Il fut un temps où la gouvernance était l’art de faire prospérer un pays, d’encourager le talent et de récompenser la compétence. Mais pourquoi s’embarrasser de telles subtilités quand on peut imposer un modèle bien plus confortable : celui de la médiocrité érigée en stratégie d’État ? De Paris à Alger, la formule a fait ses preuves : moins vous êtes capable, plus vous montez en grade. L’incompétence n’est plus un handicap, mais un passe-droit.

Là où l’on attendrait des visionnaires, on trouve des gestionnaires de crise dont la seule stratégie est d’éteindre les incendies qu’ils ont eux-mêmes allumés. En France, la bureaucratie atteint des sommets d’absurdité : des armées de technocrates pondent des réformes que personne ne comprend, pendant que le petit entrepreneur se noie dans la paperasse. L’État réglemente tout, sauf l’efficacité. En Algérie, la lourdeur administrative n’est pas un bug, mais une fonctionnalité : elle sert à entretenir un réseau de privilégiés où chaque signature se monnaie et chaque accès se négocie.

Dans ces pays où l’on parle de « réformes » comme d’un mantra, la réalité est plus simple : il s’agit de gérer le déclin, pas de l’arrêter. En France, on confie l’éducation à des bureaucrates qui n’ont jamais mis les pieds dans une classe. En Algérie, les universités produisent des diplômés que le marché du travail refuse, tandis que les postes clés sont réservés à ceux qui ont le bon nom de famille ou le bon carnet d’adresses.

Pourquoi miser sur l’intelligence collective quand on peut préférer la répartition du butin ? La corruption n’est plus un dérèglement du système, elle en est la colonne vertébrale. En France, elle est subtile, enrobée dans des conflits d’intérêts et des pantouflages bien huilés. En Algérie, elle est brute, massive, et parfois grotesque : des milliards de dollars envolés, des scandales à répétition, et un peuple qui regarde, lassé, l’interminable farce des arrestations-spectacles qui ne mènent à rien.

Le résultat est prévisible : les meilleurs partent. Les cerveaux fuient, l’énergie créatrice se dissout dans l’exil. En France, les entrepreneurs s’exilent à Londres, en Suisse ou à Dubaï. En Algérie, la jeunesse prend la mer, à ses risques et périls, pour échapper à un horizon bouché.

On ne peut pas réparer un système qui repose sur sa propre défaillance. Tant que la médiocrité restera une stratégie payante, elle continuera d’être le carburant de nos institutions. Le problème n’est pas que l’avenir soit incertain, c’est qu’il soit entre les mains de ceux qui n’ont aucun intérêt à le préparer.

Ceux qui osent dénoncer ce système sont soit marginalisés, soit diabolisés. En France, on les traite de populistes, d’extrémistes ou d’irresponsables. En Algérie, ils sont qualifiés de traîtres ou d’agents de l’étranger. La critique est perçue comme une menace existentielle pour un ordre établi qui ne sait survivre qu’en neutralisant toute alternative.

Va-t-on vers une révolte du bon sens ? Un jour viendra où ce modèle ne pourra plus tenir. Le mépris du mérite, la gabegie et l’aveuglement institutionnalisé finiront par provoquer une rupture. Peut-être que, lorsque les derniers rouages rouillés de cette machine s’effondreront, un sursaut s’opérera. En attendant, les incompétents continuent de gouverner, les corrompus s’enrichissent, et les citoyens, eux, subissent.

Une fatalité érigée en modèle ? Reste à savoir combien de temps encore les peuples accepteront de voir leur destin entre les mains de ceux qui n’ont ni vision ni scrupules. Mais peut-être avons-nous tort de nous inquiéter. Après tout, dans un monde où la médiocrité est une garantie de survie politique, l’échec n’est plus une catastrophe, mais une tradition bien ancrée.

« On reconnaît un État en déclin au fait qu’il récompense ceux qui le plombent et décourage ceux qui pourraient le sauver. »

Dr A. Boumezrag

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici