L’amour a ses raisons que la diplomatie ignore. Hier encore, Paris et Alger jouaient au couple maudit, unis par un passé trop lourd et des rancunes tenaces. Mais tandis que la France s’obstine à ressasser son roman national, l’Italie, elle, a su murmurer les mots qu’il fallait à l’oreille d’Alger.
Les Italiens ne parlent pas de visas, ils parlent de gaz. Ils ne ressassent pas la mémoire, ils signent des contrats. Pendant que Paris s’étrangle dans ses discours moralisateurs, Rome se faufile dans les bonnes grâces d’Alger à coups d’accords énergétiques et d’investissements stratégiques. Car oui, en géopolitique comme en amour, il faut savoir flatter avant de demander.
Historiquement, l’Italie et l’Algérie ont entretenu des relations relativement neutres, voire amicales, notamment depuis l’époque de la décolonisation. Contrairement à la France, qui n’a jamais vraiment su faire le deuil de son empire, l’Italie n’a jamais eu à gérer un passif aussi pesant avec Alger. Dans les années 1960, Rome a été l’un des premiers partenaires européens à reconnaître l’Algérie indépendante et à nouer des liens économiques solides, notamment dans le domaine des hydrocarbures.
Plus récemment, avec la crise énergétique exacerbée par la guerre en Ukraine, l’Italie a su tirer son épingle du jeu. Alors que la France multipliait les maladresses diplomatiques, entre discours moralisateurs et tensions mémorielles, Giorgia Meloni, présidente du Conseil italien, a mis en place une stratégie pragmatique. En 2022 et 2023, elle a signé une série d’accords avec Alger pour faire de l’Italie le principal hub gazier de l’Europe du Sud, renforçant ainsi la coopération entre les deux pays et marginalisant un peu plus Paris.
C’est ainsi que Giorgia Meloni, loin de la rigidité d’une ex-puissance coloniale, a su s’imposer là où Emmanuel Macron s’est embourbé. Un sourire, quelques poignées de main fermes, et surtout une bonne dose de pragmatisme : l’Italie veut du gaz, l’Algérie veut des partenaires fiables. Qu’à cela ne tienne, les pipelines se rempliront d’hydrocarbures pendant que les diplomates parisiens rempliront leurs discours d’indignations feintes.
Il faut dire que la France a trop longtemps traité l’Algérie comme une province ingrate qui devrait, par reconnaissance éternelle, continuer à s’approvisionner en nostalgie plutôt qu’en perspectives. Mais voilà, le monde a changé. Les hydrocarbures valent plus que les regrets, et la realpolitik finit toujours par dépasser la rhétorique des regrets sélectifs.
Résultat ? Paris boude, Rome encaisse. Pendant que la diplomatie française tente de recoller les morceaux d’une relation fracturée par les malentendus historiques, l’Italie, elle, s’offre une lune de miel algérienne sans complexes ni leçons de morale. Une histoire d’amour qui sent bon le gaz naturel et l’intérêt bien compris.
Pendant que l’Europe grelotte et que Paris tente d’improviser un pas de danse sur un tapis qu’on lui tire sous les pieds, Rome, elle, savoure le confort d’un bon chauffage hivernal. Comme quoi, en diplomatie comme en amour, ce ne sont pas toujours les plus bruyants qui s’en sortent le mieux.
Finalement, l’Histoire ne change jamais vraiment, elle se recycle simplement sous de nouveaux costumes. Comme le disait si bien Talleyrand : « Quand c’est urgent, c’est déjà trop tard. »
Dr A. Boumezrag