L’ALGÉRIE a choisi le jour de Noël, 25 décembre, pour livrer un verdict visant quatre protestants évangéliques. Ils pourraient être condamnés… pour leur foi chrétienne ! Ils risquent jusqu’à cinq années de prison et une forte amende. Si elle intervenait, cette condamnation – deux semaines seulement après la béatification catholique des « martyrs d’Algérie », dont les moines de Tibéhirine – pourrait brouiller l’image de tolérance religieuse que l’Algérie avait voulu donner lors de cette cérémonie. Il est d’ailleurs possible que ce verdict soit repoussé, comme il le fut déjà en novembre dernier.
De quoi ces chrétiens sont-ils accusés ? D’avoir « incité un musulman à changer de religion », ce qui est un délit juridique en Algérie. Est également retenue contre eux la charge d’« exercice de culte religieux dans un lieu non autorisé ». Convoqués par la cour de Bouira, en Kabylie, dans le nord-est de l’Algérie ces quatre Algériens – dont trois appartiennent à la même famille – sont originaires de la ville de Bechloul, située non loin de Bouira.
S’ils étaient reconnus coupables, ces quatre chrétiens protestants risqueraient entre trois et cinq ans de prison. Le tout assorti d’une amende pouvant aller jusqu’à 1 million de dinars, soit 7 600 euros, l’équivalent de quatre années de salaire minimum en Algérie.
L’affaire remonte à juillet dernier. Un conflit familial oppose une femme à son mari parce que ce dernier s’est converti au christianisme. L’épouse, musulmane, porte plainte contre son mari. Elle dénonce aussi à la gendarmerie une famille chrétienne qui a voulu les aider à calmer ce différend. Aujourd’hui, cette famille se trouve accusée d’avoir « fait pression » sur la plaignante. Cette dernière affirme qu’on voulait la voir devenir « chrétienne ».
Ces informations ont été publiées dans la presse algérienne en Kabylie. Elles sont confirmées – et validées dans leur détail – par l’organisation Middle East Concern (MEC), qui veille notamment sur la question des droits de l’homme au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dont la liberté religieuse pour les chrétiens.
Ces motifs d’accusation reposent sur une « ordonnance » adoptée par l’Algérie en février 2006. Un texte juridique qui entendait restreindre la liberté religieuse en visant en particulier les protestants évangéliques. Un expert du dossier, qui tient à rester anonyme, affirme : « Avec l’Iran, l’Algérie est le pays musulman au monde qui connaît le plus de conversions au christianisme. » Joint par téléphone, un protestant algérien, qui requiert également l’anonymat, confie au Figaro : « Nous n’avons pas de statistiques, mais il y a un peu plus de 100 000 chrétiens pour 41 millions d’habitants en Algérie. Les conversions n’ont jamais cessé car les gens se posent des questions sur le christianisme. »
Interrogé sur la double attitude d’une Algérie à la fois relativement tolérante avec les catholiques, comme l’a montrée la récente béatification (même si les religieux étrangers voient toujours leurs visas refusés), et répressive avec les protestants évangéliques, il explique : « L’Église catholique a des rapports privilégiés avec le gouvernement car ses fidèles sont des étrangers. Les catholiques sont donc traités dans le registre diplomatique. Quant à nous, citoyens algériens non musulmans, les autorités ignorent volontairement ce que nous représentons. Comme nous croissons, nous sommes combattus par cette ordonnance de 2006. Nous demandons donc le retrait de ce texte car il contredit la Constitution algérienne. » De fait, la pression est constante pour ces chrétiens protestants algériens. Mais, grâce aux soutiens internationaux, ils obtiennent des résultats : si quatre églises protestantes sont aujourd’hui sous scellés, trois autres lieux de culte, qui avait été fermés sans raison apparente dans la région d’Oran, ont été rouverts en juin dernier, à la suite de protestations internationales.
Jean-Marie Guénois
Source : Le Figaro