Signes de fébrilité ou volonté d’affirmation d’une autorité infaillible et d’une main mise absolue sur le pays, le pouvoir d’Alger multiplie les actes et les maladresses aussi. De la «bicéphalisation» de l’APN à l’emprisonnement de journalistes, les dernières semaines ont connu des événements en cascade, de quoi dérouter le plus aguerri des observateurs et semer le trouble et le doute au sein de l’opinion publique nationale.
Rien de mieux qu’une confusion généralisée pour faire avaler l’amère pilule du 5e mandat ou de le déguiser en un prolongement forcé et « salutaire et salvateur» de l’actuel quinquennat. Entre un responsable politique qui annonce la candidature de Bouteflika à sa propre succession et un Premier ministre, également chef de parti, qui préfère évoquer le lancement, avant la fin de l’année en cours, de l’académie de la langue Amazigh, c’est tout l’ordre des priorités qui semble complètement chamboulé au sommet de l’État. S’il en reste un, bien sûr.
L’empressement de Djamel Ould Abbas à annoncer la candidature de Bouteflika au nom de son parti ; le FLN, n’est apparemment pas du goût d’Ahmed Ouyahia qui tente d’emmener le débat sur le terrain de l’identité et de la linguistique. Les deux hommes qui se disputent depuis un certain temps la «fidélité suprême» au Président n’ont pas fini d’en découdre.
Le virevoltant et non moins encombrant Ould Abbas, en ouvrant trop prématurément le bal des candidatures, tente de prendre de court ses adversaires politiques et même ses alliés au sein de la coalition présidentielle. Face à lui, le machiavélique Ouyahia joue la retenue et cherche à tempérer les ardeurs de son adversaire du FLN en essayant d’ouvrir d’autres débats. De quoi dérouter davantage l’opinion publique déjà mise à l’épreuve par la succession des événements.
L’hiver s’annonce très froid et l’air devient irrespirable dans la maison «Algérie». Les épisodes politico-médiatiques, avec un arrière-goût politico-populiste, se sont succédé à un rythme effréné, au point de donner le tournis au plus averti des observateurs et brouiller les cartes aux analystes.
À peine terminée, l’affaire du patron de presse (Ennahar TV) qui défie le DRS a été vite éclipsée par la mise en détention de cinq officiers supérieurs de l’armée, pour des affaires de corruption. Un dossier que certains mettent directement en relation avec celui de la «cocaïne d’Oran» et par le biais duquel le pouvoir veut montrer qu’il reste maître des lieux et qu’il veille sur les intérêts du pays.
En entretenant cette illusion d’un père de famille bienveillant, le régime d’Alger n’a pas manqué de sortir ses griffes et de mettre en branle l’institution judiciaire, toujours tenue en laisse, pour semer la peur et la zizanie au sein de l’opinion publique. Coup sur coup, journalistes, blogueurs et artistes ont été arrêtés et mis en détention sur la base de dossiers vides ou des faits non avérés. Les méthodes utilisées lors de ses arrestations sont tout aussi méprisables que condamnables.
Avec la mise en scène médiatique qui accompagne ses sorties, le pouvoir allie l’abject à l’ignoble, afin de parvenir à ses fins : se le trouble, la peur et la terreur pour faire passer son projet politique, en l’occurrence le 5e mandat (réel ou déguisé) et empêcher toute organisation et expression d’une opposition politique ou sociale.
Hakim TAIBI