La question du financement des lieux de culte en France, en particulier des mosquées, soulève depuis plusieurs années des débats enflammés. Dans un climat marqué par une montée de l’islamophobie, les subventions accordées à ces lieux de culte deviennent souvent des objets de controverses, cristallisant les tensions autour de la laïcité et de l’influence étrangère dans les affaires religieuses du pays.
La récente polémique autour de la future grande mosquée de Metz, en Moselle, illustre cette problématique.
Les travaux de construction de cette mosquée, d’un coût total de 15,7 millions d’euros et dont la fin est prévue pour la fin de l’année 2025, ont fait l’objet d’une subvention de 490 000 euros accordée par la municipalité en juillet dernier. Mais cette aide publique n’est que la partie émergée de l’iceberg.
En effet, selon des informations révélées par l’Union des familles laïques de Moselle (UFAL 57), la future mosquée aurait aussi reçu un financement d’origine étrangère, notamment un don d’un million d’euros en 2023 du roi du Maroc, Mohammed VI. Ce don, ainsi que d’autres financements venus de pays étrangers, ont suscité des réactions vives, en particulier de la part d’associations laïques qui dénoncent une ingérence étrangère dans les affaires religieuses et une opacité financière inquiétante. L’Union des familles laïques (UFAL) de Moselle indiquait avoir engagé, «depuis plusieurs mois», une procédure devant le tribunal judiciaire de Metz pour contraindre la Grande Mosquée à publier ses documents comptables.
L’UFAL 57 a exprimé son inquiétude face à l’influence que pourrait exercer le Maroc sur ce projet. Le président de l’association, Matthieu Gatipon-Bachette, a interrogé publiquement les raisons du don d’un tel montant de la part d’un État étranger : « Quel est l’intérêt du roi du Maroc de donner un million d’euros à ce projet de mosquée ? », a-t-il déclaré, suggérant que cette somme pourrait modifier la nature indépendante du projet, présenté initialement comme une mosquée « autonome ».
Cette situation a renforcé les soupçons d’une opacité dans la gestion des financements, notamment en raison du fait que la mosquée n’a pas informé la mairie de ce don au moment de la demande de subvention. Selon l’UFAL, cette omission pourrait avoir influencé les débats au sein du conseil municipal et aurait pu amener certains élus à reconsidérer leur position sur l’attribution de l’argent public à ce projet.
Les tensions autour de ce financement ont conduit à une procédure judiciaire visant à annuler la délibération du conseil municipal ayant validé la subvention, soulignant ainsi le climat de méfiance croissant autour des financements étrangers dans le domaine religieux. Le maire de Metz, François Grosdidier (Les Républicains), a cependant défendu cette décision, qualifiant la polémique de « faux procès ».
Selon lui, le don du roi du Maroc ne diffère en rien des dons reçus pour d’autres grands projets, comme la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Il a également précisé qu’il n’était pas responsable de la divulgation des identités des donateurs et qu’il n’avait pas à rendre des comptes sur les financements collectés par les associations religieuses de la ville. Pour sa part, l’UFAL dénonce «l’influence du Maroc» dans ce chantier qui serait contraire aux engagements pris par la Grande Mosquée vis-à-vis de la ville de Metz. Les deux parties auraient signé un bail emphytéotique dans lequel la Mosquée s’engage à «garantir la diversité dans la conduite du projet et dans la composition de son instance gestionnaire».
Le climat islamophobe dans lequel se situe cette polémique ne doit pas être sous-estimé.
En France, les questions liées à l’Islam sont souvent instrumentalisées à des fins politiques, alimentant un discours de stigmatisation des musulmans. La laïcité, qui garantit la séparation des Églises et de l’État, est fréquemment invoquée pour justifier des restrictions et des mises en cause de l’islam. Le financement des mosquées, en particulier lorsqu’il provient de pays étrangers, devient un point de friction majeur, suscitant des accusations d’ingérence, mais aussi une question fondamentale : jusqu’où l’État doit-il intervenir dans le financement des lieux de culte ?
Depuis 1905, la loi de séparation des Églises et de l’État prévoit que l’État ne finance pas les cultes. Toutefois, elle a permis des financements indirects pour l’entretien et la construction de certains lieux de culte, comme les églises, mais jamais pour les mosquées. En conséquence, les mosquées en France sont souvent contraintes de chercher des financements privés, ce qui a parfois conduit à la réception de dons étrangers.
Le financement public est limité à la rénovation ou à l’entretien des bâtiments, ce qui crée une situation complexe pour les mosquées en termes de financement, d’autant plus qu’elles ne bénéficient pas du même soutien que les autres lieux de culte, comme les églises, qui disposent d’une infrastructure établie de longue date.
Les autorités françaises sont confrontées à un dilemme : d’un côté, elles ne veulent pas que les mosquées soient dominées par des intérêts étrangers, mais de l’autre, elles peinent à trouver une solution adéquate pour financer des lieux de culte musulmans dans le respect de la laïcité.
La question de l’influence étrangère est d’autant plus sensible dans un contexte de suspicion croissante à l’égard de l’Islam et de ses pratiquants, exacerbée par les attentats terroristes de ces dernières années. En réponse à ces préoccupations, certaines voix plaident pour une meilleure régulation des financements étrangers et pour la mise en place d’un cadre législatif clair permettant aux mosquées de se financer de manière indépendante et transparente, tout en préservant le principe de laïcité.
La polémique autour de la mosquée de Metz vient rappeler la complexité de la situation des mosquées en France. Alors que le financement extérieur suscite des inquiétudes légitimes, il est également le symptôme d’un système qui ne parvient pas à fournir une solution adéquate aux besoins des communautés musulmanes, tout en maintenant l’équilibre fragile entre la laïcité et la liberté religieuse.
La rédaction