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mardi 29 avril 2025
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La France rame à contre-courant, l’Algérie navigue à vue…

Les relations franco-algériennes ressemblent à une vieille tragédie jouée en boucle, où chaque acteur connaît son texte par cœur mais refuse d’en changer la fin. D’un côté, une France qui rame désespérément pour maintenir une influence qu’elle ne sait plus exercer. De l’autre, une Algérie qui avance sans boussole, oscillant entre défiance et dépendance. Et au milieu ? Une mer d’incompréhensions, de faux-semblants et de rendez-vous manqués.

Paris aime à se penser stratégie, mais agit souvent en nostalgique. Entre repentance maladroite et postures autoritaires, elle oscille entre vouloir ménager le passé et contrôler un avenir qui ne lui appartient plus. Chaque président tente de « réinventer » la relation avec Alger, avant de s’échouer sur les récifs des malentendus historiques et des susceptibilités diplomatiques.

Macron, en bon équilibriste, a tenté le « en même temps » : un coup de flatterie sur la « nation amie », un coup de gueule sur la « rente mémorielle ». Résultat ? Rien. L’Algérie prend, observe, attend… et ne donne rien en retour. Paris veut « réparer », mais ne sait plus très bien quoi. Pendant ce temps, la France rame, s’agite, espère maintenir son influence… alors que le courant mondial l’emporte ailleurs.

L’Algérie, ce navire sans gouvernement

Alger, de son côté, avance à l’aveugle. On refuse de rompre avec l’ancienne puissance coloniale, mais on se méfie de ses intentions. On rejette son aide, mais on négocie en coulisses. On s’indigne publiquement, tout en comptant sur les visas et les transferts d’argent. Le pays à du potentiel, une jeunesse dynamique, des ressources… mais pas de cap clair.

La rente pétrolière anesthésie toute volonté de transformation. Les dirigeants parlent de « nouvelle Algérie », mais l’appareil d’État reste coincé dans ses réflexes du passé. On promet le développement, mais on épouse l’initiative. On célèbre la souveraineté, tout en fermant la porte à ceux qui voudraient vraiment construire l’avenir. Résultat : le bateau avance, mais sans direction, ballotté entre crises internes et opportunités manquées.

Les deux pays se regardent en chiens de faïence, prisonniers d’un passé qu’ils ne savent ni assumer ni dépasser. L’un rame pour exister, l’autre flotte pour durer. Et pourtant, les défis sont immenses : immigration, économie, sécurité, instabilité régionale… Mais plutôt que de construire un vrai partenariat, chacun joue son petit jeu politique.

La France veut garder son influence sans oser l’affirmer. L’Algérie veut s’émanciper sans savoir comment. Et au final, tout le monde perd du temps.

Cap sur l’inconnu

À force de reculer devant les choix difficiles, Paris et Alger risquent de se réveiller un jour en réalisant que le monde a avancé sans eux. La France ne peut plus imposer un modèle périmé, et l’Algérie ne pourra pas éternellement jouer la carte du statu quo. Il faudra, tôt ou tard, choisir un cap.

Mais pour l’instant, l’un rame, l’autre dérive… et aucun port n’apparaît à l’horizon.

Le drame des relations franco-algériennes, c’est qu’elles sont figées dans un jeu de dupes permanent. Paris fait semblant de croire qu’Alger finira par lui tendre la main, Alger feint de croire qu’elle peut s’émanciper sans jamais couper le cordon. Un dialogue de sourds où chacun entretient son illusion.

En France, la classe politique alterne entre diplomatie du repentir et accès d’autorité maladroits. Trop d’excuses agacent, trop de fermeté braque. À force de ménager le chèvre et le chou, Paris fini par ne convaincre personne. On veut maintenir un lien, mais on ne sait plus sur quelle base. Résultat : une influence qui s’érode, une crédibilité qui vacille, et une Algérie qui regarde de plus en plus vers d’autres partenaires.

À Alger, on joue la carte de la souveraineté à tout-va, mais on reste englué dans des contradictions. On refuse la main tendue, mais on accepte les bénéfices du partenariat. On se méfie de l’ex-colonisateur, mais les élites envoient leurs enfants étudier à Paris. On revendique une indépendance totale, mais on garde un pied dans la francophonie, faute d’alternative claire. L’État alterne entre fierté affichée et dépendance assumée.

Pendant que la France ramène et que l’Algérie dérive, d’autres avancent. La Chine investit, la Turquie tisse ses liens, la Russie renforce sa présence. L’Europe, prise dans ses propres crises, observe sans savoir comment se positionner. Le monde ne nous attend pas.

L’Algérie, avec ses ressources naturelles et sa position, pourrait devenir un acteur majeur si elle savait s’ouvrir sans se renier. La France, avec son savoir-faire et son histoire, pourrait proposer un partenariat moderne et pragmatique. Mais pour cela, il devrait cesser les postures, les rancœurs stériles et les demi-mesures.

Si rien ne change, l’histoire se terminera comme elle a commencé : dans une désillusion mutuelle. La France continue de perdre de son influence en Afrique du Nord, piégée par ses hésitations. L’Algérie continue d’avancer sans direction claire, freinée par ses propres contradictions. Et dans quelques décennies, on se demandera comment ces deux pays, liés par tant d’histoire, ont pu autant passer à côté de leur avenir commun.

Il reste une chance de redresser la trajectoire. Mais encore faut-il qu’un jour, quelqu’un prend enfin le gouvernail. Et pour l’instant, personne ne semble prêt.

La France rame à contre-courant, s’accrochant à une influence déclinante sans oser la réinventer. L’Algérie navigue à vue, hésitant entre rupture et dépendance, sans jamais fixer de cap clair. Et au milieu, une mer d’occasions perdues et d’attentes déçues.

L’histoire aurait pu faire de ces deux pays des partenaires stratégiques, liés par un passé commun mais tournés vers l’avenir. Au lieu de cela, ils s’observent, se méfient, se chercher sans jamais se trouver.

Le monde change vite, et ni la France ni l’Algérie ne peuvent se permettre de rester piégées dans leurs hésitations et leurs postures stériles. À force d’attendre, d’éviter les décisions difficiles et de laisser le temps filer, elles risquent de se réveiller un jour en constatant qu’elles ne comptent plus.

Le vent souffle, la tempête approche, mais aucun capitaine n’ose encore prendre la barre. Combien de temps avant le naufrage ?

Moralité , « Les nations qui refusent d’affronter leur passé s’enlisent dans l’immobilisme, celles qui hésitent sur leur avenir se condamnent à l’insignifiance. »

Dr A Boumezrag

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