Cevital, entre l’huile et le feu !
Il est à la tête d’un imposant parti. Celui qui ne dit pas son nom. Le parti de l’emploi et de la valeur. Il avance. Il fait peur ! Sa vitesse de croisière devient aussi éloquente que celle de sa croissance. Incontrôlable ! Rebrab se détache de tous les lots. La réussite de Cevital traduit elle l’échec du système ? Ou l’inverse ? Le système a-t-il produit le succès du groupe de Rebrab ?
L’investissement de trop ou la provocation de trop ! Cevital fait grincer bien des dents à Alger. Des dents déjà lancées contre tout ce que le groupe tente de produire. Quitte à l’expulser et à en faire un harrag (clandestin) qui s’en ira planter ses richesses ailleurs.
À l’assaut du monde via la France, celui qui est considéré comme une machine à usines , Issad Rebrab, s’est vu gratifier de tous les honneurs officiels de l’Élysée en prenant le gros risque néanmoins de susciter la colère à Alger en ce sens où le patron de Cevital a malgré tout franchi le pas sur un terrain politique hautement sensible. Celui des relations incomprises entre la France et l’Algérie.
Un segment diplomatique où se mêlent toutes les sensibilités avec cette dose de méfiance et d’arrière-pensées aussi poussées que silencieuses entretenues de part et d’autre. Double réussite pour l’homme d’affaires algérien : économique d’abord et politique ensuite. Une reconnaissance solennelle de la France officielle pour celui qui est pratiquement honni dans son pays par un système qui s’est promis de freiner ses élans et de limiter ses investissements. En Algérie, son propre pays, le patron de Cevital est devenu une menace. Un homme dont les projets sont tenus comme délits, voire des investissements subversifs dont le risque pour certains est de voir grossir en nombre les effectifs employés au sein de Cevital.
L’investissement de trop ou la provocation de trop !
Chiffre d’affaires dépassant les 4 milliards de dollars et surtout plus de 18 employés et un positionnement de 2ème pourvoyeur de fonds du Trésor public , autant d’arguments certifiés qui font de ce conglomérat privé, une puissance économique de premier ordre.
Mais pas seulement. Probablement un potentiel rival politique jouissant d’une popularité qui tend à effrayer d’autant qu’Issad Rebrab a toujours clamé haut et fort sans détour son attachement à demeurer « cet électron libre » qui se refuse à toute couverture ou parrainage en affichant jalousement son indépendance ! Naïveté politique ou erreur de stratégie de communication ? En tous cas ces sorties du patron de Cevital qui brandit son indépendance sont perçues comme un affront par ceux qui détiennent le pouvoir de distribuer les autorisations et autres agréments, par lesquels les élans de développements de tous projets sont verrouillés.
Le système ne s’accommodant point d’hommes d’affaires tentés par l’aventure en solo, loin des commandes politiques, se voit ainsi offrir le mobile suffisamment nécessaire pour déployer sa machine bureaucratique quitte à réduire à néant les plus spectaculaires et les plus brillantes réalisations économiques.
Qu’il s’agisse de Cevital ou de toute autre compagnie. L’exigence de se mettre sous parrainage se doit d’être observée au risque d’être exclu de tout avantage. Qu’il se dise prêt et apte à enrichir la balance des paiements de l’Algérie à coups de milliards de dollars d’exportations et à créer pas moins de 100.milles emplois, Rebrab ne sera que plus traqué. Car plus menaçant. Ce qui relèverait de l’insolite sous d’autres cieux.
L’homme qui a réussi à inscrire le nom de son groupe sur les 4 continents a acquis une notoriété internationale, qui a fait dire au président français « je crois en ce monsieur, car il fait toujours ce qu’il dit ». Une internationalisation susceptible de susciter une adhésion réelle autour des ambitions de Rebrab, fussent-elles politiques. Voire présidentielles ! En a-t-il les moyens ? L’idée d’une candidature l’a-t-elle effleuré un jour, lui qui se déclare souvent étouffé dans ses expansions industrielles ? Serait-il finalement contraint d’opter pour cette voie afin de se libérer de ces blocages ? Jusqu’ici aucun indice ne laisse montrer cette possibilité.
Publiquement et devant micros, le patron de Cevital s’est toujours déclaré apolitique et rejetant toute idée ou ambition présidentielle. Nous lui avons posé la question il y a de cela quelques années, au lendemain du blocage de son projet de Cap Djinet dans la wilaya de Boumerdes où il était démontré par les chiffres un investissement unique en son genre débouchant sur une création de pas moins de cent mille emplois. L’idée avait suscité l’admiration et même l’adhésion de beaucoup de ministres de l’époque dont Abdelhamid Temmar qui était en charge de la promotion des investissements.
Ce dernier s’était dit emballé par le projet dont il reconnaissait la valeur et s’engage en conséquence à le défendre en vue de le faire aboutir. Aucune suite ne sera finalement donnée à ce dossier. Cent mille employés sous la conduite d’un seul homme qui de surcroît est taxé comme opposant, cela donnait matière à réflexion. Le projet devait coiffer 5 wilayas du centre, Alger, Blida, Boumerdes, Bouira et Tizi Ouzou.
Projets interdits et suspicion politique.
De quoi conférer à Rebrab un statut inédit de chef de ….Parti qui serait du jour au lendemain à la tête de la plus grande formation ” politique ” du pays. Cela expliquerait peut-être le rejet de cet investissement qui devait pourtant se réaliser sans aucun concours bancaire.
Il était donc devenu presque évident que l’expansion du groupe Cevital ne pouvait être accueillie sans une dose de suspicion quant à la puissance qu’il allait engranger. En plus de la main mise sur des espaces aussi larges, dans tous les sens, que ceux que procurent les bonnes terres de Boumerdes avec occupation des domaines maritimes qui seraient mis à la disposition de l’homme d’affaires. Et à la clé, une population de potentiels électeurs acquis. Par le pain et la stabilité de l’emploi.
Rebrab nous dira alors que seul comptait pour lui la création de richesse et de l’emploi tout en se disant totalement désintéressé par toute ambition politique, et ce pour rassurer ceux qui se positionnent à ses yeux comme détracteurs. Le complexe de Cap Djinet tombe à l’eau avec tous les rêves qu’il pouvait concrétiser.
Personne n’y pourra rien. Aucun officiel ne se risquait alors à soutenir le méga projet même s’il demeurait séduisant. Tant qu’il n’était pas assorti de la bienveillance des décideurs, il ne devait en aucun cas se réaliser.
Premier coup dur qui fera vraiment mal au groupe Cevital tant l’œuvre grandiose tenait à cœur ses promoteurs.
Quelques années après et surtout à la veille d’une des plus importantes échéances électorales du pays le patron de Cevital s’en ira “occuper” la France et préoccuper en Algérie. Pour quelques dizaines de centaines d’emplois, il se voit gratifié de toutes les attentions des plus hautes autorités françaises.
Un terrain et des structures aménagés pour un euro symbolique et en toute propriété ! Mieux encore Macron repousse son conseil des ministres et s’en va inaugurer le projet de Rebrab ! Une usine cent fois de moindre envergure que celles qu’il projetait chez lui, en Algérie !
Ce qui est reproché à Rebrab
Le déplacement de toute une délégation conduite par le président Macron mérite surtout d’être motivé par cette opportunité offerte de faire passer un message : celui de la confiance et du soutien qu’accorde la France officielle à l’homme d’affaires algérien. Pas seulement homme d’affaires ! Un potentiel homme politique et plus si affinités ! Sinon 1000 emplois dans les Ardennes pour justifier un tel déplacement, ce serait pour le moins un facteur de motivation pas trop solide à mettre en avant.
Macron tenait probablement à conférer à Rebrab un statut dépassant celui de l’opérateur venu investir. Le décor des caméras et des couvertures médiatiques fera le reste pour ouvrir la voie aux non-dits et autres supputations.
Dans ce prolongement, l’atmosphère politique dans la maison Algérie, où toutes les incertitudes sont réunies à la veille des présidentielles notamment avec l’absence flagrante de candidats clairs et assumés, vient se greffer au décor le nom de Rebrab dont beaucoup évoquent les chances de le voir potentiellement partant pour l’aventure. Il serait même capable de réunir autour de lui une adhésion insoupçonnée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.
Sera-t-il tenté ? Pour les pouvoirs publics, le patron de Cevital à qui il est reproché d’abord sa prise de position publique contre le second mandat du président Bouteflika en 2004 est perçu comme un homme qui affiche « de l’ingratitude pour le système qui l’a produit et qui en a fait ce qu’il est aujourd’hui ».
Des voix bien introduites dans les rouages de l’État suggèrent que « Rebrab ne cesse de se plaindre d’être bloqué et victime de machination alors qu’il est le numéro 1 du pays en termes de business » et d’ajouter « comment peut-on devenir le plus grand industriel du pays alors que l’on prétend être ciblé ? ».
Il y a dans les propos de nos interlocuteurs comme une volonté de suggérer l’idée que le patron de Cevital a atteint le sommet, voire la limite autorisée de ce qu’il est convenu de… réussir . Au risque d’aggraver aussi les monopoles. À chacun sa vision.
Abdelkrim Alem