On appelait la région l’« Arabie Heureuse », l’Arabia Felix des Romains. Aujourd’hui, le Yémen est synonyme de malheur, de dévastation et de mort. Une tragédie s’y joue à huis clos, ou presque. Car si les conflits syrien et irakien attirent l’attention des Chancelleries comme celle des médias, le drame yéménite se déroule dans l’indifférence générale. Hors des radars.
Les images manquent, mais les chiffres disent le drame à leur froide manière. Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont déjà trouvé la mort et l’on compte 3 millions de déplacés. Les victimes des conséquences indirectes des combats qu’il s’agisse de mal- nutrition ou de maladies sont légion. Selon une ONG, plus de 85 000 enfants seraient déjà morts dans le sillage des armes.
Cette guerre semble oubliée, pour deux raisons. L’extrême difficulté pour les journalistes de la couvrir, d’abord. Un reporter du Figaro a toutefois pu s’y rendre en juin, rapportant un témoignage poignant. Sa moindre importance « stratégique », ensuite. Pourtant, le conflit yéménite n’a rien de périphérique. S’y affrontent les deux grands rivaux du Moyen-Orient, l’Arabie saoudite et l’Iran. Un choc majeur, entre le pays phare du monde sunnite et le champion de l’islam chiite.
Y aura-t-il un effet Khashoggi ? Le macabre dépeçage du journaliste saoudien à Istanbul a mis Riyad sous pression. Sans lâcher son allié MBS, l’Administration Trump l’a sommé de calmer ses ardeurs guerrières et de chercher une sortie au conflit yéménite. Tout en sermonnant durement les rebelles houthistes soutenus par Téhéran, qui reste la bête noire de Washington. Les Européens ont aussi haussé le ton. Des pourparlers doivent s’ouvrir la semaine prochaine en Suède. Les belligérants semblent réaliser la difficulté d’une solution militaire. Mais la confiance manque terriblement. Si cette deuxième tentative de négociation échoue, la guerre risque de reprendre de plus belle. Et l’ombre recouvrira de nouveau le Sud meurtri de la péninsule arabique.
Arnaud de La Grange
Source : Le Figaro