« Souvent plongée dans l’ombre, de surcroît souffrant d’une large méconnaissance, l’architecture palatiale de la Tunisie beylicale, en particulier celle du XIXe siècle, ne manque pourtant guère d’originalité. »
Marquée par la stratification des civilisations et des cultures, la Tunisie est riche en héritages mémoriels et regorge de legs monumentaux appartement à diverses périodes de son histoire. Aucun d’eux ne mérite d’être relégué dans l’oubli. Souvent plongée dans l’ombre, de surcroît souffrant d’une large méconnaissance, l’architecture palatiale de la Tunisie beylicale, en particulier celle du XIXe siècle, ne manque pourtant guère d’originalité.
Cette dernière est due au syncrétisme de diverses influences, issues tant d’Orient que d’Occident, relevant tant du savoir-faire artistique local que de celui de l’autre rive de la méditerranée. La dynastie husseinite, dont les dix-neuf Beys régnèrent de 1705 à 1957, se caractérisait par la possession de nombreuses résidences à Tunis et dans ses environs, notamment à l’ouest de la capitale, au Bardo et à Manouba, et le long de la côte, dans sa banlieue nord, surtout à La Marsa et à Carthage.
Si les intérieurs des palais beylicaux, réalisés au XVIIIe siècle, témoignent d’un raffinement exquis, à l’image de ceux du palais de la Rose à Manouba (également appelé Borj El Kébir), qui fut l’une des résidences préférées de Hammouda Pacha (1782-1814), les décors husseinites du XIXe siècle traduisent une plus forte empreinte européenne, spécialement celle de la péninsule italienne, tout en manifestant l’excellence des arts tunisiens, dont la sculpture sur plâtre, l’ouvrage du bois et la céramique en constituent de notables facettes.
Deux édifices représentatifs, les palais du Bardo et de Ksar Saïd, voisins l’un de l’autre et situés dans la ville du Bardo, incarnent remarquablement les splendeurs des palais beylicaux au XIXe siècle.
Deux superbes salles de l’apparat beylical, bâties durant la première moitié du XIXe siècle, dans l’aile cérémonielle du palais du Bardo
Le palais du Bardo, situé à quelques kilomètres du centre-ville de Tunis, fut, pendant des siècles, une résidence privilégiée des souverains de la Tunisie. Lieu de plaisance, depuis le XVe siècle, des sultans de la dynastie des Hafsides (1228-1574), puis habité occasionnellement par les Mouradites (1613-1702), il devint, aux XVIIIe et XIXe siècles, la principale résidence des Beys de la lignée des Husseinites. Entre les dernières décennies du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, ceux-ci, tout en séjournant dans d’autres palais, continuèrent à l’utiliser pour leurs cérémonies d’investiture.
Dès mai 1888, sept ans après l’établissement du protectorat français en Tunisie (12 mai 1881), fut inauguré, au sein de l’aile privée, le premier musée du pays (musée Alaoui) sous le règne du Bey Ali III (1882-1902). Depuis l’ère post-indépendance (20 mars 1956), le parlement tunisien s’est installé dans l’aile cérémonielle.
Localisé en plein cœur de la ville, le complexe palatial, incluant le parlement et le musée, est bordé par la place du Bardo, la route nationale 7 et la rue Mongi Slim.
Si au XVIIIe siècle, l’aile cérémonielle du palais du Bardo connut la construction de sa plus ancienne salle du trône (Beit el-Bacha), c’est au cours de la première moitié du XIXe siècle que furent élevées deux salles d’apparat des plus admirables : Beit el-Bellar (salle des glaces) et la grande salle du trône d’Ahmed Bey. La première, édifiée sous le règne de Mahmoud Bey (1814-1824), frappe par sa somptuosité.
Elle est précédée d’un patio rectangulaire, encadré de portiques dénués d’arcs et scandés de trente colonnes extrêmement graciles, taillées dans le marbre blanc de Carrare. Leurs fûts cannelés et leurs bases moulurées reposent sur des socles élevés.
À l’instar des colonnes, le dallage est en marbre blanc de Carrare. Il en est de même des encadrements des portes et des fenêtres. Quant au revêtement mural, il présente des céramiques à motifs floraux. Au milieu de cette élégante cour intérieure, trône une fontaine soigneusement sculptée.
La dénomination de la salle de Mahmoud Bey se réfère à sa décoration singulière. Au-dessus du revêtement mural, composé d’un placage de marbres précieux polychromes, dont la partie supérieure est ornée de vases, de bouquets et de rinceaux fleuris, faits de deux types de marbre à teintes contrastées, se trouvent deux exquises frises superposées, ciselées de stalactites et rythmées d’arcs à lambrequins.
Ces dernières sont surmontées d’un plafond d’une exceptionnelle qualité d’exécution. Il s’agit d’une voûte en bois sculpté, ajouré et entièrement revêtu de feuilles d’or, lesquelles couvrent aussi la totalité de la double frise. Derrière cette dentelle, garnie d’étoiles et de rosaces géométriques, un ensemble de glaces l’enveloppe de partout.
Dans cette pièce, qui associe un revêtement mural en marbres d’inspiration européenne et une ornementation haute (frises et plafond) d’influence arabo-andalouse, se trouvait jadis un trône beylical. Tant celui-ci que le reste du mobilier, visibles dans les photographies de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle, sont de facture occidentale. Le beau lustre fut importé de Venise.
Ce trône, qui existe toujours dans les Collections nationales tunisiennes, est en bois doré. Sculpté avec exubérance, il est pourvu d’un dossier violoné, gracieusement couronné de rinceaux, de feuillages et de guirlandes de fleurs.
L’historien Ahmed Ibn Abi Dhiaf (1804-1874), qui fut, durant plus d’une quarantaine d’années, le secrétaire particulier de cinq Beys successifs, relève que, sous Sadok Bey (1859-1882), le souverain recevait dans cet espace opulent les membres du Conseil charaique et les professeurs lors des célébrations de l’Aïd, ainsi que les consuls étrangers et les notables.
Au cours de la première moitié du XXe siècle, le Bey continuait, lors de son investiture, à y recevoir l’hommage de ses sujets. Depuis des décennies, la salle des glaces est réservée au président du parlement tunisien. En dépit du changement d’affectation, ce lieu sublime a parfaitement conservé son décor d’origine
Le dixième souverain husseinite Ahmed Bey (1837-1855), dont l’image est fortement associée à l’édification de son “Versailles tunisien” à M’hamedia, s’intéressa cependant au palais du Bardo, dans les premières années de son règne. Souhaitant éclipser l’œuvre de ses prédécesseurs, il fit bâtir une immense salle du trône en 1838.
D’une conception purement occidentale, traduisant une nette influence italienne, cette énorme pièce, remaniée au début du règne de Sadok Bey (1859-1882), impressionnait autant par ses dimensions considérables, étant la plus grande salle du trône de la dynastie husseinite, de surcroît plus vaste que plusieurs salles du trône en Europe, que par son faste.
Sur ses murs, tendus de tentures, étaient accrochés de nombreux tableaux représentant les souverains tunisiens, ainsi que des monarques européens contemporains d’Ahmed Bey, de Mohamed Bey (1855-1859) et de Sadok Bey.
Au plafond, peint à l’italienne, étaient suspendus des lustres monumentaux. Quant au mobilier, il comportait des fauteuils, des chaises et des consoles entièrement en bois doré. Ces dernières supportaient une multitude de candélabres, de vases et de pendules.
Au fond de la salle, dallée de marbre blanc de Carrare, se trouvait, sur une estrade à quatre marches, le trône en bois sculpté et doré. Il était surmonté d’un somptueux dais en brocart, orné des armoiries beylicales.
Plus qu’une simple salle du trône, ce lieu connut des moments marquants de l’histoire tunisienne.
Elle fut le lieu de proclamation du Pacte fondamental en 1857, instituant l’égalité entre tous les sujets du monarque husseinite, quelque soit leur confession, ainsi que le cadre de l’ouverture solennelle, en présence de Lamine Bey (1943-1957), des travaux de la première constituante tunisienne, le 8 avril 1956. Si le trône, les tableaux, ainsi qu’une partie notable du mobilier, nous sont parvenus, la pièce, devenue salle plénière du parlement, a subi, depuis les années 1960 et 1970, des transformations conséquentes ayant altéré son aspect d’origine.
Il est plus que souhaitable de voir une salle aussi grandiose retrouver son éclat d’antan.
Les splendeurs, remontant au XIXe siècle, du palais du Bardo ne se limitent pas uniquement à son aile cérémonielle. Les éblouissants décors réalisés dans son aile privée, pendant la seconde moitié des années 1850 et au début des années 1860, illustrent, magistralement, la coexistence de différentes influences artistiques.
La magnificence de l’aile privée du palais du Bardo sous les règnes de Mohamed Bey et Sadok Bey
Objet d’un relatif désintérêt de la part d’Ahmed Bey, dans les années 1840 et au cours de la première moitié des années 1850, le palais du Bardo connut une importante campagne de travaux durant le bref règne de Mohamed Bey, qui résidait néanmoins dans son palais de Dar al-Tej à La Marsa, et au début de l’ère de Sadok Bey.
Ces travaux aboutirent à la mise en place de l’un des plus somptueux et des plus remarquables ensembles de décors palatiaux husseinites. Dans l’aile privée, qui constitue la partie ancienne de l’actuel musée national du Bardo, sont disposées, au premier étage, de superbes pièces, s’organisant autour d’un vaste patio couvert.
Celui-ci, rebaptisé depuis longtemps “salle de Carthage”, abrite de notables sculptures romaines, dont plusieurs grandes statues. Il représente, encore aujourd’hui, l’un des espaces d’exposition majeurs du musée.
Outre sa vocation muséographique, ce lieu constitue, incontestablement, l’une des plus frappantes illustrations de l’architecture italianisante dans la Tunisie beylicale des années 1850-1860.
La décoration de cette salle haute, possédant deux niveaux, ne manque nullement d’élégance et d’harmonie. Le péristyle, doté de vingt-quatre colonnes à chapiteaux néo-corinthiens, présente des arcs moulurés en plein cintre dont l’intrados est compartimenté à l’italienne.
Les colonnes à fûts lisses, ainsi que le dallage et les encadrements des portes, sont en marbre blanc de Carrare. Quant au revêtement mural, il est composé de céramiques garnies de motifs géométriques et floraux.
Les belles retombées baroques du plafond sont agrémentées de volutes et de pilastres à chapiteaux ioniques; leurs ornements stuqués étaient autrefois agrémentés de dorures.
Précieux documents, les photographies de cet endroit, remontant au dernier quart du XIXe siècle, mettent en lumière une plus grande richesse caractérisant l’aspect d’origine, en comparaison avec l’état actuel.
Depuis de longues décennies, la salle a subi un “appauvrissement” décoratif. Ainsi, le plafond a perdu les armoiries beylicales et la plupart des motifs peints qui le garnissaient.
Les arcatures de la galerie supérieure sont désormais nettement plus austères, dépourvues des motifs exquis qui les rehaussaient. Les gracieuses représentations florales peintes et stuquées, qui s’intercalaient jadis entre les arcs du niveau inférieur, ne sont plus visibles.
Encore une fois, rendre à cet espace sa splendeur initiale n’est guère impossible, car une abondante documentation existe, et il suffit d’œuvrer pour mettre à jour ou reconstituer les éléments manquants.
En dehors du patio couvert, trois salles, donnant sur celui-ci, présentent des ornementations des plus élaborées, et qui impressionnent grandement le visiteur. L’une d’elles, la salle du Harem, de plan cruciforme, est une pièce réservée autrefois aux femmes du Bey.
Dans cet endroit, l’influence européenne s’éclipse pour faire place à une démonstration éclatante de la splendeur des arts traditionnels tunisiens enrichis, depuis des siècles, d’apports arabo-andalous et ottomans. Surélevée de plusieurs marches, elle se signale par son foisonnement décoratif, associant harmonieusement marbres, céramiques d’une polychromie attrayante et plâtre blanc sculpté.
Sa principale parure est la superbe voûte à huit pans qui la surmonte. Celle-ci est entièrement revêtue de plâtre, ouvragé avec une précision et une finesse époustouflantes.
Les arabesques géométriques, ciselées avec virtuosité, forment une dentelle composée d’innombrables motifs des plus variés, parmi lesquels dominent les étoiles à huit pointes et les entrelacs.
Fort heureusement, la salle du Harem conserve l’intégralité de sa décoration initiale.
L’attachement des Beys aux métiers d’art du pays apparaît également dans une autre œuvre, extraordinaire à bien des égards, ayant suscité l’admiration de l’architecte français Henri Saladin (1851-1923) qui la découvrit à la fin du XIXe siècle.
Il s’agit de l’immense et majestueuse coupole en bois, à seize pans, du grand salon, appelé pareillement salle des fêtes (“salle de Sousse” du musée), qui borde l’un des petits côtés du patio couvert, faisant face à la salle du Harem.
Deux menuisiers tunisiens, Hamda Ben Othman et Mohamed El Gharbi, façonnèrent un véritable chef-d’œuvre.
Totalement sculptée, peinte et dorée, la calotte est garnie, dans sa majeure partie, d’une pléthore de motifs géométriques, dont des étoiles à six pointes, des rosaces à huit branches et des formes pentagonales, tout en présentant des rinceaux et des ornements floraux sans sa section inférieure.
En son centre, la coupole, qui est flanquée aux angles de quatre coupolettes octogonales, est pourvue d’une remarquable retombée couverte de stalactites, à laquelle est suspendu un lustre.
Longeant l’un des longs côtés latéraux du patio couvert, l’ancienne salle du musique du Bey, l’actuelle “salle d’Althiburos” du musée, charme le regard tant par son plafond elliptique central (nécessitant toutefois une restauration d’envergure) que par le décor des deux tribunes localisées aux extrémités de cette pièce aux amples proportions.
Portiques scandés d’arcs en accolade, dotés de fines colonnettes cannelées en marbre, peintures de facture italienne, parure géométrique arabo-andalouse, ainsi que d’autres ornements inspirés de l’Orient, traduisent toujours ce suave syncrétisme, non dénué d’originalité, de l’architecture palatiale de la Tunisie beylicale.
Tant par son aile cérémonielle que par son aile privée, le palais du Bardo offre une éloquente illustration de l’attrait des résidences beylicales au XIXe siècle. Toutefois, il n’est pas le seul exemple, et à sa proximité se trouve un autre palais, celui de Ksar Saïd, qui ne manque guère d’intérêt.
Le charme des intérieurs du palais de Ksar Saïd, résidence préférée de Sadok Bey
Bordant la rue de l’Évacuation, à faible distance du musée national du Bardo, le palais de Ksar Saïd est un édifice dont l’architecture et les décors relèvent du XIXe siècle, même si son domaine (“Sania”) est bien plus ancien. Son origine remonte au XVIIe siècle, précisément à 1661.
Portion d’un domaine de Hammouda Pacha (1631-1666), deuxième représentant de la dynastie des Mouradites (1613-1702), ce dernier l’octroya à son fils, le futur Mourad Bey II (1666-1675).
Il s’appelait alors “Saniet el-Bortal”. Avec l’extinction de la lignée des Mouradites et l’avènement des Husseinites, à partir de 1705, il fit partie des possessions de la nouvelle dynastie.
C’est sous le règne d’Hussein Bey II (1824-1835) que le palais semble avoir été construit, d’après certains documents, entre 1825 et 1830. Attribué par Mohamed Bey à son ministre et gendre Ismail Sunni, il fut repris par Sadok Bey qui lui donna son nom actuel (Ksar Saïd signifiant littéralement « palais heureux »).
Il entreprit, durant deux ans, de 1867 à 1869, des travaux d’agrandissement et d’embellissement qui donnèrent au palais l’aspect qu’on lui connaît jusqu’à présent.
Ksar Saïd fut la résidence favorite du souverain, qui l’habita durant la majeure partie de son règne. Au XXe siècle, il fut également habité par Mohamed El Hédi Bey (1902-1906), avant d’être converti en hôpital, vers 1950, à l’époque de Lamine Bey, il est de nos jours une dépendance de l’Institut national du patrimoine.
Si la façade principale se caractérise par sa sobriété, rythmée, sur trois niveaux, de fenêtres grillagées et agrémentée, en son milieu, d’un moucharabieh (en dialecte tunisien « Ganaria »), surmontant la porte d’entrée, et d’un fronton triangulaire, c’est à l’intérieur, au premier étage, que sont situés les décors husseinites qui retiennent l’attention.
L’un des espaces les plus intéressants est, sans conteste, le patio couvert, qui servait de vaste salon d’attente. L’influence européenne, en particulier italienne, y est fortement visible, à travers l’usage du marbre blanc de Carrare dans le dallage, les encadrements et dans les vingt-quatre colonnes coiffées de chapiteaux néo-corinthiens.
Cette empreinte italianisante se manifeste en outre dans les compartiments des intrados des seize arcs en plein cintre moulurés, ainsi que dans les ornementations stuquées et peintes des écoinçons de ces derniers.
Au-dessus des arcades, les nombreuses ouvertures en œil-de-bœuf confèrent une allure curieuse et singulière à cette cette salle.
Après une longue période d’abandon, certains décors, notamment ceux des écoinçons des arcs, ainsi que les bordures des œils-de-bœuf, ont disparu. Ainsi, il est important de les restituer pour redonner à ce lieu sa splendeur du XIXe siècle.
Le patio couvert de Ksar Saïd se distingue aussi par un magnifique plafond peint à l’italienne. Mis à part des compartiments trapézoïdaux et pentagonaux, renfermant d’élégants rinceaux et des bouquets de fleurs, le centre du plafond est agrémenté, de part et d’autre de la retombée à stalactites, à laquelle est suspendu le lustre, de deux représentations des armoiries beylicales.
Ouvrant sur ce patio couvert, une importante salle d’apparat longe l’un de ses longs côtés. Cette pièce, dallée de marbre blanc de Carrare, traduit parfaitement le style husseinite de la seconde moitié du XIXe siècle, alliant influences occidentales et traditions décoratives locales.
Les murs, lambrissés de céramiques à dominante bleue, sont surmontés d’une voûte à pans, revêtue de plâtre finement sculpté de rosaces géométriques enchevêtrées.
Un grand lustre, semblable à ceux du palais des Tuileries (à Paris) sous Napoléon III, est suspendu à la voûte, dont les motifs ciselés sont rehaussés de touches de dorures.
Un mobilier occidental garnissait cette salle pourvue d’un moucharabieh, où le Bey aimait s’asseoir pour contempler les jardins de son palais.
C’est dans ce salon que, le 12 mai 1881, Sadok Bey, entouré de ses ministres, signa le traité du Bardo, instaurant le protectorat français sur la Tunisie. Si le mobilier n’est plus en place, la salle garde, encore aujourd’hui, sa décoration datant de la fin des années 1860.
En face de ce salon, se trouve une ravissante salle, dite chambre du Bey, dotée de trois alcôves (“kabwat”). Les motifs peints et stuqués des arcs, les céramiques de facture italienne, ainsi que le travail tunisien du plâtre sculpté de la voûte centrale, forment un très bel ensemble ornemental.
Du temps où les Beys résidaient dans le palais de Ksar Saïd, cette pièce était éblouissante par le luxe de ses tentures et de son mobilier.
De cette période demeurent deux cloisons dorées, ajourées d’enroulements de rinceaux sur fond de glaces, qui ferment les arcs en plein cintre de deux alcôves symétriques.
Aussi bien les magnifiques décors beylicaux du palais du Bardo, que ceux du palais de Ksar Saïd, demeurent extrêmement méconnus, à la fois par les touristes étrangers et par les Tunisiens eux-mêmes.
L’aile cérémonielle du palais du Bardo, utilisée par l’Assemblée des représentants du peuple, n’est pas accessible au grand public.
Il en est de même de Ksar Saïd. Exceptionnellement, ce dernier fut ouvert à tous lors de l’exposition “L’éveil d’une nation”, entre le 27 novembre 2016 et le 1er mars 2017. D’un autre côté, ce palais est toujours en attente d’une restauration globale et d’envergure pour lui redonner son lustre d’antan…
Seule l’aile privée du palais du Bardo, incluse dans le musée, peut être visitée par quiconque. Toutefois, certains des précieux plafonds ne cessent de se dégrader, et leur remise en état devient de plus en plus urgente.
Trésors artistiques de la Tunisie, légués par le XIXe siècle, ces joyaux patrimoniaux méritent d’être conservés et réhabilités pour être transmis, dignement, aux générations futures.
Source Huffpostmaghreb
Par Mohamed Khaled Hizem
Chercheur et écrivain du patrimoine