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dimanche 23 mars 2025
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L’Algérie face à l’ombre de Washington et Moscou : un choix risqué

L’histoire des relations internationales se caractérise par des dynamiques mouvantes, où les puissances mondiales, selon leurs intérêts, orientent leur diplomatie avec des gestes parfois rapides, parfois réfléchis. Donald Trump, de retour à la Maison Blanche début 2025, semble plus que jamais fidèle à son slogan « America First », dans lequel les décisions rapides et unilatérales sont privilégiées.

Cependant, dans un monde géopolitique de plus en plus complexe, il se pourrait bien que l’Algérie devienne un enjeu indispensable pour la nouvelle politique américaine dans la région… ou du moins, une pièce de choix dans un jeu d’échecs diplomatique global. Nous sommes donc à la veille d’importants bouleversements.

L’Algérie : entre géopolitique et pragmatisme

Historiquement, l’Algérie n’a jamais été au centre des préoccupations de Washington. Son positionnement géographique, entre une Europe frileuse et un Moyen-Orient déstabilisé, a conduit les États-Unis à lui préférer d’autres partenaires dans la région. D’abord le Maroc pour lequel Trump a promis d’installer un consulat à Dakhla, au coeur du territoire du Sahara occidental disputé avec le Front Polisario soutenu par l’Algérie.

Ensuite, il y a l’Arabie saoudite, Israël, ou encore la Turquie étaient les priorités de la politique étrangère américaine, tandis que l’Algérie était reléguée à un rôle secondaire. Cependant, les dynamiques mondiales ont changé, et l’Algérie est désormais appelée à jouer un rôle plus stratégique, notamment en raison de ses ressources énergétiques et de son positionnement face à la montée en puissance de puissances alternatives comme la Russie et la Chine.

Pourquoi l’Algérie devient-elle un enjeu en 2025 ?

D’abord, la question énergétique. L’Europe, dépendante du gaz russe, cherche activement à diversifier ses sources d’approvisionnement après les crises liées à la guerre en Ukraine. L’Algérie, riche en hydrocarbures, émerge alors comme un fournisseur de choix. Elle pourrait être une alternative proche du Vieux Continent, même si ses réserves restent limitées. Washington, conscient des enjeux énergétiques mondiaux, pourrait décider d’intensifier ses relations avec Alger. Et l’exploitation du gaz de schiste, énergie soutenue par Trump, par les majors américains, pourrait se voir renforcée.

Et en la matière, le contrôle des flux énergétiques européens devient une clé majeure pour les États-Unis, et dans ce contexte, l’Algérie pourrait être vue comme un partenaire stratégique.

Ensuite, il y a la question de l’influence russe et chinoise. Ces dernières années, l’Algérie a encore renforcé ses liens avec la Russie, avec des achats dans le domaine militaire, tout en développant des relations économiques avec la Chine. Les sociétés de ce pays occupent un place de choix en Algérie. La montée en puissance de ces alliances alternatives pourrait sonner comme un avertissement pour Washington. Trump, adepte de la stratégie du « deal », pourrait alors vouloir jouer la carte algérienne en proposant un accord qui viendrait affaiblir l’influence de Moscou et de Pékin en Afrique du Nord. Ce « deal » pourrait prendre la forme d’investissements massifs, de projets communs ou de soutien diplomatique sur la question du Sahara occidental, un dossier épineux dans lequel les États-Unis pourraient marquer des points.

Un plat difficile à digérer pour Washington

Cependant, l’Algérie n’est pas un acteur géopolitique que l’on peut apprivoiser à la va-vite. Son histoire, marquée par une lutte d’indépendance violente et une aversion pour toute ingérence étrangère, lui confère une indépendance farouche. Cette méfiance envers les puissances extérieures, qu’elles soient occidentales ou autres, complique toute tentative de rapprochement rapide. Les Algériens, bien conscients de leurs atouts stratégiques, n’accepteront pas de devenir un simple pion dans le jeu de Washington.

De plus, la question de la France ne peut être ignorée. La relation franco-algérienne, déjà tendue par l’histoire coloniale, reste sensible. Le président Macron, cherchant à maintenir un équilibre délicat avec Alger, verrait d’un mauvais œil une ingérence américaine trop marquée. Une alliance trop proche entre l’Algérie et les États-Unis risquerait de fragiliser encore davantage les relations avec la France, un partenaire essentiel dans la région. D’un point de vue diplomatique, une « americanisation » de l’Algérie pourrait nuire aux intérêts de Paris, créant des tensions supplémentaires.

Le temps long de la diplomatie algérienne

L’Algérie, dans sa vision du monde, n’est pas une nation qui se laisse séduire par des promesses rapides. La diplomatie algérienne, souvent décrite comme lente et calculée, se distingue par sa capacité à naviguer entre les différentes grandes puissances sans se lier de manière exclusive à l’une d’entre elles. Ce pragmatisme lui permet de maintenir un équilibre complexe, ne se laissant pas enfermer dans des alliances figées. La position algérienne sur la scène internationale est celle d’un acteur qui prend le temps de bien choisir ses partenaires, tout en restant attentif aux évolutions du contexte régional et mondial.

Dans ce cadre, une « americanisation » de l’Algérie ne se fera pas à la hâte. La diplomatie algérienne sait que dans le grand échiquier géopolitique, les décisions ne doivent pas être prises dans la précipitation. Comme le dit un proverbe algérien, « qui mange couché voit venir la tempête avant les autres ». L’Algérie, en observant les jeux de pouvoir, pourra ajuster sa stratégie au moment voulu, sans se laisser influencer par des décisions prises à la va-vite.

Une diplomatie à double face

La question qui se pose désormais est de savoir si l’Algérie deviendra un terrain de jeu pour la diplomatie américaine sous Trump. Si l’idée d’une alliance avec Washington semble tentante sur le plan économique et stratégique, Alger ne se laissera pas séduire facilement. Entre ses relations historiques avec la Russie, son ancrage en Afrique et ses liens avec des puissances montantes, l’Algérie continue de jouer un rôle de médiateur dans un monde multipolaire. En fin de compte, elle saura rester maître de son destin, observant les manœuvres des grandes puissances tout en préservant son indépendance, comme elle l’a toujours fait.

Salim T.

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