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vendredi 22 novembre 2024
A la uneC’est par étapes et dans le rassemblement que la liberté se gagnera (Contribution)

C’est par étapes et dans le rassemblement que la liberté se gagnera (Contribution)

Dans un nouveau chapitre de l’ouvrage « Dissidences populaires, regards croisés », l’écrivain Youcef Zirem nous livre ses réflexions sur le long chemin vers la liberté du peuple algérien. Alors que le soulèvement populaire du Hirak a marqué un moment de fraternité exceptionnel, l’auteur constate avec tristesse que les espoirs de changement n’ont pas été concrétisés face à la répression du régime en place.

Je pense souvent à ceux qui ont donné leur vie pour que le peuple algérien ne souffre plus des injustices du colonialisme français. Paix à leur âme. Je me demande souvent est-ce que nous sommes à la hauteur de leur sacrifice ?

La réponse à cette interrogation m’attriste. Oui, une énorme tristesse s’empare de moi quand je pense que durant 60 ans le peuple algérien a manqué de liberté, de justice sociale, de dignité, de démocratie.

Mais je sais aussi de la matière pour me consoler : je me dis, que tôt ou tard, le peuple algérien retrouvera sa souveraineté. Cet énorme soulèvement pacifique des années 2019-2021 est inoubliable ; c’est la preuve éclatante qu’une grande partie du peuple algérien a compris la nature du régime qui gère le pays. Le Hirak a été un exceptionnel moment de fraternité.

Oui, le Hirak est d’abord ce sublime territoire de la fraternité retrouvée du peuple algérien, dans toute sa diversité, malgré l’adversité et les manipulations multiples du régime. Puis l’espoir de construire la liberté, la justice sociale, la dignité, la démocratie.

Mais cet espoir ne s’est pas concrétisé. Les dirigeants militaires du régime algérien ont décidé autrement.

Au lieu de répondre positivement aux demandes pacifiques et légitimes du peuple, ces décideurs militaires ont employé des méthodes peu glorieuses : arrestations, instrumentalisation de la justice, invention de lois insensées qui rend tout acte politique autonome interdit et passable de prison. Mascarades électorales, mensonges, désinformation et corruption se sont regroupés pour maintenir le système en place.

Des milliers d’arrestations, de nombreux prisonniers politiques ont clairement donné de l’Algérie l’image d’un pays invivable, irrespirable. Presque une prison. Mais en deux années de manifestations pacifiques et grandioses, à travers les quatre coins du pays, la conscience politique du peuple s’est fortifiée. La répression a mis fin aux manifestations mais, désormais, une bonne partie du peuple a compris les enjeux de cette réaction musclée du régime.

Pour rappel, le régime algérien est illégitime depuis le 9 septembre 1962 lorsque l’armée des frontières avait pris le pouvoir de force après une guerre fratricide qui avait fait plus de 1000 morts. Aucun chef de l’État algérien n’a été élu depuis 60 ans. Une vraie élection suppose, entre autres, l’ouverture du champ politique, la liberté des médias, la fin de la mainmise du régime sur les médias d’état, la dissolution de la police politique.

Tandis que le régime écrase la société, une partie de l’élite corrompue applaudit ou fait semblant de ne rien voir. Au même moment, les opposants se chamaillent pour des futilités et restent bloqués par des événements d’il y a 30 ans. L’Algérie a un sérieux problème avec une partie de son élite qui peine à s’assumer pour aider le peuple dans sa quête de la liberté.

L’Algérie n’arrive pas également à dépasser son passé récent, cette guerre contre les civils qui a fait du mal et des traumatismes.

En 30 ans, la société algérienne s’est métamorphosée ; elle est aujourd’hui, grâce à internet et aux réseaux sociaux, à l’écoute du monde. En 30 ans, de nouvelles générations sont arrivées et aspirent à une autre vie loin des contraintes et de l’autoritarisme. Pourtant il faudra construire un pays. Seul le Hirak semble en mesure de le faire. Jamais la dictature n’a construit un pays. Mais le Hirak se doit de passer à la vitesse supérieure.

Tous les opposants sincères, non liés à la police politique, de toutes les tendances politiques, devront se rassembler autour d’un minimum, pour imposer le changement. C’est presque une question de logique mathématique : sans ce rassemblement, le régime demeurera en place.

Il est clair qu’un consensus historique doit être trouvé autour de la liberté, la dignité, la justice sociale et la démocratie. La construction du changement peut se faire par étapes. Lorsque l’armée ne sera plus au pouvoir, la concurrence politique sera possible sous des règles claires, adoptées par les uns et les autres. C’est par étapes et dans le rassemblement que la liberté se gagne.

Il faudra, donc, à tous les militants autonomes et sincères, de faire le bilan de nos récents échecs pour suivre des chemins plus sûrs. Pour ne plus refaire les mêmes erreurs. Le régime en place est en panne d’idées depuis de longues années. Les causes de la genèse de la contestation pacifique du printemps 2019 sont encore toutes présentes.

La prétendue « Algérie nouvelle », formule déjà employée par le colonialisme français en son temps, ne trompe personne. Pour le bien de l’Algérie et de son armée, le changement est nécessaire. Il est à souhaiter que ce changement se fasse de manière pacifique.

L’Algérie est un pays-continent qui a d’énormes potentialités naturelles et humaines. La liberté, la justice sociale, la dignité, la démocratie feront de l’Algérie un pays prospère où chaque citoyen, quelles que soient ses croyances aura sa place.

Youcef Zirem

Écrivain

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