(…) هـ certaines lettres participent du sens même des mots, quand elles ne l’incarnent pas (…)
Houaria. هـ , ce phonème vecteur du souffle vital, brasse entre le hallal et le haram provoquant une levée de boucliers sans égal! Double coup de pour le roman HOUARIA de Inaam Bayoudh.
Des critiques de l’œuvre pointent du doigt l’utilisation de termes grossiers en Dardja et poussent la ritique jusqu’à dire que le roman porte atteinte à la ville d’Oran.
Après une première lecture coup de foudre , que j’ai partagé avec quelques amis.e.s, j’ai encore péché par une deuxième lecture du livre defendu ! Une lecture motivée par l’acharnement, aveugle (puisque la plupart des critiques émanent de personnes qui n’ont pas lu tout le roman), et je reste sur mon premier avis que c’est un excellent roman !
Dans toute cette agitation et polémique, il y a, au moins, un sentiment sur lequel tout le monde est d’accord : « le désir ardent » (expression un peu forte, néanmoins très suggestive, et qui convient très bien au contexte, à mon sens) de lire le roman et de connaître les vies et les destins de plusieurs personnages qui habitent dans des quartiers populaires dans la belle WAHRAN. Avec génie, l’autrice a tissé une trame romanesque entre:
هواري، هدية، هشام، هاشمي، هاجر، هناء، هبة، هاني…. et bien d’autres… Tous les prénoms commencent par la lettre هـ , intrigue qui exalte mes sens!
Permettez-moi le temps de quelques lignes de vous présenter ce fruit defendu « objet » de tous « les désirs » en ce moment…
C’est une histoire dans laquelle s’entrecroisent les vies et les destins de plusieurs personnages qui habitent dans des quartiers populaires dans la belle WAHRAN. Avec génie, l’autrice a tissé une trame romanesque entre: هواري، هدية، هشام، هاشمي، هاجر، هناء، هبة، هاني….
Au centre de ces personnages se trouve HOUARIA, jeune fille « singuliere ». Cependant, pure, si pure qu’elle a été dotée du don de « voyance » qui caractérise, généralement, les belles âmes sensibles et sincères.
Ainsi, tout ce petit monde évolue et mène sa vie dans une Algérie aux précipices d’une dérive qui l’entraînera dans une décennie sanguinaire, qu’on qualifiera, plus tard, de « noire ». Engagée sur un fond de sentiments d’amour sincères et purs entre plusieurs personnages (Houaria et Hichem, Hiba et Hani), le paroxysme de cette histoire est, par ailleurs, dramatique: assassinat « sauvage » du jeune Hichem par des extrémistes religieux sous les yeux de Houaria….Je vous en dirai pas plus pour ne pas vus priver du plaisir de lire le roman.
Toutes les couches qui forment la société sont représentées avec le sens du détail et une description minutieuse, détaillée, précise et réaliste que le lecteur est vite plongé dans l’univers du roman. Les voix des personnages tissent, par touches successives, la trame de ces destins savament entrecoisés par l’auteure, qui recourt à un narrateur omniscient pour combler les quelques digressions existentielles des personnages, et nous plonger dans les vies et existences de ces couches marginalisées ayant subi de plein fouet la décenie noire.
Le recours de l’autrice à des mots et des phrases, d’un registre populaire « vulgaire », introduites lors de dialogues entre les personnages, afin de préserver l’authenticité de la narration et produire la polyphonie, tant attendue, dans ce type de romans, relève d’un réalisme socio- littéraire novateur pour les novices mais classique pour celles et ceux qui, par leur lecture de la littérature arabe comme Son’Allah Ibrahim, Tayeb Salah, Najib Mahfouz, Moudafar Ennouab, Tahar Ouettar, Djillali Khellas et même d’anciens poètes, redécouvrent ce sublime métissage entre les différents registres de la langue arabe: le dialecte algérien dans sa variante de l’ouest et la langue arabe dite « littéraire/littérale », procure au texte un dynamisme et une vivacité dans la narration. Le « dialecte » dont la frontière avec la langue est floue et la définition imprécise, est souvent identifié au discours des couches populaires. En littérature, beaucoup d’écrivains emploient cette langue populaire, en évitant toute censure, ce qui parfois provoque des réactions prévisibles de certaines catégories qui, apparemment, ne lisent pas, voulant imposer leur façon de faire, ignorant un élément fondamentale, la liberté de l’écriture et de l’écrivain.
Les désignations des différents personnages de chaque chapitre donne à la narration des événements différentes perspectives à partir du point de vue du personnage, tout en laissant libre cours à un récit plus intime et personnel du vécu, des traumas et des angoisses de chaque personnage.
Une narration originale, déroutante et éclatée… . Plaisir qu’on recherche lors des lectures ! La prédation en littérature à saisi un corps, en a expurgé l’âme idéale pour y laisser subsister ce que montrent les évènements brûlés par soit-disant de la vulgaire lumière de mots-maux blessants et banals. Pffff , Fichtre , Diantre !!! Brel chantait superbement » Au suivant « . Bah ! je vais relire Baudelaire. Aussi bien lire Kafka tout en écoutant en sourdine Frank Zappa.
la narratrice a métamorphosée la matière vivante, la chair animée de Houaria en objet fixe participant d’un sujet mobile ,on constate qu’elle a fonctionné à l’inverse de la procession platonicienne , à partir de la viande d’un corps, de la matérialité d’un visage concret , réel, la démiurge lumineuse produit une idée ,une trace inintelligible, une image immobile , un semblant d’icône presque semblable aux objets du monde kantien soumise à l’épreuve d’un révélateur crus sans jamais être vulgaire. Cette identité / réalisme pourtant répandu chez mants grands auteurs (Choukri, Mahfou et d’autres) semble choquer quelques esprits.
Le roman est un hymne à la gloire d’un grand pan de la société Algérienne, les FEMMES dans tous leurs états d’âmes, et je dis bien tous leurs états et statut : de la femme, comme veut bien la concevoir la société, à la femme diabolique, passant par la femme libre dans ses vies, sentiments et désirs…
Une fresque qui peint le combat et destins des femmes, surtout, هجالات (je déteste ce mot, mais je l’utilise quand même لغاية في نفس يعقوب) (veuves ou divorcees), et Dieu (existe t il ?) sait que ce n’est jamais un combat facile !
Le roman raconte avec réalisme et objectivité, recul et distanciation, et loin d’une prise de position, l’implication et l’hypocrisie de deux courants politiques et idéologiques (islamistes et communistes) dans le désordre et chaos qui ont entraîné les algériens, surtout les populations pauvres des quartiers les plus démunis et défavorisés, dans un bain de sang malheureux et triste. Les dernières pages du roman dégagent de fortes émotions que connaissent bien les algériens qui ont vécu et subi la décennie noire.
Un roman à lire et relire avec excès et sans modération !
BOUZID AMIROUCHE