Mohammed Aouli vient de publier chez les éditions Baudelaire «Lalla Fadhma N’Soumer Vae Victis une mémoire outragée, profanée». Il y a de la colère, mais surtout une volonté de replacer les événements et les hommes dans leur place concernant cet épisode de conquête de la Kabylie en 1857.
L’auteur mêle dans ce livre, deux styles d’écriture : le romanesque et le récit. Si Mohammed Aouli a recours aux techniques de l’écriture romanesque c’est pour retisser cette histoire «outragée», triturée surtout par les auteurs français qui avaient, comme à leur habitude, une lecture et une écriture biaisée de notre histoire. Mais pour donner une force et sens à son livre, Mohammed Aouli fait des escapades panégyriques sur l’histoire de la région et sa sociologie. L’auteur a sans doute (et ça se ressent) mis tout son amour pour sa Kabylie natale dans ce livre qui se veut avant tout donc un roman.
Derrière le personnage de Fadhma N’Soumeur, – une femme à la tête de la résistance ? Ce qui emblématique pour son époque et même au-delà -, Mohammed Aouli exalte les valeurs ancestrales de cette région. Il rappelle aux jeunes générations, lui qui a connu la guerre d’indépendance ce qui caractérise le peuple de ces montagnes. Il convoque l’altérité, le sens de l’honneur, le don de la parole, la fierté et surtout l’écosystème social qui irrigue et ordonne la vie des villages et tribus de cette contrée. Mohammed Aouli se permet des pas de côté pour expliquer aux jeunes générations les codes qui régissaient ce pays de montagne. Dans son livre «Gouvernement berbère», paru chez les éditions Barzakh, Hugh Robert revient avec précision sur cette farouche propension des Igawawen à la liberté, voire à la dissidence.
En homme connaisseur de ce monde à part que l’incomparable Mohammed Aouli s’est employé à écrire une autre histoire de cette résistance, pas celle dont nous gavent les auteurs français depuis le XIXe siècle. Un sacré pari ! Sous prétexte d’absence de sources écrites autres que celles produites par les militaires français, de nombreux auteurs se contentent par confort, voire fainéantise, à reproduire cette épopée sous le prisme déformant français. D’où le sous-titre de ce roman : une mémoire outragée, profanée.
Alors Mohammed Aouli a choisi de romancer son histoire, tout en la ponctuant de faits connus. Il y a mis tout son cœur et sa passion des siens. Il y a quelque chose de fièvreux. «Notre guerre n’est pas une offrande sacrificielle pour un dieu anthropomorphe, assoiffé de sang de nos jeunes victimes en quête d’une éventuelle place au paradis, elle est celle des hommes braves qui défendent leur concitoyens d’un périlleux danger, leur honneur et leur territoire», avertit l’auteur.
Yacine K.
Cet article a été publié par le site Le Matin d’Algérie.