Ce que les États-Unis doivent apprendre de la Tunisie en matière d’égalité Hommes-Femmes, selon Carnegie.
En matière d’égalité hommes-femmes en politique, la Tunisie fait mieux que la plus ancienne démocratie du monde
Le succès de la Tunisie à défendre les droits des femmes et à les mettre sur le devant de la scène politique laisse les premières démocraties du monde admirablement surprises.
Plus de 1/3 des parlementaires et près de la moitié des élus locaux sont des femmes, le modèle tunisien fascine. “Comment un pays qui a ratifié sa première constitution démocratique il y a à peine quatre ans a-t-il élu plus de femmes que la plus ancienne démocratie du monde?”, se demandent Sarah Yerkes et Shannon Mckeown de Carnegie Endowment for International Peace.
Pour décrypter cet exploit, ces dernières se sont penchées sur les spécificités de cette démocratie naissante dans un article intitulé “Ce que la Tunisie peut enseigner aux États-Unis sur l’égalité des femmes” datant du 30 novembre 2018.
Avec la parité obligatoire, la Tunisie promet un changement radical
“La Tunisie est célèbre dans le monde arabe pour sa position en faveur de l’égalité hommes-femmes”. C’est l’une des lois les plus progressistes au monde en matière de parité hommes-femmes.
Cette loi oblige les partis politiques à alterner les membres de leurs listes de candidats entre hommes et femmes et à faire en sorte que la moitié de leurs listes soit dirigée par une femme.
Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de la Constitution tunisienne de 2014, selon laquelle les hommes et les femmes “ont des droits et des devoirs égaux et sont égaux devant la loi, sans discrimination aucune”, souligne l’article.
De ce fait, l’imposition de la parité horizontale et verticale est l’ingrédient secret favorisant cette mixité.
En effet, ce principe offre davantage de chances aux femmes d’être plus présentes sur l’échiquier politique. Un avantage de taille qui permet de mettre un terme à l’idée que la politique est l’apanage des hommes. Grâce à ce principe, les femmes imposent leur présence et provoqueront avec le temps des changements au niveau de la société.
“Les quotas de genre produisent un nombre plus élevé de femmes élues, ce qui signifie qu’avec le temps, l’électorat ne voit pas la participation politique des femmes comme quelque chose d’extraordinaire. Sans quotas, la différence est flagrante (…) Cela donne non seulement aux candidates potentielles un plus grand nombre de modèles, mais devrait également entraîner des changements à plus long terme dans ce que les gens pensent des femmes occupant des postes politiques” explique l’article.
Faisant une comparaison avec les États-Unis, la Tunisie semble prendre des longueurs d’avance. En Amérique, “le nombre d’élus femmes reste faibles, les attitudes de la société à l’égard de la participation politique des femmes n’ont pas suivi la hausse du nombre de candidates” déplore l’article.
Mais les quotas ne suffisent pas
“Les quotas sont la première étape pour offrir des opportunités aux candidates et pour familiariser le public avec l’idée de la représentation féminine. Mais ils ne suffisent pas pour autonomiser pleinement les femmes. La Tunisie a peut-être progressé au scrutin, mais ses femmes continuent de faire l’objet de discriminations au sein de l’establishment politique et des représailles” précise Carnegie.
“Malgré le nombre élevé de femmes au parlement, les femmes n’occupent que trois des vingt-neuf postes de ministre” souligne l’article.
“Les changements culturels peuvent prendre des générations. Alors que la société gagne du terrain, le gouvernement doit intensifier ses efforts pour soutenir les femmes élues et les candidates – par le biais d’une formation aux médias, d’un accès aux réseaux de collecte de fonds et du renforcement global des capacités” estime l’article.
Et d’ajouter qu’ “il est peu probable que les États-Unis adoptent prochainement des quotas de genre, ce concept allant à l’encontre de l’éthique nationale américaine du libre arbitre. Mais le Congrès pourrait faire davantage pour autonomiser ses membres féminins nouvellement élus (ainsi que les femmes titulaires de longue date). Les partis politiques peuvent également jouer un rôle important dans la formation de la prochaine génération de candidates et peuvent également instaurer leurs propres quotas internes de genre afin de contribuer à l’augmentation du nombre de femmes qui se présentent à des élections”.
La société civile, un catalyseur de changement
“La protection constitutionnelle accordée par la Tunisie à l’égalité des droits des femmes et ses lois électorales avant-gardistes ont vu le jour grâce à la combinaison de femmes élues et d’une société civile puissante (syndicats, organisations non gouvernementales, etc.) qui réclamaient l’égalité des sexes” rappelle Carnegie.
“Les pressions politiques externes exercées par la société civile par le biais de manifestations (…) ont obligé les représentants du gouvernement à faire attention. En conséquence, la Tunisie a non seulement inscrit des quotas électoraux par sexe dans la loi, mais a également adopté une loi historique interdisant la violence à l’égard des femmes en 2017. Le gouvernement a récemment approuvé une nouvelle loi prévoyant l’égalité de succession entre hommes et femmes.
Aux États-Unis, des groupes comme She Should Run encouragent et soutiennent les candidatures féminine. C’est un bon début. Mais sans l’aide du gouvernement pour garantir des niveaux plus élevés de représentation féminine” rien ne sera fait. “Il reste à voir si ces femmes élues sont placées à des postes de direction par leurs partis ou mises à l’écart. Le véritable test sera de savoir si les femmes peuvent maintenir cette ferveur énergique lors des prochaines élections” conclut l’article.
Wafa Samoud
Source : huffpostmaghreb.com