Alors que la dérive autoritaire du président tunisien Kais Saied suscite l’indignation dans le monde, un partenaire inattendu semble lui accorder un appui indéfectible : l’Union européenne. Selon certaines analyses, l’aide financière de 150 millions d’euros débloquée par Bruxelles en décembre dernier permettrait en réalité à Saied de poursuivre sa politique sécuritaire sans entraves.
Ce financement, convenu lors de la signature d’un accord de partenariat en juillet 2022, vise officiellement à « appuyer les efforts » de la Tunisie « pour favoriser la relance économique à travers l’amélioration de la gestion des finances publiques et du climat des affaires et investissements ». Cependant, pour de nombreux observateurs, cette manne financière n’aurait d’autre but que de permettre à Saied de museler toute voix discordante sans avoir à redouter de troubles sociaux liés à la crise économique.
C’est la présidente de la Commission européenne elle-même, Ursula von der Leyen, qui a négocié en personne cet accord controversé incluant un important volet de lutte contre l’immigration irrégulière. Une rhétorique xénophobe récemment adoptée par le président tunisien envers les migrants subsahariens n’a d’ailleurs pas suscité de véritables sanctions de la part de Bruxelles.
« L’argent européen sert clairement à acheter la paix sociale coûte que coûte pour ce régime autoritaire », accuse-t-on sur la Toile. Une attitude qui en dit long sur les priorités réelles des Européens dans ce dossier.
Pour l’UE, garantir la stabilité aux portes de l’Europe semble désormais primer sur toute autre considération, au prix notamment d’un blanc-seing accordé à une dérive liberticide sans précédent en Tunisie. Un choix de realpolitik à courte vue qui pourrait se révéler dangereux à long terme.
Haythem M.