P’tin, je ne veux pas de vos fleurs. Je ne veux pas de vos mots mielleux. Je veux juste exprimer ma rage. Le sentiment de mépris qu’elles ressentent toutes à l’intérieur d’elles-mêmes. Je sais, vous vous en moquez. Royalement. Elles le savent aussi. 364 jours que votre tutelle les étouffe, les assigne à un statut de mineure. 364 jours qu’elles doivent demander votre permission dans les actes les plus insignifiants de la vie quotidienne : sortir, conduire, voyager avec l’enfant que vous n’avez pas porté 9 mois durant. 364 jours qu’elles ne sont des pas-grand-chose. P’tin, elles ne veulent pas de vos fleurs.
Une fierté pour elle, qu’elle ait encore le père, le frère, l’oncle ou le tuteur aux yeux du grand public malgré leurs regards accusateurs, leurs soupirs de l’avoir comme fille, comme sœur ou comme nièce. Comme si c’était sa faute d’être née. Comme si elle avait choisi d’être fille et d’arriver dans leur famille avec fracas ou silence.
En Algérie, le 8 mars est une supercherie. La femme est un sujet sérieux. Le décalage entre les déclarations et la réalité du milieu familial et professionnel, vous le connaissez tous. Mais la parole fausse, le sourire au hasard, vous jetez des roses à tout-va, le 8 mars.
En Algérie, le 08 mars est un jour attrayant et amusant. La femme est un thème fantaisiste. Ou fâcheux. La défendre est le sport préféré de certains hommes. Pour être remarqués. Pour être différents. Pour être à la page. Paraître zéro macho. Y en a même qui brisent des tabous, pour elle. Quand elle n’est pas leur sœur. Quand elle n’est pas leur mère. Quand elle n’est pas leur femme. Avec rage, ils font part de leurs coups de gueule contre ce qui l’opprime, ce qui l’offense, ce qui la rabaisse (comme si ce n’était pas eux, la cause. Et quelques fois elle, faut aussi l’avouer). Ils repoussent volontairement les limites des libertés qu’ils veulent bien lui donner. Ils disent leur respect quand elle est respectueuse des règles, gardienne de leurs traditions – (qu’eux, ont le droit de fouler aux pieds), quand elle est couveuse et alaiteuse des enfants qu’ils ont conçus et négligés, quand elle est sœur et qu’elle crie haut et fort que le voile est son choix personnel. La journaliste, la blogueuse, la chanteuse, la militante, ils la veulent comme amie, comme collègue ou femme de l’autre. Pas comme épouse.
Ils sont où les diffamateurs, les violeurs, les agresseurs, les harceleurs en ce 8 mars ? Qui est responsable du décrochage des filles à l’école, au travail, aux activités sportives et culturelles ?
En Algérie, il faudrait supprimer le o8 mars. Et les festivités qui marquent cette journée : les galas, les expositions, les reportages et même les interviews qui disent les points de vue et les reconnaissances de l’homme pour la femme. Des hommages qui cadrent mal avec ce que veulent les femmes d’aujourd’hui. Ce n’est pourtant pas difficile qu’au lieu de ces divertissements à deux balles, on organise des cercles de paroles pour inciter les gens à donner l’alerte quand ils sont témoins de harcèlement. Montrer comment identifier les attitudes et les propos sexistes, méprisants ou harcelants. Initier des débats sur de nouvelles manières d’appréhender les choses pour une éducation civile, civique qui construisent une culture d’égalité et de respect entre tous. Créer des associations pour aider les femmes isolées. Proposer des formations pour les femmes sans diplôme afin de les aider à sortir de la précarité pour devenir autonomes…
Au fond, les Algériens n’ont aucune envie que le statut des femmes change. Heureusement que toutes leurs hypocrisies ne durent que 24 heures, le temps d’un 08 mars. Une pensée à tous ceux qui, en Algérie, résistent au 08 mars.
Katia Bouaziz.