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jeudi 12 décembre 2024
DébatsChronique. « Quand les feuilles tremblent, ce n’est pas l’affaire des racines. »

Chronique. « Quand les feuilles tremblent, ce n’est pas l’affaire des racines. »

L’Algérie, terre des Arabes

(La constitution)

« Quand les feuilles tremblent, ce n’est pas l’affaire des racines. »

Citation de Wole Soyinka, Prix Nobel Nigérian de littérature en 1986.

 

La visioconférence de Ferhat Mhenni a révolté certains et fait couler beaucoup d’encre et de salive. Voltaire, un penseur français a dit : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je ferais tout pour que vous puissiez le dire ». C’est la base de la démocratie.

Je ne comprends pas pourquoi on tolère les propos des intégristes islamistes qui ont causé la mort de 200 000 personnes en Algérie, qui ont voulu et veulent encore réduire notre pays à un département du Moyen-Orient et de l’Arabie Saoudite, et qu’on n’arrive pas à tolérer les propos de Ferhat Mehenni qui, lui, n’a causé aucun mort. Au contraire, il a commencé sa lutte pour un Etat de droit et la démocratie en Algérie à partir des années 70, il est fils de Chaid et a été emprisonné plusieurs fois pour avoir revendiqué une Algérie pluraliste, libre et démocratique. Il est devenu extrémiste, si vous pensez qu’il l’est, à partir de 2001, après le meurtre de 130 jeunes Kabyles par le régime, un génocide que les Algériens de toute part n’ont pas dénoncé à ce moment-là. Le régime Algériens a assassiné 28 jeunes en une seule journée, un remake des heures les plus sombres de la colonisation.

À tous ceux qui reprennent la fameuse déclaration de Chadli Ben Djedid, puis de Bouteflika : « Nous sommes tous des Amazigh arabisés par l’Islam » ou la célèbre formule faussement scientifique d’Ibn Badis « chaâbo eljazahir muslimun ou ila l’âorobati yantasib », il convient de rappeler que l’Islam est une religion comme les autres et non pas une arme de guerre. Si l’Islam a été répandu pour arabiser, il devient par conséquent le vecteur d’une colonisation pernicieuse. Si on lui a fixé comme rôle non pas de découvrir Dieu, d’une certaine façon, mais de transformer l’identité historique des peuples qui l’ont accueilli, de faire muter des personnes et les changer en d’autres, touchant notamment à leur nature profonde, alors on doit par éthique rejeter une telle religion. Pourquoi les Iraniens sont-ils restés Iraniens et Perses, Les Turcs sont restés turcs, Les Comores Comoriens, les habitants de la Gambie Gambiens et ceux du plus grand pays musulman au monde, l’Indonésie, Indonésiens…  L’Algérie est le seul pays semble-t-il à avoir été arabisé et transformé par l’Islam, selon ses chouyoukh mystificateurs. On fait ainsi abstraction de sa grande histoire, de sa diversité culturelle et linguistique, de ses origines Amazigh et de son appartenance africaine et méditerranéenne. C’est réducteur et appauvrissant.

Et comme pour balayer toute rouspétance, on va encore plus loin dans la constitution algérienne : la terre elle-même, le support originel qui vous fait vivre est arabe. Ce qui pousse l’aberration jusqu’à l’absurde. C’est par ce mythe, ou plutôt ce mensonge, que l’on va justifier l’aliénation du peuple algérien par ses nouveaux dirigeants formés en Egypte ou aux Moyen-Orient. On minimise et détruit les langues et cultures authentiques, on arabise à tour de bras, on interdit, on sacrifie, on emprisonne et on tue…, au nom d’une macabre unicité nationale. On appelait cela récupération de notre personnalité et lutte contre l’obscurantisme colonial, on nous précipitait ainsi dans le gouffre de « l’obscurantisme » arabo-islamiste, qui, lui, est devenu « hallal », en gommant toute différence. Les Kabyles, alors conscient de cette injustice et de cette entreprise de déracinement historique ont dû subir le courroux des maîtres de cette fausse république algérienne, faussement démocratique et faussement populaire. Tout le territoire algérien et ses régions a subi cette empiètement idéologique sans précédent sans pouvoir résister, comme en Kabylie, à cause sans doute d’une démagogie qui faisait de cette mort planifiée une sorte de revivification. S’il est difficile de se libérer d’un colonialisme de peuplement, l’Algérie en a fait l’expérience, il est encore plus difficile de se libérer d’un colonialisme de la personnalité, car il va falloir lutter contre soi-même, si on arrive miraculeusement à en prendre conscience.

L’Algérie arabe, du fait de l’Islam, après l’Algérie Française, on passe d’une colonisation de territoire à une autre de l’Esprit. C’est très grave. S’ils doivent choisir entre deux colonisations, les Algériens ne sont pas sortis de l’Auberge de l’oppression ; c’est ce que les Kabyles ont compris et que leurs frères Algériens arabophones (qui pratiquent non pas l’Arabe mais l’Algérien, une langue qui s’apparente à l’Arabe, ce qui les induit en erreur), eux, n’ont pas compris. L’algérianité, c’est quoi ? C’est la prise en compte de tous les facteurs historiques, culturels, linguistiques, identitaires et humains de ce vaste territoire. Un territoire que le régime et ses idéologues attitrés et démagogues ont réduit à sa plus simple expression, une nation arabe, imposant un déni au relent colonial à sa véritable personnalité. Ses délateurs ont soumis la belle Algérie aux volontés, aux couleurs et aux diktats du monde dit arabe et des pays du Moyen-Orient. L’Algérie est devenue pour son régime assassin et les sultans du golfe ce que la Palestine est pour Israêl.

Il faut pouvoir méditer tout cela pour comprendre Ferhat Mhenni et non pas condamner, insulter et interdire à cet un homme politique déjà apatride de s’exprimer. Son projet est rejeté en Kabylie qui adhère de toutes ses forces au mouvement national du 22 février, non pas pour libérer une région, mais un pays, l’Algérie.

 

Par Tighilte Md Amokrane

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