Objet: 82 organisations Algériennes et internationales appellent les États à agir pour adresser l’escalade répressive dangereuse des autorités algériennes contre les forces pro-démocratique au cours de la 47ème session du Conseil des Droits de l’Homme (CDH)
La criminalisation incessante des libertés fondamentales justifie une réponse urgente
28 mai 2021
Mesdames, Messieurs,
Nous, organisations non gouvernementales algériennes, régionales et internationales soussignées, exhortons votre gouvernement, individuellement et conjointement avec d’autres États, à adresser la répression alarmante contre les manifestant-e-s pacifiques, journalistes, la société civile, les défenseur-e-s des droits humains et syndicalistes algérien-ne-s lors du 47e Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH).
Le niveau de répression a augmenté drastiquement et une position publique plus affirmée de la part des États est cruciale pour protéger les Algérien-ne-s exerçant leur droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion.
Nous vous exhortons, dans les points pertinents de l’ordre du jour tels que le dialogue interactif avec la Haute-Commissaire au point 2 ou les débats interactifs avec les Rapporteurs Spéciaux sur la liberté d’expression et la liberté d’association et de réunion pacifique au point 3, à :
- Condamner l’escalade de la répression contre les manifestant(e)s pacifiques, les journalistes et les défenseur(e)s des droits humains, notamment le recours excessif à la force, la dispersion forcée, l’intimidation des manifestant(e)s et les poursuites arbitraires incessantes, y compris pour de accusations fabriquées liées au terrorisme;
- Exhorter les autorités à mettre fin à toutes les arrestations et poursuites arbitraires et à libérer toutes les personnes détenues arbitrairement;
- Exiger des enquêtes rapides, indépendantes, impartiales et efficace sur les allégations de torture et autres mauvais traitements, y compris les allégations de violences physiques, sexuelles et psychologiques en détention et d’agressions physiques pendant les manifestations – pour garantir que les auteurs présumés soient tenus pour responsables dans le cadre de procès civils équitables;
- Exhorter les autorités algériennes à modifier ou abroger les dispositions trop larges[1] du Code pénal et autres lois utilisées pour réprimer les droits et libertés fondamentaux, notamment la loi 12-06 relative aux associations et la loi 91-19 sur les réunions et manifestations publiques, conformément au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et à la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP).
Suite à la reprise des manifestations pacifiques appelant à une véritable réforme démocratique (le «Hirak») en février 2021[2], le gouvernement a lancé une nouvelle campagne d’arrestations et de harcèlement judiciaire. Selon des activistes locaux qui surveillent la situation sur le terrain, au 26 mai, au moins 183 personnes sont détenues pour avoir exprimé leur point de vue en ligne ou pour avoir manifesté pacifiquement. 86 d’entre eux ont été condamné(e)s à des peines de prison entre le 16 et le 24 mai. Des vidéos ont également montré que la police battait des manifestant-e-s.
Malgré l’annonce d’une grâce présidentielle pour une trentaine de détenus du Hirak le 18 février 2021, aucun décret de grâce présidentielle n’a été publié à ce jour.
Au cours des deux derniers mois, des organisations algériennes et internationales ont condamné le recours à la force illégale contre les manifestant-e-s et leur intimidation, le harcèlement et les mauvais traitements des défenseur-e-s des droits, la poursuite de la détention arbitraire et le ciblage des journalistes, la criminalisation du débat sur les questions religieuses, et l’absence d’enquêtes sur les allégations de violences physiques et sexuelles en détention, notamment sur un mineur séparé de ses parents.
Les accusations de terrorisme portées contre 15 défenseur-e-s des droits humains, journalistes et manifestants pacifiques le 29 avril constituent une nouvelle et dangereuse escalade. Si elles sont poursuivies par le tribunal, elles pourraient créer un précédent inquiétant pour cibler les Algérien-ne-s appelant à des réformes.
L’année passée a vu une reconnaissance croissante de l’aggravation de la situation des droits humains en Algérie, y compris par le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) en mars et en mai 2021, le Parlement européen et la Chambre des communes du Canada. Lors du 45ème CDH, la Belgique a condamné le harcèlement judiciaire contre les journalistes et a appelé les autorités à garantir la liberté d’expression. Au cours du 46ème HRC, l’Islande a exprimé sa préoccupation concernant les fermetures forcées d’églises protestantes et l’application arbitraire des restrictions liées au COVID-19.
Le moment est venu pour les États membres des Nations-Unies d’adresser la criminalisation croissante des libertés d’association, de réunion pacifique et d’expression en Algérie. Nous pensons que cette répression qui s’intensifie répond aux critères qui justifient une action urgente au sein du CDH, tel qu’établis par l’Irlande en 2016.
Nous vous appelons donc à adresser ces développements individuellement et conjointement avec d’autres États lors de la prochaine 47ème session du CDH, afin de protéger les manifestant-e-s pacifiques, les défenseur-e-s des droits et les journalistes qui luttent pour la démocratie.
Nous vous remercions d’avoir pris en compte notre demande et sommes dans l’attente de votre réponse.
Cordialement,
Organisations algériennes signataires
- Action pour le Changement et la Démocratie (ACDA)
- Ligue Algérienne pour la Défense des Droits Humains (LADDH)
- Syndicat National Autonome des Personnels de l’Administration Publique (SNAPAP)
- Assirem N’Yellis N’Djerdjer
- Collectif des Familles de Disparus en Algérie (CFDA)
- Comité Canadien pour les Droits de la Personnes en Algérie
- Coordination FreeAlgeria
- Confédération générale autonome des travailleurs en Algérie (CGATA)
- Feminicides-DZ
- Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD)
- Riposte Internationale
- SHOAA for Human Rights
- Tharwa N’Fadhma N’Soumer
- Abductees’ Mothers Association – Yemen
- Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) – France
- Adil Soz
- Africa Freedom of Information Centre (AFIC)
- AfricanDefenders (Pan African Human Rights Defenders Network)
- Al Haq human rights foundation – Iraq
- Aman organisation against Racial Discrimination – Libya
- Americans for Democracy & Human Rights in Bahrain (ADHRB)
- Amnesty International
- Article 19
- Association Arts et Culture des Deux Rives
- Association Citoyenneté, Développement, Cultures et Migration des Deux Rives
- Association de Défense des Droits de l’Homme au Maroc (ASDHOM)
- Association de Solidarité Civique – Tunisia
- Association Le Pont Genève
- Association Marocaine des Droits Humains (AMDH)
- Association Tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD)
- Association Tunisienne pour la Défense des Libertés Individuelles (ADLI)
- Association Vigilance pour la Démocratie et l’État Civique
- Beity organisation – Tunisia
- Belaady Organization for Human Rights – Libya
- Bytes for All, Pakistan
- Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS)
- Canadiens pour la Justice et la Paix au Moyen-Orient (CJPMO)
- Cartoonist Rights Network (CRNI)
- Center for Media Freedom & Responsibility (CMFR)
- Centre Tunisien pour la Liberté de la Presse
- CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation
- Coordination Maghrébine des Organisations des Droits Humains (CMODH)
- Dhameer for Rights and freedom – Yemen
- Egyptian Front for Human Rights (EFHR)
- Euromed Rights
- Front Line Defenders
- Global voices
- Globe International Center
- Growth foundation for development & improvement – Iraq
- Gulf Centre for Human Rights (GCHR)
- Hadramout Foundation For Legal Support and Training- Yemen
- Hassan Saadaoui Foundation for Democracy and Equality – Tunisia
- Human Rights Watch
- Index on Censorship
- Initiative for Freedom of Expression- Turkey
- International Federation for Human Rights (FIDH), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
- International Service For Human Rights (ISHR)
- IPYS Venezuela
- Justice without Chains – Libya
- Ligue tunisienne des droits de l’Homme (LTDH)
- Media Foundation for West Africa (MFWA)
- Media Institute of Southern Africa, Zimbabwe (MISA)
- MENA Rights Group
- National Center for Development Cooperation (CNCD 11.11.11)
- National Syndicate of Tunisian Journalists (SNJT)
- Nas Development and Human Rights Center – Yemen
- Organisation Contre la Torture en Tunisie (OCTT)
- PEN International
- Project on Middle East Democracy (POMED)
- Reporters without Borders (RSF)
- Sam for freedom and rights – Yemen
- Social Peace Promoting and Legal Protection – Yemen
- South East Europe Media Organisation (SEEMO)
- Syrian Network for Human Rights (SNHR)
- Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM)
- The Pacific Islands News Association (PINA)
- Together We Raise (social association) – Yemen
- Tunisian Forum for Youth Empowerment
- Watch for Human Rights – Yemen
- World Association of Newspapers and News Publishers (WAN-IFRA)
- World Organisation Against Torture (OMCT), within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders
- Yemeni Observatory for Human Rights – Yemen