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samedi 27 juillet 2024
DébatsLes lobbys et nos parlementaires

Les lobbys et nos parlementaires

Quel impact ont les lobbys sur les décisions de nos parlementaires et sur notre quotidien ? Plusieurs enquêtes usant du « big data » se sont efforcées de mettre ces influences en évidence

Tous les élus devraient déclarer leurs liens d’intérêts.

Sur la transparence du financement des partis.

Les élus doivent déclarer spontanément leur participation dans des conseils d’administration, des associations ou des fondations.

Il est attendu que les parlementaires s’expriment sur les thèmes auxquels ils sont sensibilisés. Mais, il ne doit pas y avoir d’interférence entre les devoirs du député, représentant du peuple, et les intérêts privés. Or, le cadre actuel dans le domaine des droits et devoirs des députés est clairement insuffisant.

Certains conseillers nationaux recourent ainsi généreusement aux motions pour favoriser des activités économiques dans lesquels ils sont impliqués. C’est entre autres le cas de l’agriculteur et de l’industrie.

La perception du contrôle parlementaire. Comment le rendre plus attractif ?

Si l’on se réfère à l’opinion commune, au moins, sur le parlement, on peut se poser légitimement la question de savoir si, le parlement ne fait pas du contrôle sans le savoir. Pour les Algériens, le parlement est d’abord l’institution qui vote la loi, même si, depuis quelque temps, une évidence s’est imposée à leurs yeux, à savoir qu’il n’est plus véritablement cette réalité statistique est souvent avancée.

Les observateurs avisés de la vie politique savent bien évidemment que la réalité n’est pas conforme à ce cliché. Si le gouvernement occupe une place très largement majoritaire dans l’initiative des lois, il ne s’agit pas forcément du meilleur baromètre pour mesurer la capacité législative du parlement. C’est une situation que l’on rencontre dans la plupart des grandes démocraties – y compris réputées plus parlementaires ,et cette observation statistique fait litière d’une réalité, à savoir que les parlementaires influencent beaucoup plus désormais les lois à travers l’exercice du droit d’amendement qu’à travers leur initiative originaire : si la proportion entre les projets et les propositions de loi, par rapport aux lois votées, a été relativement instable  si on analyse l’évolution  au cours des dernières années, c’est le nombre d’amendements déposés et retenus en définitive dans le texte de la loi qui a crû dans des proportions considérables. Certains, mais cela n’est pas tout à fait exact non plus, attribuent volontiers à cet accroissement des amendements la responsabilité directe de ce qu’ils dénoncent par ailleurs, à savoir l’inflation législative.

Une perception qui n’est pas toujours en rapport avec la réalité

La perception du contrôle parlementaire pour sa part est, pour l’instant du moins, très faible. Une étude réalisée à l’attention du président du Sénat, en 2008, et qui montrait l’ampleur que revêtaient désormais les actions de contrôle, concluait notamment à la nécessité de « mettre les résultats à la hauteur des efforts entrepris », notamment à travers une meilleure information [1][1] Rapport au président du Sénat sur « l’examen de la…

Cette faible perception du contrôle parlementaire trouve ses premières causes dans deux présupposés : le premier est que le pouvoir législatif disposerait d’une autonomie insuffisante par rapport à l’exécutif, du fait du système de la Ve République qui veut que la majorité parlementaire ait peu de liberté pour contrôler le gouvernement – en supposant qu’elle le souhaite – et que l’opposition est insuffisamment associée au système de décision. On trouve des traces de cet état d’esprit dans un rapport pourtant très favorable au parlement, celui de la commission présidée par M. Édouard Balladur.

Le deuxième présupposé est de nature historique et marquée par la portée singulière que l’histoire constitutionnelle française a attribuée au mot « contrôle ». Pour les Français, et même pour la doctrine, le contrôle parlementaire se résumerait principalement dans la capacité du parlement à mettre en cause la responsabilité du gouvernement.

Il s’agit bien entendu d’une réalité qui ne tient pas compte de l’introduction en France d’un système global de stabilité gouvernementale qui permet à notre pays d’obtenir, beaucoup par la Constitution et par la loi, un peu par les mœurs, ce que les autres pays obtiennent plus naturellement par un système bipartisan stable.

Cette notion imprègne tellement les esprits qu’elle vient d’être reprise par le Conseil constitutionnel lui-même dans sa décision sur le règlement de l’Assemblée nationale destinée à tirer les conséquences de l’entrée en vigueur de la révision constitutionnelle.

Le contrôle ne peut désigner que la mise en œuvre de l’article 49 de la Constitution. Toutes les autres procédures, dès lors qu’elles ne débouchent pas sur une sanction, doivent être considérées comme mettant en œuvre un pouvoir d’information du parlement et non pas de contrôle.

Si l’on peut comprendre qu’un certain purisme juridique et la crainte de voir réapparaître des procédures informelles de mise en cause de la responsabilité gouvernementale, tel qu’elles ont pu apparaître dans les républiques antérieures, et en particulier la IVe, puissent justifier de telles prises de position, elles ne sauraient être considérées comme résumant ce qu’est le contrôle parlementaire aujourd’hui.

Ce contrôle parlementaire est en fait beaucoup plus large et multiforme, et c’est ce qui constitue une première difficulté pour son appréhension. Si l’on devait se risquer à une définition, on pourrait le désigner comme « l’ensemble des moyens, juridiques ou non, mis en œuvre par les assemblées pour amener le gouvernement à s’expliquer sur les choix qu’il propose, l’adéquation des moyens affectés aux fins qu’il dit poursuivre, le mode d’emploi des fonds qui lui sont accordés par les assemblées, l’examen du fonctionnement des services publics qu’il dirige, les anomalies ou les dysfonctionnements dont ils peuvent être le théâtre et qui justifieraient des investigations particulières, les conditions dans lesquelles il met en œuvre la législation ».

Les modalités du contrôle

Derrière cette énumération, elle-même incomplète, peuvent ainsi être identifiés au moins cinq types de processus d’information qui conduisent, en fait, même en l’absence de sanctions juridiques, à un contrôle de l’action gouvernementale :

  • Le questionnement et les débats ;
  • L’analyse des projets de loi ;
  • Le contrôle budgétaire a posteriori ;
  • Les commissions d’enquête et les missions d’information ;
  • Le contrôle de l’application des lois.

Si le questionnement, qui peut sembler le moyen le plus naturel, paraît parfois se résoudre soit à la mise en exergue d’intérêts principalement locaux ou sectoriels (questions orales), soit à une forme d’échanges à la théâtralité avérée et parfois appréciée (questions au gouvernement), il constitue en fait un remède contre l’engourdissement de l’action gouvernementale au quotidien. Il pèse sur l’agenda des ministres et surtout sur le plan de charge de leurs collaborateurs. C’est à partir du processus de questionnement que se sont développées les multiples formes de débat qui émaillent désormais l’ordre du jour des assemblées et remplissent prioritairement la nouvelle semaine consacrée au contrôle.

L’analyse même des projets de loi, notamment de finances ou de financement de la Sécurité sociale, et les nombreuses auditions auxquelles elles donnent lieu, en attendant une véritable utilisation des études d’impact désormais obligatoires, constituent des sources inestimables d’information et autant d’obligations d’explication, souvent de véritables « tests » pour les membres du gouvernement. La désinvolture y est impitoyablement dénoncée, au point que la partie parlementaire de la vie ministérielle a crû de manière inversement proportionnelle à la perception que l’opinion peut en avoir : l’idée qu’un ministre pourrait ne pas déférer à la convocation d’un président de commission est devenue aujourd’hui quasi impensable.

Le contrôle budgétaire, qui s’appuie sur les pouvoirs propres des rapporteurs spéciaux des commissions des finances « sur pièces et sur place », sert de point d’appui à un contrôle d’exécution tout au long de l’année : le nombre de rapports ne cesse d’augmenter ; le contenu en devient de plus en plus technique et « pointu » ; il donne naissance à un dialogue fructueux avec la Cour des comptes et sert de cadre à des actions souvent partagées désormais entre majorité et opposition.

Organe emblématique et symbolique, la commission d’enquête ne représente plus l’arme ultime dont pouvaient rêver les parlementaires au moment de la mise en œuvre de la Ve République. Il est parfois tout aussi facile, sauf circonstance exceptionnelle, d’obtenir les renseignements demandés ou de dénoncer des abus par des voies moins solennelles, telles que les protéiformes missions d’information.

Le contrôle de l’application des lois enfin est une des voies sans doute les plus prometteuses pour peu qu’il devienne « une seconde nature » de l’action des commissions parlementaires ou des organes ad hoc que les assemblées pourraient mettre en place : il peut être statistique (vérification des suites réglementaires données aux dispositions législatives), qualitatif (pertinence et fidélité à l’intention des dispositions votées), ponctuel (coup de projecteur sur tel ou tel domaine), évaluatif (en attendant qu’un contenu concret et une méthodologie soient associés à la compétence constitutionnelle nouvelle d’« évaluation des politiques publiques »), rétroactif par l’impact qu’il peut avoir à son tour sur la qualité, l’adéquation aux besoins constatés et la rénovation de la législation.

Le contrôle est ainsi à son tour un moment reconnu dans le processus circulaire qui sous-tend le dialogue entre les législateurs et la société qui les a mandatés.

Décrire les différents processus de contrôle, même sommairement, donne en soi une explication majeure de la difficulté à le rendre perceptible par l’opinion : en fait de fonction parlementaire majeure, il s’agit d’un processus diffus et continu, qui n’emprunte pas le mode univoque et solennel de la législation.

Une fonction de contrôle plus concrète et plus visible

La question posée par l’affirmation constitutionnelle de la fonction parlementaire de contrôle est moins celle de son institution que la recherche des moyens nécessaires pour la rendre plus consciente pour les parlementaires, plus concrète et plus visible par nos concitoyens.

Dans un tel contexte, la révision constitutionnelle doit donc être remise à sa juste place : plutôt que de créer une nouvelle fonction, elle consacre une évolution qui n’est due qu’à la détermination des parlementaires eux-mêmes, majorité comme opposition.

Elle apporte cependant à l’exercice de cette fonction un certain nombre d’éclairages et de moyens qui peuvent aider à sa perception et qui doivent donc être pleinement inclus désormais dans la stratégie que chaque assemblée sera amenée à définir par les voies qu’elle choisira en toute autonomie.

La reconnaissance constitutionnelle d’une fonction de contrôle est en soi de nature à attirer l’attention sur son exercice ; elle l’est d’autant plus que la nouvelle rédaction de l’article 48 de la Constitution, en décidant qu’une semaine parlementaire sur quatre devrait être « réservée par priorité et dans l’ordre fixé par chaque assemblée au contrôle de l’action du gouvernement », constitue une invitation à porter au niveau de la séance publique des actions qui jusque-là y trouvaient peu de place.

La révision constitutionnelle introduit également dans le débat une notion nouvelle, en tout cas, à un tel niveau, celle d’évaluation des politiques publiques. Elle intervient ainsi dans un champ qui était très peu exploré, sauf, mais de manière balbutiante, au niveau de l’exécutif, et elle invite le parlement à définir le contenu de cette notion d’évaluation par rapport à la notion de contrôle elle-même. L’évaluation est-elle un visage du contrôle, est-elle une démarche différente et complémentaire ? Comment l’un et l’autre peuvent-ils s’articuler ?

À ce stade, aucune réponse certaine n’a encore été donnée. Le mot évaluation existait dans certaines lois, notamment celles qui avaient créé « les offices d’évaluation », dans les intitulés de certains services des assemblées parlementaires, mais sa liaison avec le contrôle était demeurée floue.

La révision oblige à poser la question au fond et à esquisser une distinction, d’ailleurs redoutable, si l’on prend en compte le rythme si particulier du temps parlementaire. Le contrôle est une notion politique et englobante qui renvoie à l’idée de sanction ou, au minimum, de fonction critique de l’action gouvernementale et administrative, laquelle implique souvent une réactivité à l’actualité.

L’évaluation évoque un temps plus long et appelle une méthodologie s’appuyant sur une forme d’expertise. C’est d’ailleurs ce que l’Assemblée nationale a bien compris puisqu’elle a considéré comme nécessaire de créer une nouvelle instance dite « comité d’évaluation et de contrôle » (cec), appelée à soutenir l’action des instances classiques telles que les commissions permanentes. Dans un domaine qui paraît éloigné de celui du contrôle, puisqu’il s’agit de la législation, la révision met également un nouvel outil entre les mains de la conférence des présidents, désormais constitutionnalisée : celle-ci reçoit la capacité de s’opposer à l’inscription d’un projet de loi dont l’étude d’impact lui paraîtrait insuffisante.

L’évaluation de la pertinence de l’étude d’impact est donc un champ nouveau susceptible de donner un premier contenu à l’évaluation parlementaire, c’est du reste également l’une des vocations affirmées du nouveau cec à l’Assemblée nationale.

Ces deux missions nouvelles de contrôle et d’évaluation du parlement ont également conduit les assemblées à veiller davantage à la lisibilité de leurs organes internes.

L’importance des commissions permanentes s’est trouvée confortée par la révision qui n’a que peu affecté leur nombre et a maintenu ce que certains appellent un « modèle français » d’élaboration de la loi. Toutes les tentatives qui auraient pu apparaître comme un dessaisissement de la capacité politique, non seulement de préparation de la loi, mais de contrôle des commissions permanentes, ont été écartées. Le cec n’est compétent, à l’Assemblée nationale, que pour les études dépassant la compétence d’une seule commission. Une tentative pour mettre en place au Sénat une structure de simple appui aux actions d’études et de contrôle par anticipation par rapport à la révision n’a pas abouti.

En revanche, les deux assemblées se sont accordées – fait digne d’être souligné – pour réduire le nombre des délégations créées par des lois successives et sans plan d’ensemble pour accroître leurs moyens d’information dans tel ou tel domaine particulier. Celles-ci sont désormais réduites à deux à l’Assemblée nationale (l’Office commun aux deux assemblées d’évaluation scientifique et technique et la Délégation aux droits des femmes, qui a son équivalent au Sénat) et à quatre au Palais du Luxembourg par la transformation de l’ancienne Délégation à la planification en Délégation à la prospective et de l’ancien Observatoire à la décentralisation, qui avait eu des difficultés à s’affirmer, en Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La révision a donc eu pour premier effet d’affirmer le caractère politique du contrôle et à en rendre plus lisibles les objectifs.

Le deuxième élément permettant d’accroître la perception de cette nouvelle compétence désormais consacrée est la prise de conscience de la nécessité d’une réflexion globale au sein de chaque assemblée susceptible, sinon de définir une stratégie collective de contrôle, au moins d’en esquisser les principaux axes.

L’Assemblée nationale a créé le cec qui peut y contribuer, le Sénat a mis l’accent, sans pour autant l’inscrire dans un texte, sur les possibilités de dialogue interne à sa conférence des présidents.

Les assemblées entendent ainsi remédier à l’une des difficultés principales pour bien faire connaître les actions de contrôle : le caractère pragmatique et diffus avec lequel les moyens et les formes nécessaires ont été définis. Chaque structure concevait son programme de façon autonome et il n’était pas rare que les auditions de telle mission d’information interne à une commission coïncident avec les travaux d’un groupe d’étude ou d’un rapporteur dans un autre, sans parler d’initiatives parallèles aux deux assemblées. Cette coïncidence est souvent apparue notamment entre les réflexions des rapporteurs spéciaux de la commission des finances et celles des rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances des autres commissions.

De la même manière, le rythme de parution des rapports ne faisait pas à proprement parler l’objet d’une programmation, et il était fréquent que toutes les structures de réflexion d’études ou de contrôle débouchent pratiquement au même moment, c’est-à-dire, à la fin de la session, aux environs du mois de juin. L’impact médiatique de chaque action s’en trouvait donc nécessairement réduit.

Une troisième question qui pouvait nuire à la perception du contrôle était sans doute aussi sa véritable absence de positionnement politique. On peut penser, en première analyse, qu’il est difficile à la majorité d’exercer la fonction de contrôle, et plus difficile à l’opposition de contribuer à l’action législative. Cette distinction est souvent faite et elle conduit la plupart du temps à penser que le contrôle est plutôt compatible avec la position d’opposant qu’avec la position de soutien du gouvernement.

Outre que cette conception repose davantage sur l’analyse du système parlementaire majoritaire tel qu’il fonctionne à l’Assemblée nationale, elle sous-estime deux autres réalités : la première est que le travail législatif, dans la phase intracommission avant la révision constitutionnelle, pouvait être le moment d’échanges très approfondis auxquels pouvaient contribuer aussi bien des membres de la majorité que de l’opposition. La seconde, comme il avait été possible de le constater à l’occasion de plusieurs travaux de contrôle, voire d’enquête, est que la nature du travail de contrôle se prêtait plus à une coopération entre personnalités de la majorité et de l’opposition que le travail législatif. C’est en matière de contrôle en effet que se sont constitué progressivement des « couples » de rapporteurs ou des « couples » président-rapporteur appartenant l’un à la majorité, l’autre à l’opposition. Le principe en est désormais consacré dans les règlements des deux assemblées. Cela est particulièrement net pour la composition des bureaux des commissions d’enquête elles aussi constitutionnalisées.

Cette reconnaissance du rôle de l’opposition au niveau de chaque instance est également évidente depuis l’instauration de droits spécifiques au profit des groupes d’opposition et minoritaires. L’existence d’un droit de tirage pour la création d’une instance temporaire de contrôle est désormais un des exemples de ces nouveaux droits (même si l’on doit, là encore, noter une différence entre l’Assemblée nationale et le Sénat).

Une fois ces questions de principe résolues ou au moins « mises sur la table », reste l’adaptation des procédures.

L’adaptation des procédures

Le contrôle parlementaire a souffert d’un défaut d’appréhension globale et d’une séparation excessivement étanche entre le rituel de la séance publique et le travail des commissions.

On ne peut nier que la procédure de questionnement en séance publique en fait partie, mais sa portée est fort différente du travail d’information et d’investigation réalisé au niveau de groupes plus restreints que sont les commissions permanentes ou non ou les divers organismes ad hoc créés par les assemblées ou les commissions permanentes elles-mêmes.

La révision constitutionnelle et la pratique invitent les assemblées à supprimer les solutions de continuité entre les deux exercices. Le contrôle qui se résume à la publication d’un rapport d’information, fût-il excellent, ne remplit pas totalement son but qui est de mettre à la disposition du public des éléments nouveaux d’information et de réflexion sur le fonctionnement de l’État en général.

Cette mise à disposition doit emprunter de manière organisée et systématique les différents canaux susceptibles d’atteindre le citoyen. Les assemblées ont su pour cela s’adapter à la nouvelle importance prise par les médias en se dotant d’outils qui se comparent avantageusement à ceux qui peuvent exister au niveau du secteur public et du secteur privé : relations de presse, divers processus d’éditorialisation pour rendre la matière parlementaire plus accessible, site Internet en perpétuelle évolution, chaînes parlementaires. Aux vidéos à la demande, blogs, forums ou autres opérations de « marketing civique » va s’ajouter la pénétration sur ce que l’on appelle les « grands réseaux sociaux ».

Le processus constitutionnel du contrôle ne peut cependant trouver sa pleine signification – et en ce sens le Conseil constitutionnel a raison – que s’il est conçu de manière à obtenir des effets tant politiques (explications) qu’administratifs (réformation des dysfonctionnements), voire législatifs (adaptation des textes en vigueur).

Dans ce contexte, le passage en séance publique auquel invite la révision constitutionnelle peut être porteur d’un profond changement dans les méthodes que les assemblées peuvent appliquer à ce type d’actions. Faire déboucher les travaux d’investigation en séance publique est un véritable défi, porteur très certainement de changements d’habitudes dans la pratique du débat parlementaire.

Le questionnement proprement dit doit s’adapter aux nouvelles habitudes générées par le développement de la société médiatique sans pour autant en partager les excès. L’histoire des assemblées sous la Ve République n’est d’ailleurs qu’une longue suite de recherche des formules les plus adaptées pour rendre le débat avec le gouvernement intéressant et compréhensible pour le téléspectateur ou l’internaute.

Les questions au gouvernement ne sont à cet égard qu’une étape. L’année 2009 a vu la naissance au Sénat et à l’Assemblée nationale d’un nouveau type de questionnement, celui des questions cribles sur un sujet déterminé (questions cribles thématiques). Fondé sur un échange plus rapide encore que les questions au gouvernement, et moins spectaculaire, il offre la possibilité d’une réplique au ministre.

Le processus de contrôle continu implique que les auteurs du travail d’investigation aient constamment présentes à l’esprit les suites concrètes susceptibles d’être données à leurs découvertes et à leurs réflexions.

L’action d’investigation devrait donc désormais, de façon quasi systématique, trouver un débouché en séance publique, soit pour préciser les conclusions à travers le dialogue non seulement avec le gouvernement, mais aussi avec les parlementaires qui n’ont pas participé à ces travaux, soit pour contraindre le gouvernement à s’expliquer devant la représentation nationale sur les constatations qui ont pu être faites.

La troisième piste peut consister dans un contrôle d’un nouveau type s’inspirant des anciennes questions orales avec débat, qui ont connu des fortunes diverses (elles avaient même un temps été supprimées à l’Assemblée nationale), et qui permettent de faire venir à l’ordre du jour un sujet sur un domaine particulier plus ou moins lié à l’actualité immédiate, sans qu’il soit nécessaire pour autant de mener de longues investigations préalables. C’est une des voies qu’ont suivie les assemblées depuis la révision constitutionnelle, et en tout cas le Sénat, et qui constitue un moyen commode de permettre à l’opposition d’inscrire un sujet portant sur un domaine de son choix à l’ordre du jour et de provoquer le débat (débat d’origine sénatoriale). L’expérience récente a d’ailleurs montré que, à travers ce type de démarche, il est possible, à partir d’un phénomène d’opinion ou d’un fait précis, de commencer à structurer une réaction collective, de faire apparaître la réalité et la complexité des problèmes posés et d’amorcer une régulation susceptible de déboucher au niveau législatif (garde à vue, service civique, protection de la vie privée, etc.). Au lieu d’attendre la réalisation des promesses gouvernementales quant au dépôt d’un futur projet de loi, ou une simple réaction des ministres compétents, cette nouvelle attitude d’esprit peut permettre aux parlementaires de prendre l’initiative au plus près du moment où la question se pose et/ou l’opinion publique réclame des explications ou des mesures. Le parlement peut ainsi acquérir le choix du moment et le choix des armes.

On peut espérer aussi que ces débats d’immédiateté puissent constituer des moyens de trouver d’autres voies que le simple dépôt d’un texte législatif qui, passé le moment d’annonce, viendra compléter les dispositions législatives inappliquées ou compliquer l’application des législations existantes.

Le parlement, vrai relais des préoccupations des citoyens

Ainsi la fenêtre de la semaine de contrôle peut-elle insensiblement transformer profondément les relations entre le parlement et le processus gouvernemental et faire du parlement ce que les citoyens souhaitent, à savoir un véritable relais de leurs préoccupations. Dans ce contexte, il y a fort à parier que les divergences entre la majorité et l’opposition pourront apparaître plus difficiles à structurer dans la mesure où les parlementaires, quelles que soient leurs appartenances, ne peuvent être insensibles aux mouvements ou autres faits d’opinion.

Une autre question très importante, qui se trouve posée par la mise en exergue de cette action de contrôle, est le sacro-saint partage entre le débat en séance publique et en commission. Les commentateurs de la révision ont eu un peu trop tendance à considérer qu’elle devait fondamentalement changer le rapport entre le temps de la commission et le temps de la séance publique. Les évolutions à cet égard seront, à l’évidence, longues à se manifester, et ce d’autant plus que le texte positif issu de la révision constitutionnelle ne l’annonce pas : s’il n’exclut pas la possibilité de légiférer en commission, il n’en fait nullement la norme. Donner à la commission la responsabilité d’élaborer le texte ne signifie pas qu’elle l’adopte définitivement. Le passage en séance publique garde, notamment pour l’opposition, toute sa valeur. Le bruit médiatique y est, malgré ses imperfections, supérieur. Il ne peut en aller autrement que si les règles de publicité des débats en commission sont adaptées tout en conservant le rôle de « creuset » de la position parlementaire que celle-ci doit demeurer.

En ce qui concerne le contrôle, il peut en aller, sans doute, différemment. Quels que soient les efforts faits, en effet, pour adapter le processus de contrôle aux contraintes de la séance publique, il est probable qu’il ne sera pas possible d’occuper les semaines de contrôle par des débats successifs, même sur des modes divers, tout au long de la session parlementaire. Il convient donc de rechercher un cadre d’expression qui autorise plus de souplesse tout en assurant la publicité nécessaire.

À cet égard, les assemblées ont sans doute à convaincre le gouvernement que le fait de ne pas multiplier les séances durant les semaines réservées prioritairement au contrôle ne signifie pas que l’hémicycle soit disponible pour les actions gouvernementales. Dans cet espace qui leur est réservé, les parlementaires doivent être libres de choisir la manière dont ils l’occupent : ce peut être en séance publique dans les hémicycles traditionnels, ce peut être aussi en séance publique dans des enceintes plus restreintes, plus adaptées à des procédures d’investigation, aux échanges de vues interactifs, aux tables rondes. Une fois l’espace de l’hémicycle sanctuarisé, l’actualité de la semaine peut être réservée à des travaux de commissions temporaires ou non, élargie aux parlementaires qui le souhaitent et susceptible d’être l’occasion de rencontres, non seulement avec le gouvernement, mais aussi avec les organisations ou associations représentatives de tel ou tel secteur, et – pourquoi pas – le public.

Le temps du contrôle pour le compte du citoyen, à qui il prête ses moyens et ses armes, peut aussi être le temps de l’écoute du citoyen, voire de sa participation, les trois étant, dans une démocratie majeure, difficilement dissociables.

Le fait de pouvoir disposer une semaine par mois d’un temps de contrôle va aussi nécessairement entraîner les assemblées à revoir le calendrier de leurs actions à cet égard.

Historiquement né de la nécessité pour le souverain de s’assurer du consentement de son ou ses peuples à l’impôt, le contrôle s’est niché et greffé autour du projet de loi de finances. Celui-ci constituait la seule fenêtre susceptible d’obliger le gouvernement à « rendre compte ». Il a servi de point d’appui à des débats multiples, mais qui, par leur caractère répétitif, ont perdu progressivement de leur efficacité. Désormais, plus de nécessité absolue de concentrer ces questionnements sur la période budgétaire financière ou sociale. On devine les immenses innovations qui deviennent possibles, surtout si l’on veut bien prendre en considération le fait que, par ailleurs, les relations entre les parlements nationaux et le processus d’élaboration des normes au niveau européen peuvent fournir des occasions permanentes d’expliciter et de porter à la connaissance du public les enjeux d’une législation commune à la fois surestimée et sous-estimée, car très largement encore ignorée.

En résumé, le champ du contrôle est aujourd’hui un champ d’innovation et d’expérimentation de nouvelles techniques de fonctionnement du parlement. Il est ainsi une invitation à une réflexion des assemblées sur elles-mêmes et sur les meilleures voies de leur propre efficacité. Elles sont donc invitées à imaginer de manière nécessairement collective en leur sein de véritables programmes annuels de contrôle, surtout si elles veulent pleinement bénéficier des ressources que la Constitution leur confirme à travers la consécration du rôle de la Cour des comptes et les réflexions en cours sur la constitution d’un grand organisme national d’audit.

Cette programmation implique aussi de prendre acte d’une différence de nature entre ce que l’on pourrait appeler le contrôle d’investigation long et le contrôle de réaction ou d’actualité. Le premier est le seul à pouvoir vraiment s’inscrire, au moins en partie, dans le cadre d’une évaluation, car il appelle une programmation discutée très en amont de manière collective. Le second participe davantage de l’essence de la vie politique et il doit pouvoir bénéficier d’espaces largement ouverts dans lesquels, en particulier l’opposition, les groupes minoritaires, mais aussi la majorité, peuvent trouver matière à s’exprimer. Le risque, pour le gouvernement, du contrôle parlementaire a en effet changé de nature. Il ne court plus, contrairement aux craintes implicites du Conseil constitutionnel, celui d’être renversé sur un vote de rencontre ou d’inadvertance. Le risque peut devenir une chance : celle d’apprendre du parlement tel ou tel dysfonctionnement de sa propre administration et de bénéficier de l’information parlementaire pour mieux exercer encore la fonction qui lui a été confiée à travers les élections.

L’épanouissement de la fonction de contrôle et d’évaluation se situe donc désormais dans un contexte fondamentalement différent de celui dans lequel elle a été conçue traditionnellement en France. Elle ne se résout pas à on ne sait quelle bataille entre le législatif et l’exécutif ni même l’opposition et la majorité. Elle est le lieu et le moment où les pouvoirs publics constitutionnels, en général, marquent leur capacité d’écoute par rapport à leurs mandants et inventent ensemble la pratique politique susceptible de rapprocher l’action de l’État et la demande de ceux qu’il administre.

Notes

Rapport au président du Sénat sur « l’examen de la fonction de contrôle au Sénat et les moyens de sa valorisation » par Gérard Miquel, questeur du Sénat, assisté de Georges-Éric Touchard, directeur du secrétariat général de la présidence.

Résumé

Français

En attribuant explicitement aux assemblées parlementaires le contrôle du gouvernement, la révision constitutionnelle consacre une évolution des procédures de contrôle développées à la seule initiative des parlementaires eux-mêmes. Elle les incite à des évolutions sensibles dans plusieurs directions : une réflexion interne collective sur la signification de cette fonction, son articulation avec celle d’évaluation des politiques publiques, la nécessaire programmation des actions auxquelles elle donne lieu, son affirmation comme compétence commune à l’opposition et à la majorité. Elle les invite aussi à en repenser les procédures pour les adapter au débat public, réduire la distance entre séance publique et commission, et se préoccuper de sa lisibilité et de son efficacité. En affirmant cette fonction, la révision oblige les assemblées à faire preuve d’imagination et à procéder à une transformation radicale de leurs pratiques : temps pour le compte du citoyen, à qui il prête ses moyens et ses armes, le temps du contrôle doit devenir celui de l’écoute du citoyen, voire de sa participation.

Samir Aboun

 

 

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