sont les bâtisseurs invisibles de demain. Ils s’installent, s’adaptent, tissent des liens malgré tout. Ni tout à fait d’ici, ni plus vraiment de là-bas, ils présagent en eux un héritage que l’on tente d’effacer, mais qui, bon gré mal gré, finit toujours par s’imposer. Car l’appartenance ne se décrète pas, elle se construit.

Comme l’écrivait Kateb Yacine : « L’exil est une patrie. »

Et peut-être que ce printemps 2025 marque le début d’un monde où les « indésirables » ne demandent plus la permission d’exister.

Dr A. Boumezrag

Cherif Mellal : 19e jour de grève de la faim

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Mellal

Cherif Mellal est en détention depuis le 19 janvier 2023. Il observe une grève de la faim depuis le 3 mars 2025. C’est sa 3e grève de la faim depuis qu’il est emprisonné sur la base d’accusations sans fondements.

« Une condamnation à une peine de 04 ans de prison ferme a été infligée à Cherif Mellal par jugement rendu par le pôle pénal économique et financier sis au tribunal de Sidi M’hamed en date du 23/10/2024, jugement confirmé dans toutes ses dispositions par arrêt rendu par la chambre pénale près la cour d’Alger en date du 25 février 2025 », rapporte son avocate Me Sadat dans son post.

Un système répressif sous surveillance

L’Algérie de Tebboune restera le parangon des violations de l’Etat de droit. L’homme dit une chose pour faire son contraire. Malgré les promesses de réformes politiques et de démocratisation, le règne de Tebboune et son alter ego militaire Saïd Chanegriha continue d’être marquée par des violations graves des droits de l’homme. Le pays est régulièrement critiqué par des organisations internationales comme Amnesty International et Human Rights Watch pour son manque de respect des libertés fondamentales, sa répression des opposants politiques, et la persistance d’un système autoritaire contrôlé par une élite politique en place depuis plusieurs décennies.

Le pouvoir algérien est souvent qualifié de dictature, un terme qui renvoie à un régime où les libertés individuelles sont sévèrement restreintes, les partis d’opposition muselés et la société civile réduite au silence. La Constitution, qui prévoit théoriquement un système démocratique, est largement ignorée, et l’État exerce un contrôle étroit sur les médias, les syndicats et l’Internet.

Les arrestations arbitraires, la torture et les détentions prolongées sans jugement sont des pratiques courantes. Les journalistes et les militants des droits de l’homme sont souvent les cibles de cette répression. Des personnalités comme le journaliste Khaled Drareni, emprisonné en 2020 pour avoir couvert les manifestations du Hirak, en sont des exemples flagrants. Le Hirak, ce mouvement de contestation populaire lancé en février 2019, a pourtant fait naître un espoir de changement. Cependant, l’État a répondu par une répression brutale, arrêtant des milliers de manifestants et interdisant les rassemblements publics.

Le régime algérien est également accusé de porter atteinte à la liberté d’expression. L’Algérie figure parmi les pays les plus répressifs pour les journalistes et blogueurs. Les autorités utilisent des lois vagues sur la “sécurité nationale” et la “défense de l’intégrité du territoire” pour censurer les médias et emprisonner toute personne critiquant publiquement le gouvernement.

L’Algérie a signé plusieurs conventions internationales relatives aux droits de l’homme, mais ces engagements sont régulièrement bafoués, avec une impunité presque totale pour les violations commises par les forces de sécurité. L’absence de réformes réelles et d’une indépendance de la justice maintient l’Algérie dans un cercle vicieux de répression, où les droits civiques et politiques sont sacrifiés sur l’autel de la stabilité et de l’hégémonie d’un système politique figé.

Au fil des années, malgré les apparences d’ouverture, l’Algérie demeure un régime autoritaire où la dictature s’est imposée comme une norme. Tant que ce système persistera, les droits fondamentaux des Algériens, notamment le droit à la liberté d’expression, à la manifestation pacifique et à un jugement équitable, resteront en péril.

Salim Akkache

France-Algérie : passé simple, composé, recomposé ou décomposé ?

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Macron Tebboune
Tebboune et Macron.

Ah, la France et l’Algérie ! Soixante-trois ans après leur séparation officielle, ils continuent de se tourner autour, s’adorant en secret, se haïssant en public. Une relation à la fois fusionnelle et toxique, entre déclarations enflammées et disputes interminables. Ce n’est plus une histoire d’amour, c’est un mauvais feuilleton qu’on regarde en boucle, avec toujours les mêmes dialogues : « Tu me dois des excuses ! », « Et toi, un peu de gratitude ! »

L’Algérie a arraché son indépendance en 1962, mais le cordon ombilical n’a jamais été complètement coupé. Paris et Alger jouent à « je t’aime, moi non plus » avec une constance remarquable. La guerre d’Algérie est officiellement terminée, mais elle continue de nourrir les discours, les polémiques, et surtout, les intérêts.

Côté algérien, la mémoire coloniale est un outil politique en or. Le régime utilise le souvenir de la guerre comme un bouclier pour masquer les dysfonctionnements internes : corruption, chômage, restrictions des libertés… Plutôt que d’expliquer pourquoi des milliers de jeunes veulent fuir le pays chaque année, mieux vaut désigner un coupable extérieur : la France et son « néo-colonialisme ». Et puis, demander sans cesse la repentance évite d’avoir à se repentir soi-même sur d’autres sujets sensibles.

Mais voilà le paradoxe : on fustige la France en journée, on rêve d’un visa pour elle la nuit. Car pendant que les officiels dénoncent « l’héritage colonial », des milliers de jeunes Algériens cherchent par tous les moyens à obtenir un passeport pour venir étudier, travailler, ou simplement tenter leur chance de l’autre côté de la Méditerranée. Un rejet théâtralisé d’un côté, une fascination assumée de l’autre.

Côté français, la repentance est une équation politique compliquée. Trop d’excuses, et on risque d’ouvrir la porte aux revendications (juridiques, financières, migratoires). Pas assez d’excuses, et on alimente l’hostilité d’Alger et d’une partie de la communauté franco-algérienne. Alors, on fait semblant de faire des gestes : un rapport, une commémoration, une visite officielle… De la diplomatie du symbole, jamais suivie d’actes concrets.

Mais là aussi, l’hypocrisie est à son comble : on critique Alger à grands coups de micro, mais on signe des contrats de gaz de l’autre main. On réduit les visas pour « envoyer un message », mais on déroule le tapis rouge quand il s’agit de garantir l’approvisionnement énergétique ou de préserver les marchés pour les entreprises françaises. Autrement dit, les grandes déclarations patriotiques devant les caméras, les poignées de main discrètes en coulisses.

Pourtant, derrière ces postures théâtrales, la France et l’Algérie savent qu’elles ont besoin l’une de l’autre. Ce qui les lie aujourd’hui, ce n’est plus l’Histoire, mais le business. Et sur ce terrain, tout le monde met ses beaux principes de côté.

Le gaz algérien, surtout depuis la crise énergétique européenne, est une manne précieuse pour la France, qui cherche à diversifier ses approvisionnements après la guerre en Ukraine. En 2022, Alger est devenu un partenaire stratégique pour l’Europe, forçant Paris à faire profil bas malgré les tensions.

Les visas, enjeu hautement inflammable. D’un côté, la France veut limiter l’immigration et utilise la politique des visas comme moyen de pression. De l’autre, l’Algérie, qui joue sur la double identité de sa diaspora, réclame plus de facilités pour ses ressortissants. Résultat ? Des bras de fer diplomatiques à répétition, suivis d’arrangements discrets.

Les contrats en tout, qui rappellent que même quand on se dispute en public, on sait très bien faire des affaires en coulisses. La France vend des armes, des avions, du matériel médical… et l’Algérie achète, tout en dénonçant « l’impérialisme français » dans ses discours officiels.

Le problème de la relation franco-algérienne, c’est qu’elle est piégée entre un passé qu’on refuse d’assumer totalement et un avenir qu’on peine à construire. Pendant que les gouvernements entretiennent un dialogue de sourds, la nouvelle génération, elle, regarde ailleurs.

Les jeunes Algériens rêvent de France pour leurs études, leur avenir professionnel, parfois même pour fuir un régime autoritaire. Mais ils ne se sentent pas prisonniers du passé colonial. Leur réalité, c’est le manque de perspectives, pas la bataille de Sétif.

Les jeunes Français, eux, ne connaissent l’Algérie que par le foot, la musique et les récits familiaux. La guerre, ils l’ont étudiée en cours d’histoire, mais elle ne définit pas leur identité. Ils n’ont pas de « nostalgie de l’Algérie française », ni de comptes à régler avec les anciens colons ou révolutionnaires.

Alors, pourquoi continuer cette pièce de théâtre absurde ? Parce que ni Paris ni Alger ne veulent dire la vérité : la France et l’Algérie ne sont pas des ennemies, mais elles ne seront jamais totalement réconciliées non plus. Trop d’histoire, trop de blessures, trop de cynisme.

Au fond, la relation franco-algérienne est un vieux couple qui ne sait ni se quitter ni se retrouver. On se fait la guerre sur la mémoire, mais on s’arrange sur les affaires. On se méprise dans les discours, mais on se serre la main dans les négociations.

Mais l’illusion ne tiendra pas éternellement. Car comme le dit si bien l’adage :

« L’Histoire est un boomerang : elle finit toujours par revenir frapper ceux qui tentent de l’oublier. »

Rendez-vous au prochain épisode de ce feuilleton sans fin.

Dr A. Boumezrag

Cherif Mellal est à son 18e de grève de la faim

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Cherif Mellal

En détention depuis le19 janvier 2023, Chérif Mellal observe une grève de la faim depuis le 3 mars 2025. Il est à son 18e jour de grève de la faim.

« Une condamnation à une peine de quatre ans de prison ferme a été infligée à Cherif Mellal par jugement rendu par le pôle pénal économique et financier sis au tribunal de Sidi M’hamed en date du 23/10/2024, jugement confirmé dans toutes ses dispositions par arrêt rendu par la chambre pénale près la cour d’Alger en date du 25/02/2025 », écrit sur Facebook son avocate Me Fetta Sadat.

Le cas de Cherif Mellal est symptomatique de cette justice caporalisée et aux ordres du puissants aux affaires. Ils sont près de 240 détenus d’opinion à être victimes de juge et d’une machine judiciaire qui ont renoncé à faire justice. Des centaines d’Algériennes et d’Algériens sont aussi frappés d’autres formes d’arbitraire, comme celui de ne pouvoir pas voyager ou de s’exprimer publiquement.

La rédaction

La Tunisie se retire de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples

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En ce jour de l’indépendance, la Tunisie renie ses engagements et anéantit une autre garantie pour le peuple tunisien en matière de droits humains

En ce jour symbolique du 20 mars, célébrant l’indépendance de la Tunisie et la souveraineté de son peuple, nous apprenons avec une profonde consternation que les autorités en place en Tunisie ont décidé de retirer leur déclaration sous l’article 34(6) du Protocole de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

Cette décision prive désormais les citoyen-ne-s tunisien-ne-s et les ONG de défense du droit de saisir directement la Cour africaine pour alléguer les violations des droits fondamentaux commises par l’État tunisien et demander les remèdes et les indemnisations auxquels ils ont droit. Elle constitue un manquement grave à la Constitution de 2022, notamment tout son chapitre II, et un reniement ignoble des engagements pris par la Tunisie en matière de justice et de protection des droits humains, découlant de la ratification de la Charte africaine des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Un engagement historique réduit à néant

Le parcours de la Tunisie au sein de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples témoigne d’un engagement progressif en faveur de la justice internationale :

  • 9 juin 1998 : lors du sommet de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA) à Ouagadougou (Burkina Faso), le Protocole annexé à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création de la Cour africaine est adopté.
  • 7 août 2007 : la Tunisie ratifie ce Protocole, intégrant ainsi officiellement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans son cadre juridique.
  • 02 juin 2017 : dans une avancée majeure et révolutionnaire pour un pays arabe, musulman et maghrébin, la Tunisie dépose sa déclaration sous l’article 34(6), permettant aux individus et aux ONG de saisir directement la Cour pour dénoncer des violations des droits humains. À cette époque, seuls 10 autres États africains avaient adopté cette déclaration, faisant de la Tunisie un modèle en matière de justice internationale en Afrique du Nord.

En choisissant de faire marche arrière, les autorités tunisiennes annulent ces avancées et rejettent une justice indépendante qui aurait pu constituer une protection subsidiaire pour les citoyens contre les abus du pouvoir.

Une décision lourde de conséquences

Le retrait de la déclaration sous l’article 34(6) affaiblit gravement la protection des droits humains en Tunisie:

  • Privation d’un recours international : les victimes de violations des droits humains ne pourront plus se tourner vers la Cour africaine lorsque la justice tunisienne s’avère incapable de remédier aux violations des droits de l’homme ou les commet elle-même.
  • Renforcement de l’impunité du pouvoir : ce retrait facilite l’échappatoire face aux arrestations arbitraires, à la répression des opposants et des journalistes, ainsi qu’aux restrictions croissantes des libertés publiques, surtout avec la série de procès politiques et ceux visant la liberté d’expression et d’association, verrouillant ainsi l’espace public.
  • Abandon des migrants subsahariens aux violences : il empêche également toute action en justice pour dénoncer les expulsions brutales, agressions racistes et traitements inhumains dont sont victimes de nombreux migrants en Tunisie.

Un repli honteux et une tentative d’échapper à la justice

Le retrait de la déclaration sous l’article 34(6) n’est pas une simple décision technique, mais un choix politique visant à se soustraire aux mécanismes de reddition de comptes. Il intervient à un moment où la Tunisie est de plus en plus critiquée pour ses dérives autoritaires et la multiplication des violations des droits humains.

Le CRLDHT rappelle que ce retrait ne prendra effet qu’en mars 2026, selon la jurisprudence de la Cour africaine. Nous appelons toutes les victimes de violations des droits humains à déposer des plaintes auprès de la Cour avant cette échéance, afin d’empêcher que ce retrait ne serve de bouclier à l’impunité du régime. Le CRLDHT reste à leur disposition pour leur fournir le conseil juridique approprié.

Il nous reste la justice internationale

Si les autorités en place en Tunisie pensent pouvoir échapper à leurs responsabilités en restreignant l’accès à la Cour africaine, nous leur rappelons que la justice internationale ne se limite pas à cette Cour.

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes les plus graves, les mécanismes des rapporteurs spéciaux et de pression des Nations unies et de l’Union européenne, ainsi que la compétence universelle des tribunaux nationaux restent autant de voies pour dénoncer les violations commises en Tunisie et exiger des comptes. Le CRLDHT n’hésitera pas à saisir ces instances et à assister les victimes dans leurs démarches.

Le CRLDHT réaffirme son engagement à poursuivre le combat pour que les responsables des abus et des crimes ne restent pas impunis.

Appel à la mobilisation

En ce jour de l’indépendance, qui devrait être une célébration de la souveraineté et de la justice, nous refusons d’accepter ce retour en arrière.

Le CRLDHT appelle :

  • Le gouvernement tunisien à revenir immédiatement sur cette décision et à respecter ses engagements internationaux.
  • L’Union africaine et les instances internationales à exercer des pressions diplomatiques et politiques pour empêcher cette régression.
  • Les organisations de défense des droits humains à se mobiliser contre cette tentative de priver les citoyens tunisiens d’un accès à la justice.
  • Les citoyens tunisiens et les migrants victimes d’abus à déposer massivement des requêtes devant la Cour africaine avant mars 2026.

En ce jour du 20 mars, nous rappelons que la véritable indépendance ne peut exister sans justice, sans responsabilité et sans respect des droits fondamentaux.

CRLDHT

10 ans de prison requis contre Boualem Sansal pour atteinte à l’unité nationale

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Boualem Sansal

Le procureur du tribunal correctionnel de Dar El Beida, à Alger, a requis, ce jeudi 20 mars 2025, une peine de dix ans de prison ferme et une amende d’un million de dinars algériens à l’encontre de l’écrivain Boualem Sansal.

Selon plusieurs sources médiatiques, l’écrivain franco-algérien est poursuivi pour plusieurs chefs d’accusation, notamment atteinte à l’unité nationale, insulte envers une institution réglementaire, possession de contenus portant atteinte à la sécurité nationale et actions susceptibles de nuire à l’économie nationale.

L’affaire trouve son origine dans la saisie de documents électroniques retrouvés sur ses appareils personnels (téléphone, ordinateur et clé USB). Selon l’accusation, ces documents contiendraient des publications jugées offensantes envers les institutions constitutionnelles, civiles et militaires de l’État algérien.

Arrêté en novembre 2024 à son retour d’un séjour en France, Boualem Sansal est placé en détention provisoire depuis plusieurs mois. Son procès, inscrit au calendrier régulier des affaires criminelles, s’est déroulé sans mesures exceptionnelles.

Lors de son audition devant le tribunal correctionnel de Dar El Beida à Alger, Boualem Sansal a fermement nié toute intention d’offenser l’Algérie à travers ses écrits. Il a souligné que ses publications relevaient uniquement de l’expression d’une opinion, à l’instar de tout citoyen exerçant son droit à la libre parole. Il a également précisé qu’il n’avait pas mesuré l’impact que certaines de ses déclarations pouvaient avoir sur les institutions nationales.

Face au juge d’instruction de la troisième chambre, Sansal a réaffirmé son attachement profond à son pays, déclarant : « Je suis algérien, j’aime mon pays et mon patriotisme est irréprochable. »

Un verdict attendu et des réactions internationales

Le tribunal a décidé de mettre son jugement en délibéré jusqu’au 27 mars 2025, date à laquelle le verdict sera annoncé.

Cette affaire intervient dans un contexte diplomatique tendu entre l’Algérie et la France, notamment après la reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024. L’arrestation et le procès de Boualem Sansal ont suscité de vives réactions au sein de la communauté internationale.

L’avocat de l’écrivain a d’ores et déjà annoncé son intention de saisir l’ONU pour dénoncer une détention arbitraire. De son côté, le ministère français des Affaires étrangères s’est dit préoccupé par la situation et suit de près l’évolution du dossier.

À quelques jours du verdict, l’affaire Boualem Sansal continue de diviser l’opinion publique, entre ceux qui dénoncent une atteinte à la liberté d’expression et ceux qui considèrent qu’il a outrepassé les limites du débat public.

La rédaction

La justice française dit niet à l’extradition de Bouchouareb en Algérie

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Bouchouareb
Abdeslam Bouchouareb ne sera pas extradé en Algérie

La justice française a rejeté mercredi les six demandes d’extradition vers l’Algérie concernant Abdesselam Bouchouareb, ancien ministre de l’Industrie et des Mines sous la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, entre 2014 et 2017. Cette décision met fin de manière définitive à la procédure d’extradition.

La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que l’extradition aurait des conséquences graves, notamment en raison de l’état de santé et de l’âge de M. Bouchouareb, âgé de 72 ans. Selon la cour, une telle mesure porterait atteinte à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme ainsi qu’à l’article 5 de la convention d’extradition franco-algérienne de 2019.

Depuis près de 18 mois, l’Algérie demandait l’extradition de M. Bouchouareb, qui vit désormais dans les Alpes-Maritimes. L’Algérie souhaitait qu’il purge cinq peines de prison de vingt ans chacune et qu’il soit poursuivi dans une sixième affaire liée à des infractions économiques et financières.

Cependant, la cour a suivi l’avis du parquet, qui s’était opposé à cette extradition lors de l’audience du 5 mars. Le procureur général, Raphaël Sanesi de Gentile, avait souligné qu’un éloignement de M. Bouchouareb, gravement malade, entraînerait un risque de déclin irréversible de sa santé, voire de décès.

De son côté, l’avocat de l’Algérie, Me Anne-Sophie Partaix, avait soutenu que la France avait été suffisamment garantie sur les conditions de la procédure. Elle avait insisté sur le fait que « M. Bouchouareb a volé de l’argent aux Algériens, il a été condamné et doit répondre de ses actes », avait-elle insisté. Sans succès toutefois auprès de la justice française.

L’avocat de M. Bouchouareb, Me Benjamin Bohbot, a dénoncé l’aspect politique de cette demande d’extradition, en affirmant que l’envoyer en Algérie équivalait à le condamner à mort. Il a rappelé que plusieurs figures politiques, dont deux anciens Premiers ministres, avaient été condamnées en 2020 à de lourdes peines de prison dans des affaires similaires. Me Bohbot a également défendu son client en affirmant qu’il était une victime des purges de l’après-Bouteflika, après avoir été contraint de démissionner en avril 2019 sous la pression du mouvement populaire Hirak.

La rédaction/AFP

Souveraineté en soldes, soldats en souvenir ..

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Accord d'Evian

Le 19 mars. Une date qui, entre Paris et Alger, fait l’objet d’une commémoration sélective et d’une amnésie volontaire. D’un côté de la Méditerranée, elle marque la fin officielle d’une guerre qui n’a jamais cessé de hanter les esprits. 

De l’autre, elle symbolise le début d’une indépendance, toujours à conquérir. Et en 2025, que reste-t-il de ces souvenirs ? Des discours, des postures, des poignées de main sous les dorures, pendant que l’histoire, elle, continue d’être soldée au prix du marché.

Alors qu’on célèbre — ou qu’on évite soigneusement de célébrer — le 63e anniversaire du cessez-le-feu des Accords d’Évian, les relations franco-algériennes ressemblent à une vieille boutique d’antiquités où chacun prétend détenir la vérité historique tout en marchandant l’oubli. On exhume les héros à la demande, on instrumentalise les archives en fonction des intérêts du moment, et on négocie la souveraineté comme une franchise en cours de renouvellement.

L’Algérie, qui a bâti sa légitimité sur la décolonisation, continue de jongler entre le mythe fondateur de l’indépendance et la réalité d’une souveraineté sous perfusion économique. La France, de son côté, oscille entre la repentance calculée et les impératifs stratégiques, coincée entre la nécessité d’un partenariat et la peur d’un passé qui colle à ses basques comme un vieux sparadrap.

Le pétrole, le gaz, les visas, la diaspora, les marchés publics… Voilà le véritable champ de bataille d’aujourd’hui. Pendant que les commémorations se succèdent, les négociations se font en coulisses. L’Algérie joue la carte de l’intransigeance mémorielle mais laisse entrer les multinationales françaises à condition qu’elles ne posent pas trop de questions. Paris, lui, parle de coopération et d’amitié tout en durcissant sa politique migratoire. Souveraineté ? Oui, mais sous conditions.

Et les soldats dans tout ça ? Les derniers survivants de la guerre d’Algérie s’éteignent un à un, emportant avec eux des souvenirs que personne ne veut vraiment entendre. Les harkis sont toujours en quête d’une reconnaissance qui vient au compte-gouttes. Les anciens appelés, eux, se demandent encore pourquoi ils étaient là. Les jeunes générations, des deux côtés, peinent à comprendre pourquoi cette guerre continue de dicter les relations diplomatiques comme un spectre insaisissable.

Le 19 mars 2025, comme les précédents, sera donc une journée de postures et d’hypocrisie. Un théâtre où l’on joue la souveraineté sans jamais la pratiquer, où l’on parle d’histoire tout en la vendant par morceaux. La France et l’Algérie, deux nations qui se regardent dans le rétroviseur sans jamais vraiment oser freiner ni accélérer.

Au final, la relation franco-algérienne oscille entre dépendance et défiance, entre mémoire et oubli sélectif. Tant que l’histoire servira de monnaie d’échange plutôt que de pont vers l’avenir, les plaies resteront ouvertes, et les véritables réconciliations demeureront un mirage diplomatique. On célèbre, on commémore, on discourt, mais le passé n’est jamais qu’un instrument dans un jeu où l’histoire se plie aux intérêts du présent.

Comme le disait Camus : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Peut-être qu’un jour, les mots justes permettront d’écrire une autre page, mais pour l’instant, la souveraineté reste en solde et les soldats en souvenirs.

Dr A. Boumezrag

Khemis El Khechna : un individu condamné à 15 ans de prison pour spéculation illégale sur la pomme de terre

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Gendarme

Le tribunal de Khemis El Khechna, relevant de la cour de Boumerdès, a prononcé ce mardi une lourde peine contre un individu accusé de spéculation illégale sur des denrées alimentaires de base. L’accusé, identifié par ses initiales B.A., a été condamné à 15 ans de prison ferme et à une amende de 5 millions de dinars algériens.

Cette condamnation fait suite à une opération menée le 16 mars 2025 par la Division de recherche et d’investigation de la Gendarmerie nationale de Boumerdès, en collaboration avec les services de la Direction locale du commerce. Lors de cette intervention, 150 tonnes de pommes de terre stockées illicitement ont été saisies dans la commune de Khemis El Khechna.

Interpellé dans le cadre de l’enquête préliminaire, B.A. a été présenté au parquet le 18 mars 2025 et jugé en comparution immédiate pour spéculation illégale. En plus de la peine de prison et de l’amende, il a été placé en détention.

Cette affaire  intervient alors que le pays fait face à une envolée des prix de plusieurs produits alimentaires de base. Malgré les mesures prises par les autorités pour protéger le pouvoir d’achat des citoyens, la régulation du marché reste un défi. Ces derniers jours, une hausse notable des prix a été observée, notamment sur la pomme de terre, dont le kilogramme, vendu à 100 DA avant le début du ramadan, a atteint 130 DA avant de se stabiliser à 120 DA.

La rédaction

Rentiers algériens, banquiers français : les deux bouts d’une même banane

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Drapeaux Algérie France

Les uns vivent de l’or noir, les autres de l’argent invisible. D’un côté, une caste qui pompe les richesses naturelles d’un pays sans jamais se soucier du lendemain. De l’autre, une élite financière qui jongle avec des milliards en facturant l’air qu’elle fait circuler. Deux systèmes en apparence différents, mais qui fonctionnent sur le même principe : faire tourner une machine qui profite à une poignée de privilégiés, pendant que les peuples rament.

L’Algérie, riche de son sous-sol, aurait pu devenir un géant économique. Mais à quoi bon se fatiguer à diversifier quand on peut simplement ouvrir les robinets et encaisser la rente ? Un pays transformé en distributeur automatique, où les élites ponctionnent à la source et redistribuent juste assez pour éviter l’émeute. Pas trop, pas trop vite : un peuple affamé est dangereux, mais un peuple repu commence à poser des questions.

Pendant ce temps, la France, ex-puissance coloniale devenue ex-métropole nostalgique, n’a pas perdu la main sur le business. Elle ne tient plus l’Algérie par la force, mais par la finance. Car une grande partie de la fortune algérienne, celle des oligarques et des décideurs, n’est pas investie à Tizi Ouzou ou à Oran. Elle dort paisiblement dans les coffres des banques françaises, dans des comptes bien discrets, dans des immeubles haussmanniens où le mètre carré vaut le prix d’une vie de labeur d’un employé algérien.

Le pillage en costard-cravate

Le rentier algérien ne produit rien. Il n’a jamais creusé un puits de pétrole, il ne sait pas comment fonctionne un gazoduc. Mais il sait comment toucher sa part sans bouger le petit doigt. Il est ministre, fils de ministre, cousin d’un général, ancien haut fonctionnaire recyclé en businessman. Son travail consiste à gérer les pots-de-vin, signer des contrats en Suisse et s’assurer que les fonds publics prennent discrètement l’avion.

Le banquier français, lui, ne connaît pas l’odeur du pétrole. Il ne fore pas, ne transporte rien. Son métier ? Rendre tout cela fluide. Blanchir, optimiser, faire disparaître l’argent sous des couches de sociétés écrans et de paradis fiscaux. Quand un milliard quitte Alger, il ne disparaît pas : il réapparaît sous forme de comptes anonymes au Luxembourg, de propriétés à Neuilly, de jetons dans un casino à Monaco.

Et pourtant, les deux camps jouent les indignés.

L’Algérie dénonce le néocolonialisme, tout en envoyant discrètement ses milliards en France. La France prêche la morale financière, tout en accueillant avec le sourire les valises de billets douteux. Une hypocrisie bien huilée, où les peuples sont priés de croire à la souveraineté des uns et à la rigueur des autres.

Un système bien rôdé

Mais que se passe-t-il quand le pétrole chute ? Quand la crise frappe ? Quand la machine se grippe et que la manne se fait rare ? C’est là que le masque tombe : les élites n’ont jamais eu l’intention de partager.

En Algérie, on parle de complot international, de main invisible étrangère qui cherche à déstabiliser le pays. En France, on dit qu’il faut faire des réformes, serrer la ceinture, sauver les banques « pour éviter l’effondrement ». Mais dans les deux cas, c’est toujours le peuple qui paie l’addition.

Quand l’Algérien lambda se retrouve sans travail, sans avenir, sans perspectives, il regarde vers la mer et rêve de fuir vers cette France où son propre pays a déposé ses richesses.

Quand le Français moyen voit les prix grimper et les services publics s’effondrer, il se demande comment des banques sauvées avec son argent continuent de verser des bonus records.

Et à chaque crise, les élites trouvent une parade.

En Algérie, on distrait le peuple avec des discours patriotiques. On agite les vieilles blessures coloniales, on accuse l’ennemi extérieur, on joue la carte du nationalisme. « Nous sommes indépendants ! » crient-ils, tout en envoyant leurs familles se faire soigner dans les hôpitaux parisiens et leurs enfants dans les grandes écoles françaises.

En France, on amuse la galerie avec des débats sur l’immigration, la dette, la « France qui se lève tôt ». On fait croire au peuple que le problème, ce sont les pauvres trop pauvres et pas les riches trop riches.

Comprendre, ce n’est pas résoudre

Alors oui, rentiers algériens et banquiers français sont bien les deux bouts d’une même banane. Les uns pillent le pays en distribuant des miettes, les autres volent en facturant des frais. Et entre les deux, des peuples qui n’ont droit ni au fruit, ni même à la peau.

Mais soyons honnêtes : comprendre ce mécanisme ne suffit pas à le renverser. On peut dénoncer, analyser, expliquer… mais que se passe-t-il ensuite ? Tant que ceux qui ont le pouvoir de changer les choses n’ont aucun intérêt à le faire, rien ne bougera.

Les peuples ont fini par comprendre comment ils se font avoir. Mais ils se font toujours avoir.

Alors, on fait quoi ? On continue à regarder la banane se faire peler, ou on arrête d’être le dindon de la farce ?

Et comme disait Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu. »

Dr A. Boumezrag