Paris-Genève, le 30 octobre 2020 – Le peuple algérien est appelé aux urnes ce 1er novembre pour se prononcer par référendum sur l’adoption d’une nouvelle Constitution, dans un contexte de répression accrue contre les militants pacifiques du Hirak. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) déplore une nouvelle fois la répression judiciaire généralisée à l’encontre des manifestants pacifiques, et appelle les autorités algériennes à cesser cet acharnement judiciaire.
La consultation référendaire du 1er novembre, proposée par le Président Abdelmadjid Tebboune, actuellement hospitalisé en Allemagne, en vue de l’adoption d’une nouvelle Constitution supposée répondre aux revendications du Hirak, intervient alors même que les militants du mouvement restent la cible de multiples arrestations et emprisonnements arbitraires et d’un harcèlement judiciaire continu de la part des autorités.
Cette réforme constitutionnelle, promesse électorale du Président Tebboune censée poser les bases d’une « nouvelle République », a été rédigée par un comité nommé par le pouvoir, et déjà adoptée par le Parlement algérien dont la légitimité est contestée, sans que les militants du Hirak n’y soient associés. Loin de répondre aux aspirations des manifestants, cette nouvelle Constitution renforce l’autorité du Président et de l’armée et ne garantit aucunement la séparation des pouvoirs, pourtant vivement réclamée par les militants.
« Si les autorités algériennes sont sérieuses quant à leur volonté de prendre en compte les revendications exprimées depuis de longs mois par le mouvement du Hirak, elles doivent commencer par cesser d’en harceler les militants et amorcer un vrai dialogue afin de construire, dans la concertation, l’Algérie de demain » a commenté Alice Mogwe, présidente de la FIDH.
Depuis le début du mouvement en février 2019, de nombreux militants du Hirak ont été arbitrairement arrêtés et détenus, condamnés à de lourdes peines de prison et à des amendes conséquentes ou encore harcelés judiciairement, notamment par le biais de reports incessants de procès, simplement pour avoir manifesté leur volonté de changement. Cet acharnement contre les manifestants pacifiques va à l’encontre de la volonté d’apaisement et de dialogue pourtant affichée par le pouvoir algérien.
A titre d’exemple, Khaled Drareni, arbitrairement détenu depuis le 29 mars 2020, a été condamné en appel le 15 septembre 2020 à deux ans de prison ferme par la Cour de Ruisseau pour avoir couvert les manifestations du Hirak en tant que journaliste. Dans le cadre de la même affaire, les militants Samir Belarbi et Slimane Hamitouche ont pour leur part écopé d’un an de prison dont quatre mois fermes. Le militant Abdallah Benaoum est quant à lui incarcéré en détention provisoire depuis 11 mois pour avoir publié sur Facebook des opinions critiques à l’égard des autorités et sa santé est aujourd’hui en danger. Récemment, le 15 octobre 2020, Fodil Boumala a été condamné à 50 000 dinars (environ 380 euros) d’amende pour « incitation à attroupement non armé » par le Tribunal de Dar el Beïda à cause d’une vidéo publiée sur Facebook dans laquelle il déclare sa solidarité avec tous les détenus du Hirak et d’opinion et est toujours poursuivi dans le cadre d’une autre affaire. Les autorités algériennes continuent également de harceler le militant de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH) et syndicaliste Kaddour Chouicha, déjà emprisonné à plusieurs reprises depuis le début du mouvement, ainsi que son épouse, la journaliste et militante de la LADDH Jamila Loukil, tous deux étant appelés à comparaître, avec d’autres personnes, dans un procès qui se déroulera le 30 novembre 2020 pour des faits qui se sont déroulés en novembre 2019. Par ailleurs, de nombreux procès de militants qui devaient se tenir depuis le début de l’année 2020 sont sans cesse reportés.
« Nous appelons les autorités algériennes à répondre aux attentes légitimes des militants du Hirak et, plus largement, du peuple algérien, en commençant par mettre un terme au harcèlement systématique des militants pacifiques et en libérant tous ceux qui restent détenus à ce jour » a réagi Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.
Accéder à la page web recensant les poursuites et le harcèlement judiciaire contre 21 défenseurs des droits humains : https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/algerie-zoom-sur-le-hirak et https://www.omct.org/fr/human-rights-defenders/reports-and-publications/algeria/2020/09/d25821/
L’Observatoire, partenariat de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), a vocation à protéger les défenseurs des droits de l’Homme victimes de violations et à leur apporter une aide aussi concrète que possible. L’OMCT et la FIDH sont membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de l’Union européenne pour les défenseurs des droits de l’Homme mis en œuvre par la société civile internationale.