Il est fascinant d’observer les contrastes entre la France et l’Algérie. D’un côté, une société où chacun a le droit de tout dire, tout le temps, partout. Débats télévisés qui s’étirent en longueur, polémiques éphémères qui en chassent d’autres, experts autoproclamés qui dissèquent le vide à longueur d’antenne. La parole est libre, débordante, envahissante… mais a-t-elle encore du poids ?
En face, l’Algérie. Un pays où les mots pèsent lourds, trop lourds. Où parler peut coûter cher. Où le silence est souvent la seule stratégie de survie. Les problèmes s’y accumulent comme les dossiers sur un bureau ministériel : économie en panne, jeunesse désabusée, corruption endémique. Mais chut ! Dire les choses, c’est risquer de déranger une machine bien huilée qui ne tolère pas les grains de sable.
En France, on disserte sur tout, mais on agit peu. Les idées fusent, les discours s’enchaînent, les promesses politiques s’accumulent, mais le résultat concret est souvent insignifiant. On préfère le grand spectacle de la controverse aux réformes tangibles. Les « grandes idées » s’entrechoquent dans les salons télévisés, mais sur le terrain, la stagnation demeure.
En Algérie, on agit en silence, mais rarement dans le bon sens. Le système fonctionne en vase clos, insensible aux cris du peuple. L’opposition se réduit à des murmures, vite réprimés. Pendant ce temps, la jeunesse rêve d’exil, fuyant un avenir verrouillé. L’économie repose sur une rente pétrolifère fragile, et les réformes n’existent que sur le papier.
Dans un cas, un trop-plein de mots qui masquent une impuissance chronique. Dans l’autre, un trop-plein de maux qui s’aggravent dans le mutisme. Deux extrêmes, deux façons opposées de traiter la parole et le pouvoir.
Alors, normal ? Peut-être. Ou peut-être que l’anormalité est devenue la norme. Une norme où la parole se dévalue et où le silence devient complice. Une norme où la contestation en France se perd dans le bruit et où, en Algérie, elle s’étouffe avant même d’être formulée.
Et si le véritable enjeu était de redonner un sens aux mots en France et de rendre la parole possible en Algérie ?
« La liberté d’expression en France est un spectacle ; en Algérie, un risque. Mais dans les deux cas, elle ne change pas grand-chose. »
Dr A. Boumezrag