L’atmosphère est détendue, le mercure fait sa sieste, la révolte n’est pas pour demain. Depuis une semaine, on assiste à une levée de bouclier de la presse nationale et de ses giratoires à propos d’un film interdit. Ce qui semble être un élan sincère et courageux de nos journalistes me pose tout de même un léger problème.
A-t-on jamais vu, telle levée de bouclier ?
Je ne m’en souviens pas. Si les droits des artistes, le droit à la libre expression, le droit à la création, à la liberté d’opinion peuvent être placés au sommet de la hiérarchie et ce n’est là que légitime attente, la déferlante des défenseurs de la culture semble tout de même poser quelques problèmes.
Je n’ajouterai pas de l’eau au moulin, l’auteur-producteur et réalisateur du film est un ami et c’est peu dire. Au-delà de l’élan de solidarité dont témoigne l’ensemble de la sphère culturelle et artistique du pays, demeure une question.
Nos journalistes découvrent-ils la censure ?
Le ministère en question serait-il plus critiquable que d’autres ?
Serait-il le nouveau symbole de l’ultime censure ?
Que ne s’est-on offusqué de l’interdiction de quotidiens – pour ne citer que le Matin ?
des années durant des artistes, des œuvres et parfois des chefs-d’œuvre, ont été interdits de diffusion, les rares voix qui alors s’élevèrent furent vite et bien fait étouffées. Depuis une semaine toute la planète presse est attachée, scotchée, aux aguets qui ira, dira, contredira ou suggérera de tangibles ou fallacieuses raisons de censure ?
La meute démocratique est enfin lâchée, mais qui pose vraiment la question de la vraie censure ?
Des intellectuels, des partis politiques, des associations, des enseignants, des médecins, muselés, tabassés, enfermés, sans jamais ou très rarement trouver des canaux d’expression. Cette solidarité avec un film important dans l’histoire de notre peuple, à la fois compréhensible, légitime et révélatrice du malaise que vit notre pays, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Des formes de censures bien plus terribles réduisent au quotidien l’espace de nos libertés, sans que scandale s’ensuive.
Dans le fond, tout est normal tant que cela se passe en dehors de la capitale. Pour avoir connu l’équipe managériale et technique du film, il m’est difficile de ne pas leur témoigner ma solidarité. Ils-elles ont tellement donné pour ce film.
Le réalisateur, ses assistants et les intervenants – scénaristes- et autres ont donné de leurs énergies et de leurs passions. Je n’établis pas là une échelle dans la gamme des censures, de la plus petite à la plus ignoble, mais je pose la question des priorités dont la presse a fait le choix. Au moment où dans le pays sévissent les pires injustices, les voix qui portent s’unissent pour une et même chanson.
C’est à la fois impressionnant ce branle-bas pour le rétablissement des artistes dans leurs droits ; toutefois demeure le traitement global de l’information par la presse, comment peut-on accorder crédit à une telle déferlante ?
Quelque chose dérange, le saura-t-on un jour ?
Peut-être, bien. La colère demeure et restera mauvaise conseillère.
Akli Derwaz