Mokrane Aït Larbi
Acteur et observateur
« Démoctature », le titre du livre de Maître Mokrane Aït Larbi, renvoie à notre régime politique ou coexistent des éléments formels, des mécanismes juridiques d’un système démocratique et des pratiques qui vont à contre- courant ou vident de tout son sens la souveraineté populaire. Or, sans le respect de celle-ci, du pluralisme politique et culturel, l’interdiction du recours à la violence, l’instauration d’un État de droit restera une chimère. Il y a comme un hiatus entre le pays légal et le pays réel.
Acteur puis observateur de la scène politique, l’avocat qui se présente comme « militant de la démocratie, des libertés publiques, de Tamazight et de la justice sociale » évoque les événements qui ont marqué l’Algérie depuis l’avènement du pluralisme politique, en 1988. Pour lui «l’explosion d’octobre 88 n’est pas spontanée, mais révèle des luttes au sein du sérail ». Sur les législatives, présidentielles qui ont suivi, l’arrivée de Bouteflika, en 1999, le « Printemps noir », le départ de Boumaza du Conseil de la nation, l’auteur livre des faits peu connus. Responsable au RCD dont il fut en février 1989 l’un des quatre fondateurs, il assure, contrairement à ce qui est distillé que le parti n’est pas né dans « les laboratoires du système ». Par contre, il évoque des interférences à partir de l’été 1991 des personnalités, citant Ghozali, Touati ou Belkaid dans son orientation. « Il n’était pas de notre intérêt de soutenir un clan contre un autre et j’étais attaché à l’indépendance de notre décision », écrit-il. Il explique aussi son départ par « une gestion financière opaque et des décisions qui se prenaient en dehors de son conseil national ».
Il s’étalera aussi sur sa désignation au titre du tiers présidentiel au Conseil de la nation. Il décrypte son fonctionnement peu autonome, la logique clientéliste dont il est une vitrine et les raisons qui l’ont conduit à démissionner en mai 2001. Il révèle aussi qu’il a été approché pour diriger la campagne de Bouteflika, en 1999 et livre le contenu de rencontres avec notamment Larbi Belkheir ou Liamine Zeroual.
Le livre ne se veut pas strictement autobiographique. Il est surtout une lecture attentive et critique de l’arsenal juridique et réglementaire qui a structuré le champ politique durant ces trente dernières années. Il passe au crible les lois sur les partis, les élections, la réconciliation et les libertés publiques. Il aligne aussi de nombreuses propositions pour une sorte de refondation politique pour sortir d’une crise qui perdure par la faute « d’un pouvoir qui se reproduit à l’infini et une opposition peu crédible ou factice ». Mais comment sortir de l’impasse sans être dans l’un ni de l’autre ? Le défi à relever conclut l’auteur est dans « une intifada citoyenne et pacifique ».
- « Democtature » 315 pages Éditions Koukou 800 DA
Rachid Hamoudi