En 1967 en Kabylie des femmes rurales étaient élues à l’occasion des premières elections municipales de l’Algérie indépendante. Hommage à l’une d’elles par la plume affectueuse de notre ami Malek Abbassi
Taqassits, une femme au service d’autrui.Lorsque je l’ai découverte en 1966, elle avait 54 ans. Elle paraissait cependant beaucoup plus âgée. De taille moyenne, frêle, les traits fins, le visage amaigri et pâle était sillonné par des rides profondes.Taqassits de son vrai nom Rezzig Tassadit du petit hameau de wattouf relevant de la commune d’Ath Laqser a la particularité d’être la première femme de l’Algérie indépendante à être élue comme présidente d’APC dans les premières élections locales de 1967.Taqassits était moudjahida et fut donc élue à ce poste sans surprise.Étant analphabète et n’étant certainement pas toute désignée pour occuper cette importante fonction, elle a dû se désister au profit d’un autre moudjahid, Slimane Mezaiti et se contenter d’assister parfois aux réunions du conseil communal.Taqassits a dû perdre son mari très top et vivait alternativement chez sa fille mariée également à un Rezzig, également moudjahid 3amar oumouhand, ou son fils Ramdane de la famille Derbal et qui habite dans une autre localité appelée Ighil Mhella.A ce jour, on l’appelle Ramdane n’Tqassits. Généralement les enfants orphelins sont identifiés par rapport à leurs mères. Et pour Ramdane c’est sans doute un motif de fierté que d’être identifié à cette illustre dame.Sa participation à la gestion des affaires de la cité ne l’ont pas détourné de la mission principale qu’elle s’est assignée dans la vie :aider les autres.Elle faisait régulièrement la navette entre les domiciles de ses deux enfants d’une distance d’environ 2 kilomètres. Entre les deux, Taqassits avait toujours un programme de visite à quelque femme seule, à une autre malade, à telle qui venait d’accoucher etc.Elle avait particulièrement un faible pour ces familles dites thighrivine ou étrangères à Ath Laqser, les enseignants et autres fonctionnaires établis dans la localité par nécessité. Toutes ces familles trouvent en Taqassits une mère douce et protectrice.Pour ce qui nous concerne, les Rezzig en particulier et Ath Laqser en général étaient une vieille connaissance de mon père car ayant mené une partie de la guerre dans cette zone qui est frontalière à notre 3arch.Taqassits ne rentrait jamais les mains vides.Cette vertu ancestrale était toujours de rigueur chez cette dame pieuse et généreuse. Un paquet de biscuit ou de café, un kilo de sucre, quelques oeufs étaient toujours présents dans sa besace.Elle, par contre ne participait au repas ou ne prenait un café que très rarement. Et pour cause ! Elle jeunait presque chaque jour que Dieu fait.Taqassits avait également une appréhension concernant la viande : elle ne mangeait jamais la viande de brebis ni de vache ni de poule. La viande de femelle l’indispose au plus haut degré et lui cause même des convulsions et si vous l’invitez mieux valait s’assurer qu’il s’agit bien d’une viande provenant de l’abattage d’un mâle, chose pas toujours facile à vérifier.Cette abstinence et les kilomètres qu’elles parcourait quotidiennement lui ont donné une silhouette sèche mais alerte d’une ascète.La mère Thérésa Nath Laqser s’en est allée un jour de 1999 à l’âge de 87ans, le cœur léger, la conscience tranquille du devoir accompli.Elle s’est consacrée la vie durant à répondre d’abord à l’appel de la patrie ensuite à apporter joie et réconfort aux personnes seules ou qui sont dans le besoin.Voilà ce que veut dire donner un sens à sa vie.Paix à ton âme ɛamti Taqassits.
Auteur ,Abbassi Malek .