Pour empêcher la reprise proche du hirak, dont les marches hebdomadaires ont été suspendues – décision sage – par ses animateurs à cause de la pandémie du coronavirus, le régime profite de cette suspension pour procéder à des arrestations à tour de bras et à criminaliser l’action politique et citoyenne. Près d’une cinquantaine d’Algériens arrêtée et condamnée à des peines de prison ferme pour délits d’opinion et aucune catégorie sociale n’est épargnée : journalistes, animateurs du hirak, dirigeants de partis, femmes, moudjahids, étudiants…
Après Khaled Drareni, un journaliste professionnel, le régime s’en est récemment pris à Khaled Tazaghart, un homme digne et un militant impénitent de la démocratie, à Mohsen Belabbas, président du RCD, parce qu’il est l’une des figures emblématiques du hirak il est devenu la cible privilégiée de harcèlement, Brahim Laalami et ses frères… et la liste est longue. Aucun Algérien n’est à l’abri d’une arrestation et jamais la justice n’a été aussi grossièrement instrumentalisée pour conserver un régime disqualifié, en fin de vie et qui n’a cessé de produire de l’échec.
Ces vagues successives d’arrestations témoignent de sa volonté de museler la société et de faire passer la révision de la constitution rejetée à la manière de la constitution de 1963 votée dans une salle de cinéma. Tous les régimes sortant de l’autoritarisme ont conçu des constitutions de contre-pouvoirs plus que de pouvoir tandis que dans notre pays pour sortir d’un régime autoritaire, le collège d’experts a hypertrophié les pouvoirs du chef de l’État si bien que l’on a pu parler d’hyperprésidentialisme.
Le constat est clair : intervenant dans un contexte de répression et de censure des médias, les conditions objectives d’un débat libre et contradictoire sur la révision de la constitution ne sont pas réunies. Bien que le hirak soit à l’origine de cette révision, la future constitution ne sera pas fécondée par son souffle, elle portera les marques de la répression, de la censure et du déni de la réalité du contexte de sa révision.
Il est urgent que le régime mette fin à cet arbitraire par la libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus d’opinion et d’envisager sérieusement une solution politique plutôt qu’une gestion répressive ouvrant la voie à toutes les dérives.
Tahar Khalfoune Auteur de réflexions sur » Le pluralisme administré « , » Langues, identité et constitution « , » Les limites dit constitutionnalisme en Algérie » publiées dans la Revue Confluences Méditerranée et la Revue Damoclès, Tahar Khalfoune est enseignant à l’IUT de l’Université Jean Moulin Lyon 3.