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mardi 30 avril 2024
FranceFaute de laissez-passer consulaire, la France peine à expulser les clandestins

Faute de laissez-passer consulaire, la France peine à expulser les clandestins

Même pas cent laissez-passer consulaires obtenus mensuellement par les services de l’Intérieur pour expulser de France les clandestins sans papier… Du 1er janvier au 31 juillet, l’Intérieur en a récupéré seulement 790 pour près de 4 000 demandés. « Les laissez-passer consulaires ? C’est le sujet majeur », concède un officiel à Beauvau.

Interrogez les agents de préfecture ou de la police aux frontières (PAF) sur les expulsions d’étrangers en situation illégale en France et tous vous diront combien l’obtention de ces documents indispensables aux éloignements forcés peut laisser de souvenirs amers. Car les laissez-passer consulaires (LPC dans le jargon administratif) sont effectivement délivrés au compte-gouttes par les pays sources d’immigration. Ils concernent principalement les clandestins qui ont détruit leurs papiers et dont il faut établir la nationalité. Sans la coopération du pays d’origine supposé, aucun retour n’est envisageable.

Gérard Collomb avait mis le sujet sur la table dès son arrivée à Beauvau. Il affirmait que le dossier était totalement embourbé et que les préfets n’osaient quasiment plus consulter les consulats étrangers tant le taux de réponse était faible. « Ce n’est pas tout à fait exact, réagit un grand commis de l’État. Des préfets qui renoncent, j’en connais peu, mais des consuls étrangers qui passent les bornes, il y en a beaucoup ! » « Il nous faut là encore persévérer »,

disait Gérard Collomb, le 4 septembre dernier. Ce jour-là, il s’exprimait devant les attachés de sécurité intérieure placés auprès des ambassadeurs français un peu partout dans le monde. Et les chiffres qu’il égrainait étaient inédits : « Depuis le début de l’année, […] le nombre de laissez-passer consulaires demandés a été de 3 857, soit + 66 % par rapport à la même période l’an passé. Le nombre de LPC instruits a été de 2 095, soit + 32 %. Et le nombre de LPC obtenus a été de 790. » En pourcentage, c’est 43 % de mieux que l’année d’avant.

Mais le ministère part de si bas. « Nous agissons, malgré les difficultés, sur le plan européen, à la fois pour renforcer l’agence Frontex, qui est en train de monter en puissance, et pour trouver les voies de coordination et d’une solidarité européennes efficaces en la matière », assurait alors le ministre, qui a démissionné depuis, dans les circonstances que l’on sait…

La nomination d’un ambassadeur ad hoc à sa demande pour débloquer la situation avec certains pays rétifs à toute coopération n’a pas été inutile. La France ne ménage pas ses efforts pour convaincre ses interlocuteurs étrangers, quitte à laisser entendre qu’elle conditionnera ses aides financières ou matérielles aux États concernés à leur capacité à augmenter le taux de réadmission de leurs ressortissants indésirables en France.

Avec l’Albanie, cette politique bilatérale a permis de faire baisser significativement la demande d’asile pour ses ressortissants dans l’Hexagone (- 40 % environ depuis janvier) et les reconduites ont été nombreuses. Mais l’Albanie, candidate à l’intégration dans l’UE, bénéficie d’un régime d’exemption de visas qu’elle ne souhaiterait pas perdre si Paris devait hausser le ton. Tirana a donc un intérêt direct à négocier. « Le problème, ce sont tous ces pays qui ne jouent pas le jeu », déplore un haut fonctionnaire du ministère en charge de ce dossier. Lesquels ? Le directeur d’un service dédié dans une préfecture n’hésite pas à nommer ceux qui lui posent des difficultés : « La Russie, le Maroc, l’Algérie et la Tunisie principalement. » Mais il y a aussi le Mali, le Sénégal, l’Afghanistan ou la Chine.

Pourquoi ces pays restent-ils sourds aux demandes ? « On ne va pas se raconter d’histoire, déclare un commissaire de la PAF. Beaucoup des jeunes migrants concernés sont des sans-emploi que leur pays encourage à partir. Il y a même des délinquants dans le lot, indésirables chez eux. » « La Chine, pour sa part, met un point d’honneur à ne pas reprendre ceux qui ont quitté la mère patrie », assure un juge administratif.

L’an dernier, en Tunisie, une amnistie avait profité à près de 3 000 prisonniers des prisons de Mournaguia, Borj Amri et Siliana, dont les cellules sont combles. Ces « droits communs » se sont mêlés aux jeunes migrants tunisiens frappés par le chômage qui les pousse à émigrer. « Il y a beaucoup d’hypocrisie dans la gestion des éloignements, déplore un cadre de préfecture. L’une des techniques employées par les consulats de certains pays consiste à délivrer les laissez-passer consulaires après le délai maximal de rétention. Si bien que le clandestin est déjà dehors quand le document nous parvient. Par ce stratagème, le pays émetteur se soustrait à un retour qui le dérange, mais il peut prétendre officiellement avoir honoré notre demande.»

C’est pour contourner ce genre de difficultés que la loi Collomb sur l’immigration a porté le délai de rétention de 45 à 90 jours. Mais un préfet l’affirme : « Cet allongement du délai, astucieux sur le principe, nous pose d’autres problèmes : nous avons encore plus de cas à gérer que de places disponibles en centre de rétention administrative (CRA) pour préparer l’éloignement. » « Absolument exact ! confirme le sénateur LR François-Noël Buffet, spécialiste de ces sujets à la commission des lois de la Haute Assemblée. Le taux d’occupation des CRA est actuellement de 98 %. » L’Intérieur dispose de 2 000 places tout au plus dans toute la France pour gérer les sans-papiers mais aussi tous ceux qui possédaient des documents d’identité et qui doivent partir.

« Il faudrait doubler le nombre de places en CRA », estime un agent de préfecture. Ce qui n’est pas au programme du gouvernement. Un vrai sujet pour le futur ministre de l’Intérieur.

 

JEAN-MARC LECLERC

Source : Le FIGARO

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