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Octobre noir, octobre de désespoir

Trente ans maintenant et l’on ne sait toujours pas grand-chose de ce 05 octobre 1988.

Trente ans d’agitation, de confusion, de convulsion et de soubresauts. Trente ans de promesse, d’essais à la démocratie. Trente ans d’échec et de trahison.

Je ne sais rien, moi, de l’enfer de ce jour. Le fracas du peuple, l’armée, les rafles, la répression, les morts et l’état de siège. Je n’ai pas souvenance du Parti unique. Ce que j’en sais, je le retiens des écrits, des témoignages et des débats. On m’a raconté le passé avec des mots inintelligibles, des concepts irrationnels et des preuves contradictoires. On en a déduit à une révolte spontanée et une appropriation de la rébellion par les islamistes, sans loyauté, sans honnêteté.

Je ne connais pas, non plus, le règne de Boumediene ni celui de Chadli Bendjedid. Et je n’ai pas connu la période du Parti unique.

Par contre, je connais Bouteflika et sa démocratie illusoire.  Et le pseudo-multipartisme. Et les votes simulacres. Et l’opposition de façade, les partis timorés, inexistants sur le terrain. Et la manipulation des élections. Et le contrôle de l’information. Et la justice à la solde du régime. Et l’adhésion sans faille à son idéologie.

J’ai grandi avec l’idée de la survie du pouvoir au détriment du développement du pays.

Suis-je l’enfant de la révolte « spontanée » du 5 octobre ?  D’une paupérisation de la société ? Je n’en sais rien, je n’ai pas vécu la misère de ce temps-là, de l’indigence, des pénuries, de l’illettrisme.

Révolte spontanée, dites-vous ? Parler d’une révolte spontanée, c’est réduire ce soulèvement à une équation simple.  C’est nier toute l’intelligence de ce peuple. C’est nier ses rêves et sa dignité piétinée, ses espoirs avortés et ses aspirations à la reconnaissance et à l’autonomie. C’est nier aussi la détermination farouche des jeunes de l’époque à prendre leurs destins en main.

Réduire, le soulèvement du 5 octobre 1988 à une émeute anarchique, spontanée, c’est nier l’aptitude du peuple au discernement, au raisonnement et à l’affranchissement.  C’est nier les abus de pouvoir, les persécutions, les usurpations, les cruautés et les exactions longtemps contenus, longtemps pardonnés.

Le pays avait 28 ans. Ses enfants croyaient que leurs sacrifices étaient derrière et leurs espoirs dans l’avenir. Cette conviction remplissait leurs âmes et puis… L’amère déception !

Et par un mercredi d’octobre 1988, le peuple excédé a bravé la tyrannie. Et c’est l’épouvante.

Des Algériens ont tiré sur d’autres Algériens, le sang a coulé et la fissure s’est élargie

Katia Bouaziz

 

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